Il était une fois, Domingo

Dakar, samedi 27 décembre 1986. Boubacar Sarr « Locotte » organise son jubilé au stade de l’Amitié. Plus de 60.000 personnes se bousculent pour voir de près les illustres invités du néo-retraité. J’en fais partie , du haut de mes 15 ans. Et parmi les stars du foot présentes ce jour-là, il y a l’immense Salif Keita. Domingo !

Il était une fois, Domingo, Information Afrique Kirinapost

Domingo: élégance et finesse dans le jeu © Progres

Pour la première fois de ma vie, je pose mes yeux sur cette légende, maintes fois racontée par mon papa, dont il était une des idoles avec Pelé.

J’avoue qu’à l’époque, bien qu’ayant lu certaines choses sur sa carrière, je n’avais trop conscience de ce qu’il représentait. Et j’ai vite compris. Quand le match des « anciennes gloires » a commencé, dès sa première touche de balle, une clameur s’est élevée dans le stade. Des « Domingo ! » fusant des tribunes. Et ce fut la même chose chaque fois qu’il touchait le ballon… Une icône !

(« Domingo », son surnom depuis l’enfance, est issu du personnage d’un film qu’il avait vu et qui lui avait tout de suite plu..)

La légende de Salif Keita s’est d’abord forgée dans son Mali natal. Il y a vu le jour en 1946, et très tôt, son attrait pour le ballon rond s’est manifesté. Malgré les réticences familiales, car on lui voyait un autre destin que celui d’être footballeur.

Il était une fois, Domingo, Information Afrique Kirinapost

Attaquant redoutable devant le but © Progrés

Son talent était tellement précoce qu’il reste à ce jour le plus jeune joueur à avoir évolué au sein de l’équipe A du Mali. C’était en 1962 et il avait 16 ans. Il refusera d’être naturalisé français au motif qu’il ne souhaitait pas que cela fasse « jurisprudence ».  » Nous avons de jeunes nations que nous aimons et que nous devons aider à construire. Nos peuples ont beaucoup sacrifié pour recouvrer leur indépendance .Que diront demain, les enfants qui viendront après moi, si je choisis de jouer pour la France au lieu du Mali » avai-il déclaré au moment de faire son choix.

Très tôt, il s’impose comme une référence dans le pays, puis rapidement dans toute l’Afrique. Il emmènera successivement le Stade Malien, puis le Real Bamako, son club formateur (1966) en finale de la Coupe d’Afrique des Clubs Champions. Ces deux finales se soldent par des échecs qui seront directement à l’origine de son départ pour la France en 1967.

Le public malien lui reproche d’être le responsable de toutes les défaites… Il n’a pas encore 20 ans, et on dit de lui « qu’il ne gagnera jamais rien »… Salif décide donc de plier bagages, mais les autorités maliennes le déclarent alors « intransférable ».

Salif brave l’interdit et parvient à rallier Paris le 14 septembre 1967. Un voyage très mouvementé, entre la peur de se faire prendre, et les risques météorologiques, car, au lieu d’atterrir au Bourget comme prévu, son avion est dérouté à Orly à cause d’un épais brouillard.

 

Il était une fois, Domingo, Information Afrique Kirinapost

As Saint Etienne 12 aout 1970 Stade Geoffroy Guichard As Saint Etienne _ Lille Salif Keita
Collection Bancet / Icon Sport

C’est là qu’a lieu un des épisodes les plus croustillants de la vie sportive de Salif Keita. En effet, Salif qui doit se rendre à Saint-Etienne (plus de 500 kms), décide de prendre un … taxi. Les deux premiers qu’il sollicite refusent et c’est finalement un taximan féru de foot qui accepte de le convoyer…

Montant de la facture à l’arrivée : 1062 francs français de l’époque, qui représenteraient aujourd’hui 1400 euros à peu près.

Et dès ses premiers pas dans le Forez, son génie éclabousse le championnat de France. Des buts à la pelle, des gestes de classe et surtout, la peur qu’il inspirait à tous les défenseurs du championnat. Ainsi, entre 1967 et 1972, avec les Verts, il inscrit 142 buts en 186 matches, gagne 3 fois le championnat, 2 fois la coupe de France et devient au passage en 1970, le tout premier ballon d’or Africain de l’histoire.

Son histoire avec l’AS Saint-Etienne se finira par un douloureux divorce qui verra Salif passer à l’ennemi, l’Olympique de Marseille. Ce qui lui vaudra une suspension de 6 mois, suite aux réclamations du tout-puissant président de l’ASSE, Roger Rocher.

Comble du hasard, après ce long arrêt forcé, le premier match disputé par Salif oppose l’OM à Saint-Etienne. Résultat : 3-1 pour l’OM, dont un doublé du génie malien.

Il était une fois, Domingo, Information Afrique Kirinapost

Ballon d’or 1970

Cette même année 1972 le verra conduire le Mali aux portes d’une victoire lors de la CAN orgnaisée au Cameroun. Malheureusement, Salif sera handicapé pendant toute la compétition par une blessure à la cheville et le Mali perd en finale face au Congo.

Après 6 années remplies en France, il rejoindra Valence (Espagne), où il évoluera 3 ans, avant un ultime défi européen au Sporting de Lisbonne (1976-1979).

Et c’est aux USA qu’il mettra un point final à son immense carrière, à l’image de Pelé, aux New England Tea Men.

S’ouvre alors un autre chapitre de sa vie, consacré aux études, puis au business et un peu, à la politique.

Salif Keita s’est éteint hier, 2 septembre 2023.

Que son âme repose en paix.

 

 

Share

Informaticien, amoureux de musique, de football, Mohamed Sow est aussi passionné des mots. Sa façon de raconter l'histoire du football ou l'histoire de la musique est attachante et captivante. Vous avez de la chance! Ses chroniques sont sur Kirina.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *