Les peuples ont soif de victoires. Le problème chez nous c’est que les dirigeants politiques n’en donnent pas souvent.
Les Lions du football n’ont pas gagné de coupe, mais les populations emportées par cette soif de victoires ont défilé quand même et ont exprimé leur joie, pour ce qui peut être pourtant considéré comme une fausse victoire.
La liesse que je vois en ce moment à Dakar est une vraie victoire du peuple, qui mérite d’être célébrée. La raison est simple. Voilà un bijou architectural réalisé avec l’argent des Sénégalais. Des gestionnaires locaux ont été privilégiés. Quand il a fallu chercher ailleurs le savoir-faire que nous ne possédons pas sur place, un transfert de technologies a été exigé. Aujourd’hui des dizaines de nationaux ont été formés à des métiers rares. Et voilà la capitale qui s’offre un édifice capable de booster le tourisme. Une belle leçon donnée aux dirigeants politiques.
Il nous faut penser l’esprit de Massalik.
Mon avis est que le « hadiyya » et le « barkeelu » bien pensés peuvent être de vrais outils de développement. Il y a un bon usage de la religion. La mosquée a créé la ville ailleurs. Elle crée l’économie aussi. Le philosophe Bergson aurait bien compris la ferveur à Dakar en ce moment. Dans son ouvrage « Les deux sources de la morale et de la religion », Il nous parlait de cette « religion dynamique » initiée par de grands hommes et capable de vitaliser l’ensemble du corps social. « Entraînés, écrivait-il, par leur exemple, nous nous joignons à eux comme à une armée de conquérants. Ce sont des conquérants, en effet ; ils ont brisé la résistance de la nature et haussé l’humanité à des destinées nouvelles ».
Autre leçon à tirer de la mosquée Massalikul Jinaan, c’est la capacité à transmuter la tristesse en euphorie. La construction de la mosquée est en effet une réponse majestueuse et joyeuse si l’on peut dire à la peine subie par le fondateur à Dakar. Quand je me rappelle de ce gouverneur colonial et de cette chambre infecte à Dakar où l’on me jeta, je ne pense qu’à prendre les armes, mais le Prophète me l’interdit, écrivait Cheikh Ahmadou Bamba, lors de son séjour heurté dans cette ville.
D’un moment de tristesse, les disciples du saint homme ont fait plus d’un siècle plus tard, un moment d’allégresse. Au lieu de se lamenter sur le sort de leur guide, comme on le fait ailleurs (en Iran par exemple avec la cérémonie du Ta’zieh), les adeptes expriment leur joie par la réalisation d’un bijou architectural.
Il faut en effet être doté d’une grande capacité de résilience pour transformer des moments de peine en des moments de joie.
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