Regards croisés sur l’évolution de la musique Sénégalaise : Le Mbalakh à la croisée des chemins, ce thème a réuni du beau monde à la Maison de la Culture Douta Seck et à la Place du Souvenir mercredi et jeudi dernier.
La communauté des mélomanes et au-delà les Sénégalais de maniére générale doivent tirer une fière chandelle au professeur de littérature de l’UCAD, le très sympathique Ibrahima Wane qui vient d’organiser sur trois jours, ce qui peut etre considéré comme les états généraux de la musique Sénégalaise contemporaine.
Avec cette prouesse d’impliquer tous les acteurs de l’écosystème de la musique Sénégalaise et cette démarche inclusive qui a fait tenir l’évènement sur Rufisque et Dakar, villes qui sont l’épicentre du bouillonnement de cet art avec la ville de Saint Louis.
Prosper Afia Kassé de Senemali, Yacine Diop du Fesnac, Abdoulaye Soumaré qui fut ingénieur de son de Stevie Wonder, l’avocat des artistes Me Bara Diokhané, la magnifique soul & blues-woman Awa Ly, le chanteur Sahad Sarr, dont le dernier album est preslectionné pour le prochain Jazzahead, professeur Magaye Kassé qu’on ne présente plus, pour dire l’aéropage de personnalités culturelles présentes à l’évènement.
L’évènement fut une série de panels organisés à Rufisque et pour Dakar, à la maison de la culture Douta Seck, et au monument de la Renaissance, une maniére de fédérer deux infrastructures culturelles majeures dans leur mission d’animation et de promotion de la culture.
De quoi s’agissait-il ? Constatant une série de célébration de 50 ans de présence sur la scène par les pionniers de la musique sénégalaise moderne, Baaba Maal, Omar Péne, Cheikh Lo par exemple, le professeur Ibrahima Wane qui avait ce projet déjà en 2018, conforté dans son idée en 2019 avec la célébration du Xalam II, décide de tenir « Regards sur l’évolution de la musique Sénégalaise » en 2025, après 5 années de réflexions.

Un public nombreux était présent à la maison de la culture Douta Seck…©Aboubacar Demba Cissokho
Pour Ibrahima Wane et son directeurs artistique Aboubacar Demba Sissoko, journaliste de l’APS, l’année de référence est assurément 1975. Pourquoi ?
Parce que cette année est assurément, une année de référence pour la musique Sénégalaise au regard de plusieurs faits marquants qui s’y sont tenus : né en 1969 le X sort son premier opus Aadé en 1975, naissance du Number One, découverte de Youssou Ndour qui chante Pape Samba Diop depuis Saint Louis du Sénégal, début de Baaba Maal avec Yélitaaré, Le Super Diamono sort deux opus, c’est la disparition de Abdoulaye Mboup, Pape Samba Diop.
C’est véritablement l’année où l’échiquier musical prend ses racines dans la conscience collective avec ses identités fortes, et les lieux de mémoire comme le Miami, le Balafon, le stadium Marius Ndiaye et que la Mbalakh est devenu la mainstreems de la musique Sénégalaise.
Le panel du 28 Octobre qui s’est tenu à la maison de la Culture Douta Seck, rehaussé par la présence du leader de Daandé Légnol Baaba Maal, de Ismaël Lô, de l’ambassadeur de la Colombie au Sénégal, fut très technique et a révélé les lourds sacrifices des pionniers, leur abnégation, leur résilience dans la quête d’une identité musicale forte, attractive et d’un professionnalisme fort et conquérant.
Les intervenants sont tous des voix autorisées, Aziz Dieng musicien pionnier de l’industrie musicale avec son studio Midi musique dans les années 90, président de l’AMS, et ancien conseiller culturel sous Macky Sall a décortiqué le Mbalakh, en parlant des problèmes intra musique, rythme ternaire, avec une pulsion 1, 2,3 caractéristique du phrasé, l’utilisation des quarts de temps, et la perte de l’usage des gammes tempérées par les influences de la musique occidentale.
De son côté, maître Bara Diokhané est revenu l’environnement de la musique dans les années 70 et de ses évolutions. En bon juriste, il a toutefois attiré l’attention du public sur les avantages mais aussi sur les dangers de l’intelligence artificielle qui arrive et qui est capable de créer une oeuvre nouvelle voix à partir de la voix de Baaba Maal par exemple. Ce qui est sûr, l’intelligence artificielle va impliquer de nouvelles règles de droits et va faire évoluer sensiblement tout ce qui ressort de la propriété des œuvres.

L’immense Baaba Maal a plaidé pour plus de reconnaissance et de soutien aux artistes…©Aboubacar Demba Cissokho
Sous cet angle, les interventions pertinentes d’un public avisé ont signalé, par la voix de Papis Samba la pauvreté en mélodie et en harmonie d’un Mbalakh puisé dans le patrimoine Wolof plutôt rythmique avec les percussions que sont les sabars, alors que Tidiane Diallo alerte sur la rareté des instrumentistes au Sénégal. Pour preuve, soutient-il ce sont les mêmes musiciens qui jouent avec tout le monde. Il y aurait donc un vrai problème pour le relève d’où l’urgente et impérieuse nécessité à s’atteler à la formation, au moment où l’école des Beaux-arts n’est plus que l’ombre d’elle-même.
Charles Katy Nguel auteur d’un ouvrage sur la musique Sénégalaise parlera de l’école des beaux-arts de Kella au 1 » éme siècle Mandingue en donnant un exemple de concours pour magnifier l’espace Mandingue après la bataille de Kirina.
Le conseiller culturel du premier ministre le sémillant Abdoulaye Koundoul insistera beaucoup sur l’absence de critique pour accompagner l’écosystème de la production musicale.
Sous ce rapport, le Mbalakh semble avoir plafonné dans son élévation et c’est ce qui justifie la déviation de la nouvelle offre des artistes de la relève comme Sahad, ASH The Best, Amadeus, Mia Guissé, même si on voit le clin d’œil retentissant de Jah man Xpress et la résistance unique d’un Wally Seck au Mbalakh originel.
Ce qui n’empêche pas Madame Ngoné Ndour, PCA de la SODAV et Directrice du label Prince Arts de s’ériger contre l’idée de la non rentabilité du Mbalakh au-delà de nos frontières donnant en exemple Youssou Ndour, Baaba Maal et Ismaël Lo.
Si la musique sénégalaise a pu faire des bonds énormes, elle le doit en partie à des personnages comme Mamadou Konté. Il a non seulement contribué à faire avancer les droits d’auteurs mais a surtoit permis à beaucoup d’artistes de fouler les scènes du monde à travers Africa Fête. Sa patronne actuelle Daba Sarr a rappelé l’importance de Konté dans l’évolution de la musique sénégalaise. Des mécènes et entrepreneurs qui se font d’ailleurs plus en plus rares.

Daba Sarr directrice d’Africa Fêtes militante de la culture était présente à la Maison Douta Seck et le lendemain à la Place du Souvenir…©Place du Souvenir
Faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain et passer à autre chose, devant un Mbalakh qui semble essoufflé et dont les héros sont au crépuscule de leur carrière, alors même que la relève semble rejeter une partie importante de l’héritage ?
Le journaliste de la RTS, Alioune Diop à quant à lui, rendu un vibrant hommage à ces devanciers dans la promotion de la musique Sénégalaise que sont les Maguette Wade, Michael Soumah, Ahmadou Ba, il a passé en revue les différents courants de la musique sénégalaise avant le triomphe de la tyrannie du Mbalakh, et rendu un hommage appuyé à des personnes comme Robert Lahoud et aux étrangers qui ont participé son essor comme Amara Touré, Dexter Johnson, Andy Shaf, les Wings, les Kings etc….
Cette journée s’est achevée par une belle prestation de l’orchestra national qui a repris avec brio les classiques des ténors, «Dém Dém» de Youssou Ndour, «Ndakarou» de Baaba Maal, Thione Seck et «Tadiabone» devant un Ismaël Lo ému qui montera sur scène.
Le lendemain c’est la place du Souvenir qui a accueilli l’événement « Regards croisés sur l’évolution de la musique Sénégalaise en ouvrant l’activité par la projection d’un excellent film documentaire de 26 minutes sur le Mbalakh de Philips Conrad et Éric Picard.
Dans ce documentaire réalisé au début des années 80, qui gravite autour du maitre du rythme Mbalakh, Doudou Ndiaye Coumba Rose, on peut voir des entretiens avec les figures de pionniers comme Prospère Niang du Xalam, le Touré Kounda à Paris, Omar Péne et le Super Diamono à Dakar, Youssou Ndour et sa famille, Senemali etc…
Comme la veille, les panélistes du jour ont fait de brillantes interventions. La ravissante Aisha Dème insiste sur la nécessité pour l’industrie de la musique de s’adapter aux mutations en cours et souligne qu’au-delà de nos frontières on parle maintenant de la nouvelle génération incarnée par Sahad Sarr. Alioune Wade, Awa Ly et autres.

De Gauche à droite : Dudu Sarr, Moustapha Diop, Aisha Dème et Abdou Boury Ba autour du modérateur Aboubacar Demba Cissokho ©Place du Souvenir
Pour Abdou Boury Ba du laboratoire Agit ’Art notre musique est née avec une tare congénitale. Elle est née au Miami à partir de la Salsa, une musique essentiellement binaire avec la rythmique Wolof. Dés le départ il y a avait une anomalie !
C’est pourquoi, né à Kayes Findiw quartier traditionnel du plateau de Dakar, le Xalam a fait le pari d’une nouvelle expérience, après le West African Cosmos.
Doudou Sarr manager de Youssou Ndour et patron de Dakar Music Expo fera un bon exposé sur ses expériences et la difficulté pour Dakar d’avoir un festival à la hauteur de ses ambitions, tandis que Moustapha Diop de Music Bi parlera de la distribution sur les plateformes digitales.
C’est par un merveilleux bal animé avec des disques vinyles des groupes des années 80, Number One, Super Diamono, Star band, Xalam II et autres Touré Kounda que s’est terminé « Regards croisé sur l’évolution de la musique Sénégalaise ».

Madame Diouf, Ngakane Gningue, directrice de la Place du Souvenir en compagnie de la star Omar Pène en marge du panel ©Place du Souvenir



![[BLUES ORIGINEL] – Le FANTANG des Peuls, Information Afrique Kirinapost](https://kirinapost.com/wp-content/uploads/2022/04/ngoni-400x280.jpeg)



![[BLUES ORIGINEL] – Le FANTANG des Peuls, Information Afrique Kirinapost](https://kirinapost.com/wp-content/uploads/2022/04/ngoni-120x120.jpeg)



Laisser un commentaire