L’HISTOIRE DE «NELSON MANDELA» OU LA CHANSON LA PLUS ENGAGÉE ET LA PLUS INFLUENTE DE YOUSSOU N’DOUR test

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Si je devais choisir 10 chansons essentielles de You, le morceau Nelson Mandela figurerait parmi les 5 premières de ma liste. Quel chef-d’œuvre !

LA PREMIÈRE VERSION

La chanson « Nelson Mandela » est sortie pour  la première fois sous le nom de « Apartheid » dans le volume 11 « Bekoor » en format cassette audio en 1985. C’est la deuxième chanson de la face A d’une cassette composée de 6 titres (Les albums locaux, en format cassette, des musiciens sénégalais, étaient identifiés, à l’époque, au Sénégal par la dénomination de « volume »).

L’APARTHEID

Entre 1948 et 1991, l’Afrique du Sud s’enfonce dans l’apartheid, un régime raciste et répressif instauré par les Afrikaners, le Parti National.

Ainsi dans les années 80, une époque où l’apartheid battait son plein en Afrique du Sud, pratiquement tous les grands artistes du monde enflamment la scène pour combattre l’apartheid et rendent hommage à Nelson Mandela, l’un des dirigeants historiques de la lutte contre le système politique institutionnel de ségrégation raciale (apartheid), en prison depuis plusieurs années. C’est dans ce contexte que Youssou N’Dour produira l’une de ses plus belles chansons, « Apartheid », pour rendre hommage à Nelson Mandela et en même temps protester contre le régime raciste et répressif instauré par les Afrikaners. Ainsi Youssou sortira la première version avec son groupe le Super Étoile de Dakar en 1985 à travers l’album local « Bekoor ».

LE COUP DE MAÎTRE

Dans une interview pour le site officiel de RFI, Youssou est revenu sur la naissance de la chanson « Nelson Mandela »: « À l’époque, j’avais regardé la télé avec ma maman qui voyait des images violentes venant d’Afrique du Sud. C’était le temps de l’apartheid et elle m’a demandé des explications. Ce que je fis. Le lendemain je me suis rendu compte que l’explication était une chanson pour toutes les mères qui, malheureusement, étaient analphabètes et ne pouvaient pas comprendre, parce que, à l’époque, le journal télévisé c’était uniquement en français. Tout était écrit. C’est né comme ça et tout le monde m’a appelé le fils de Mandela, jusqu’au moment où je l’ai rencontré. J’ai pleuré, parce que c’est mon héros. C’est quelqu’un qui est très important pour l’humanité en général, et particulièrement pour nous Africains », rapporte le journaliste Sébastien Jédor (RFI). Ainsi comme l’a si bien dit Boileau, « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément », Youssou va, comme par enchantement, produire un pur chef-d’œuvre qui sera la plus belle chanson sénégalaise jamais dédiée à Nelson Mandela. Une chanson qui se démarquera des autres morceaux sénégalais dédiés au révolutionnaire sud-africain par deux particularités: les paroles et la musique. Youssou a l’idée et les premiers mots, avec l’aide de son ami et ancien bassiste, Kabou Guèye, va coucher sur papier des paroles, bien sénégalaises, simples, accessibles, puissantes et profondes qui permettront à tout sénégalais illettré – homme, femme, enfant, jeune et vieux – de comprendre parfaitement le système politique institutionnel de ségrégation raciale (apartheid). Kabou Gueye est l’auteur- compositeur de cette merveille de texte. Pour la musique de la chanson, son directeur musical, le regretté Habib Faye mais aussi et surtout le génial musicien et arrangeur Doudou Doukouré, n’iront pas trop loin pour trouver la musique qui va coller le mieux avec le thème. Doudou Doukouré est le véritable arrangeur de ce morceau inspiré de la musique traditionnelle du sud du Sénégal ( la région de Casamance) qui présente des similitudes avec la musique sud-africaine. Ainsi avec sa mélodie simple, sa musique qui sonne sud-africain, ses paroles profondes et accessibles à tous et permettant une mémorisation aisée, la pépite musicale de Youssou va damer le pion aux chansons des autres chanteurs sénégalais dédiés à Mandela. En 5mn47s Youssou réussira à dénoncer et résumer d’une manière claire, précise et intelligible le régime sanguinaire de l’Apartheid mieux que n’importe quel autre chanteur sénégalais. Une chanson protestataire qui sera très efficace en permettant à des milliers de sénégalais illettrés de comprendre le régime de l’apartheid. À travers sa voix et sa musique, il a informé d’une manière accessible la population africaine et plus particulièrement sénégalaise sur le régime ségrégationniste  pratiqué en Afrique du Sud et sensibiliser l’opinion à la lutte pour l’égalité raciale alors que l’apartheid, qui réduisait les noirs d’Afrique du Sud à un statut de sous-homme, battait son plein et que Nelson Mandela était encore derrière les barreaux.

Toutefois, il faut reconnaître que même si la chanson de Youssou est un pur chef-d’œuvre, il y en a eu de très belles autres chansons sénégalaises dédiées à Nelson Mandela.

L’ENGAGEMENT DU GRIOT URBAIN CONTRE LE RÉGIME DE L’APARTHEID

Très engagé dans sa lutte contre l’apartheid et en même temps préoccupé à l’idée de mieux faire passer le message délivré par la chanson « Apartheid », Youssou ne s’arrêtera pas en si bon chemin car en 1986 il va encore faire mieux en reprenant la chanson « Apartheid » sous le nom « Nelson Mandela », titre éponyme de l’album international qui sera entièrement dédié à la figure emblématique contre l’apartheid. « Pour ce faire, le Super Étoile sera renforcé, pour l’enregistrement, par d’autres prestigieux musiciens comme Pape Dieng « Diengos » à la batterie, Amadou Doukouré a.k.a. Doudou Doukouré aux arrangements et le claviériste virtuose français Jean-Philippe Rykiel. Cette première participation de Rykiel sur un opus de Youssou sera le début d’une longue et fructueuse collaboration entre lui et le griot urbain. » Comme un bonheur n’arrive jamais seul, après la sortie de son album international, « Nelson Mandela », Youssou va avoir en 1986 l’opportunité de s’adresser à un plus large public. La star britannique, Peter Gabriel, qui vient de sortir son album « So » sur lequel Youssou a participé, en featuring sur le morceau « In your eyes », invite ce dernier à participer à la tournée internationale promotionnelle de l’album. Vu que ce titre Pop prend une tout autre dimension avec l’apparition de la voix divine et irremplaçable de Youssou N’Dour, Peter Gabriel n’a pas d’autre choix que de l’amener avec lui. Ainsi Peter Gabriel réalisera son souhait de présenter Youssou à un plus large public en lui permettant d’assurer les premières parties des concerts. Youssou en profitera pour faire la promotion de sa chanson dédiée à Nelson Mandela pour mieux véhiculer le message délivré par les paroles et montrer son engagement dans la lutte contre l’apartheid. Et juste après cette tournée, une autre plus grande opportunité se présentera encore à Youssou sur les routes du succès mondial. Ce sera l’une de ses plus grandes chances pour conquérir le monde. La meilleure consécration que l’étoile de Dakar ait jamais eue et une opportunité qu’aucun autre artiste africain n’avait eue jusqu’alors et n’a pas encore eue jusqu’à présent. Comme par magie Youssou, l’enfant de la Médina, se retrouve avec les plus grosses pointures rock pour l’une des plus grandes tournées mondiales de l’histoire de la musique initiée par Amnesty International, « Le Human Rights Now ! Tour », en 1988. L’occasion ne pouvait pas être mieux pour Youssou de faire connaître son engagement dans la lutte contre l’apartheid et parallèlement d’apporter tout son soutien à Nelson Mandela, l’un des meneurs historiques de la lutte contre le système politique d’apartheid emprisonné depuis 1962. Tenez vous bien ! Nous sommes en 1988 et l’association Amnesty International doit célébrer les 40 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Pour ce faire une tournée de 6 semaines sera initiée par Amnesty International avec une partie de la fine fleur du rock, Bruce Springsteen, Sting, Peter Gabriel, Tracy, Chapman et, bien sûr, la légende africaine, Youssou Ndour. Ainsi le 2 septembre 1988 est lancée au stade Wembley, à Londres, « Le Human Rights Now ! Tour ».  Cette tournée mondiale de 19 concerts se tiendra sur les 5 continents et se terminera à Buenos Aires, en Argentine, au stade River Plate devant plus de 75.000 spectateurs. Un concert d’anthologie qui validera l’entrée de la chanson « Nelson Mandela (Apartheid) de l’étoile de Dakar dans les annales de l’histoire de la lutte contré l’Apartheid.

Une chanson à elle seule ne peut pas changer une loi ou renverser un régime, mais elle peut avoir une influence importante, même indirectement, sur des changements concrets. D’ailleurs, dans le cas de l’apartheid, il n’est même pas exagéré de dire que les artistes ont beaucoup contribué à l’effondrement du régime de l’apartheid  et à la libération de Nelson Mandela. Ainsi la chanson protestataire « Nelson Mandela (Apartheid) de l’enfant de la Médina est devenue une chanson historique et emblématique de la lutte contre l’apartheid, à telle enseigne qu’elle fait partie des 10 plus belles chansons inspirées par Nelson Mandela à travers le monde, toutes musiques confondues.

L’histoire entre Youssou et Mandela ne s’arrêtera pas là. Ainsi après la sortie de prison de Mandela, Youssou mobilisera beaucoup d’artistes pour un grand concert à Dakar au Stade de l’Amitié. Quelques années plus tard, il donnera à un de ses fils le nom de Nelson Mandela.

Le plus beau couplet de la chanson est, à mon sens, le suivant: 

« Nit ku nekk war nga »

Tout humain doit

« Fattaliku bëccëg u Soweto ja » !

Se souvenir de cette journée de Soweto

« Daa-naka moo raw talaatay Nder! »(∗)

C’était plus atroce que le Mardi de Nder

« Tubaab yi da ñoo jël, »

Les blancs ont pris

« Nit yu ñuul ña moom reew ma, »

Les noirs, les vrais et seuls autochtones

« Toxal leen ci yeneen i gox, »

Et les ont déplacés dans des ghettos sordides

« Tuddee ko « BANTOUSTAN »!

Dénommés Bantoustan

« Ber góor ña! »

Les hommes isolés

« Ber jigeen ña! »

Les femmes isolées

« Di leen samm mbete ku yor ay bàyyima » !

Et tous parqués comme du bétail

« War u ñoo wote, »

Ils ne peuvent alerter !

« Te war u ñoo bokk ag ku weex jotaay »!

Et ils ne peuvent se mélanger avec les blancs…une ségrégation raciale

« Te ku ñu xam ni da ngay bañ nootee » l,

Et tous les résistants

« Ñu ray la mba ñu sànk la! »

Sont tués ou mis hors d’état de nuire

« Xoolal ma jaambaar ju mel ni, »

C’est le cas de Mandela le héros, le résistant

Nelson Mandela! Nelson Mandelaaaa!

 En 1819, les populations de la cité de Nder dans le  riche royaume du Waalo opposent une résistance opiniâtre à des esclavagistes marocains maures, dont la tribu vassale des Trarzas venus du nord du fleuve Sénégal et conduits par le chef Amar Ould Mokhtar.  Alors que le roi était hors du royaume avec la majeure partie de ses hommes, les assaillants prennent la cité. Les femmes de Nder préférèrent s’immoler dans le feu plutôt que d’être emmenées et réduites en esclavage.

Merci Mohamed Sow pour la transcription – La traduction est de Kirinapost 
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Mamadou Sekk est un passionné de culture et de musique africaine. Il est l'initiateur du Berger Des Arts (Gaynaako Ñeeñal) The Shepherd Of Arts et Festival Blues D'Afrique / Assoc. Le Berger Des Arts est dédié à la collecte, la conservation, la mise en valeur et l'interprétation des musiques du monde, sous-estimées ou en péril, qui ont contribué à la naissance du Blues afin d'éviter leur disparition.

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