Prisons israéliennes : Le sinistre sort des Palestiniens détenus arbitrairement ou sans procès

Les Palestiniens peuvent être maintenus prisonniers dans des conditions sinistres dans les prisons israéliennes pendant des années, sans inculpation ni procès – et ce n’est là qu’une partie de la répression quotidiennement subie. Source : Jacobin Mag, Hamza Ali Shah

Amal Nakhleh, 19 ans, souffre d’une maladie rare et de longue durée appelée myasthénie grave, qui a pour conséquence une faiblesse musculaire sévère. En novembre 2020, alors qu’il avait seize ans, Amal a été arrêté à un poste de contrôle israélien situé entre les villes palestiniennes d’Atara et de Birzeit et s’est vu signifier une liste de chefs d’accusation liés à des jets de pierres.

Amal a été libéré en décembre, mais en janvier 2021, il a été de nouveau arrêté et soumis à un mandat de détention administrative qui a été reconduit à plusieurs reprises.

« J’ai subi une intervention chirurgicale juste avant mon arrestation, se souvient Amal. À cause de cette maladie, je dois passer un scanner tous les six mois et suivre un traitement médical en continu. Pendant tout le temps de mon emprisonnement qui a duré quinze mois, je n’ai été autorisé qu’une seule fois à passer un scanner et il n’y a eu ni suivi médical ni prise en charge adaptée. »

Les rapports indiquent qu’au moins six cents prisonniers palestiniens souffrent de problèmes de santé, dont une bonne partie sont atteints de maladies chroniques. Amal a également contracté la COVID-19 en prison, et raconte la période qu’il a passée en quarantaine : « Ils me donnaient uniquement un bol de riz pour le déjeuner et du pudding au chocolat pour le dîner. Je pesais soixante-neuf kilos quand je suis entré, et j’en pesais soixante et un quand je suis sorti dix jours plus tard ». Des campagnes internationales ont appelé à la libération d’Amal, laquelle est finalement intervenue en mai 2022.

Le système pénitentiaire israélien constitue une facette souvent sous-estimée de son régime d’apartheid. Le traitement des prisonniers palestiniens peut impliquer une détention arbitraire, une détention administrative sans procès, et des conditions qui, selon la communauté internationale des droits humains, constituent des violations « cruelles et flagrantes », voire « sadiques » du droit international. En 2022, les autorités israéliennes ont arrêté sept mille Palestiniens, selon le Palestine Center for Prisoners Studies (PCPS). Au moins 164 d’entre eux étaient des femmes et 865 des enfants, dont 142 avaient moins de douze ans. Et parmi toutes les personnes arrêtées, 2 340 ont fait l’objet d’une détention administrative.

Le précédent gouvernement israélien, censé être centriste, ayant été remplacé par une coalition d’extrême-droite résolue à faire en sorte que les conditions de vie des prisonniers palestiniens ne s’améliorent pas, les Palestiniens s’attendent à une exacerbation de cet état de fait.

Leena Khattab est l’une des plus de dix-sept mille femmes palestiniennes arrêtées par Israël depuis le début de l’occupation de la Cisjordanie en 1967. S’adressant en exclusivité à Tribune, elle se souvient de son expérience traumatisante de 2014, alors qu’à seulement dix-huit ans elle purgeait une peine de prison de six mois.

« J’ai été arrêtée pour avoir soi-disant jeté des pierres ; une chose que je n’ai même pas faite, dit-elle. À partir du moment où j’ai été arrêtée dans la rue, tout a été extrêmement humiliant et dégoûtant. Je me souviens avoir été battue à plusieurs reprises, et ça a commencé dès que je suis montée dans la jeep militaire. »

« Et ils ont instrumentalisé le fait que j’étais une femme. Cela a été tellement déshumanisant et douloureux, mais j’ai refusé de pleurer ou de leur offrir la réaction qu’ils souhaitaient. À un moment, ils ont déchiré mes vêtements et m’ont attachée sur une chaise dehors, me laissant dans un froid glacial pendant plusieurs heures. »

Diverses organisations de défense des droits humains ont déjà dénoncé les mauvais traitements infligés aux femmes dans les prisons israéliennes, tandis que d’anciennes prisonnières ont relaté des agressions sexuelles. D’autres se sont plaintes d’avoir été photographiées nues et fouillées corporellement. Les méthodes de torture utilisées lors des interrogatoires ont également été documentées par Addameer, l’association de soutien aux prisonniers palestiniens et de défense des droits humains.

À un moment, au cours de notre conversation, Leena raconte son expérience de l’al-bosta. Le mot se traduit littéralement par « bus public », mais dans ce cas précis, il désigne le moyen de transport utilisé pour emmener les prisonniers palestiniens vers les tribunaux ou les cliniques dans des véhicules aux fenêtres noircies dont les cellules sont hermétiquement séparées. Les trajets peuvent durer jusqu’à douze heures. Il n’y a pas d’arrêts pour se reposer ou pour aller aux toilettes, et il n’y a aucune nourriture. Les prisonniers les appellent des tombes ambulantes.

« Pour moi, c’était un voyage vers la mort, poursuit-elle. La température à l’intérieur est inférieure à zéro et nous étions assis sur de durs sièges métalliques tout en étant menottés dans des positions inconfortables et dans une promiscuité asphyxiante. Je me rappelle les avoir vus quand ils ont amené un enfant et qu’ils ont cherché des menottes à sa taille parce que ses mains étaient trop petites. Aujourd’hui encore, je tressaille quand quelqu’un mentionne al-bosta ».

Et pourtant, Leena soutient que son expérience aurait pu être pire, et qu’il existe des preuves de détention administrative illimitée dans les prisons israéliennes – cela concernait au moins 820 Palestiniens, en décembre 2022. La Suite ICI: les-crises.fr/prisons-israeliennes

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