Paris, des expulsions à un rythme olympique

Un campement de 250 personnes exilées a été démantelé par les forces de police au nord de Paris, le 16 juillet. Une nouvelle preuve du « nettoyage social » à l’approche des Jeux olympiques, dénoncent les associations. Source : Jeanne Cassard et NnoMan Cadoret (photographies), pour Reporterre.

Le jour à peine levé, le ballet des voitures a déjà repris sur le périphérique parisien. Tandis que des camions rentrent dans le parc de la Villette pour décharger leur cargaison, quatre cars sont stationnés, la porte ouverte et le moteur coupé. Si l’on s’éloigne, ils deviennent invisibles sous le pont qui leur sert de toit. Le long du canal, tour à tour, des hommes, les visages fatigués, sortent de leurs tentes vertes, rouges et bleues alignées sur le quai entre la ville de Pantin et le Zénith de la Villette. 250 personnes sont encore là ce mardi 16 juillet à l’aube — une partie a quitté les lieux la veille. Afghans, Érythréens ou Soudanais, ils ramassent leurs maigres affaires dans des cabas en plastique. Certains de ces hommes dormaient là depuis plusieurs mois, d’autres quelques jours. Aucun ne devrait passer la prochaine nuit ici.

À 7 heures pile, les CRS, portant leur nouvel écusson « Pays hôte Paris 2024 » sur le bras gauche, arrivent pour détruire le campement et transférer ses « habitants ». Leur destination : l’un des centres d’accueil et d’évaluation des situations (CAES) en Île-de-France ou bien le sas de Besançon (Doubs). Ce centre d’accueil temporaire fait partie des dix unités créées au printemps 2023 par le gouvernement dans les Régions pour abriter loin de Paris — et pour un temps — les personnes exilées en vue des Jeux olympiques (JO).

Combien de temps les personnes seront-elles accueillies dans ces centres ? « Au moins un mois, peut-être jusqu’à mi-septembre, le temps de ne pas gâcher la belle carte postale de Paris pendant les JO », répond Paul Alauzy, coordinateur veille sanitaire à Médecins du Monde et porte-parole du Revers de la médaille. Le collectif, qui regroupe 80 associations (dont le Secours catholique, Action contre la faim…), a été créé pour dénoncer l’exclusion des personnes les plus précaires pendant les Jeux. « La flamme olympique va passer juste ici lors de la cérémonie d’ouverture le 26 juillet avant de rejoindre le parc de la Villette. Un campement, ça ferait tache sur les images », ajoute Paul Alauzy ironiquement. Le but : abriter loin de Paris — et pour un temps — les personnes exilées en vue des Jeux olympiques.

Si expulser les personnes migrantes — ainsi que les communautés roms — de leurs lieux de vie est fréquent, les associations observent une intensification depuis quelques mois à Paris et en proche banlieue. « Cette expulsion n’est qu’un exemple parmi une longue série, plus on se rapproche des JO, plus le nettoyage social s’accélère », constate Paul Alauzy, amer. Bidonvilles, campements de tentes, squats… Selon le rapport Circulez, y’a rien à voir qu’a publié le collectif en juin, les expulsions pour la période allant d’avril 2023 à mai 2024 en Île-de-France ont concerné 12 545 personnes. Soit une augmentation de 38,5 % par rapport à la période 2021-2022. Parmi ces personnes, 3 434 étaient mineures, soit deux fois plus que l’an dernier, et presque trois fois plus qu’en 2021-2022.

Pendant qu’une pelleteuse détruit les tentes — les exilés n’ont pas le droit de les garder — sous le regard médusé des coureurs ou des cyclistes sur le quai, les associatifs s’assurent que les relations soient apaisées avec la police. Lire la Suite ICI

Share

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *