Le mbalax-rock du mythique Diamono

La pépite musicale « La mouche » – du mythique Super Diamono – figure en 5e position de la tracklist du chef-d’œuvre « Cheikh Anta Diop ». C’est une chanson mbalax aux accents rock. Un mbalax épuré, raffiné et très aéré qui n’a rien à voir avec les rengaines débiles qu’on nous sert tout le temps, aujourd’hui – des chansons mbalax d’un autre style où tout est bâclé. 

Voilà, ça, c’est du Rock wolof ! Tout est superbement fait dans cette œuvre musicale: la musique, le mixage et le mastering. Quand on écoute aujourd’hui ce genre de morceau qui date de 1988 – mais qui ne vieillit pas – on constate tristement la régression de la musique sénégalaise.

Cette pépite musicale est une chanson mbalax au feeling universel. Elle peut passer partout, être écoutée partout dans le monde ! Tout le monde peut s’y retrouver alors qu’à la base c’est une musique purement sénégalaise. Elle voyage avec le temps et demeure. On sent nettement que les musiciens virtuoses du Super Diamono étaient bien inspirés pour produire un travail bien soigné, abouti et magnifique. Une mise en formes bien structurée et stylisée sur laquelle surfe la belle voix du légendaire Omar Pène.

Je pose la question de nouveau pour faire suite à mon post d’hier concernant l’influence de Youssou N’Dour sur la musique de Phil Collins et parallèlement faire un clin d’œil à Djibril Issa Diop (Ange Djibril), pour apporter brièvement ma modeste contribution – aux débats – et à sa publication sur la musique sénégalaise. Qui avait dit que le mbalax n’était pas exportable ?

Il n’y a pas de langage plus universel que la musique !

À mon humble avis, je pense que toutes les musiques sont exportables. En plus, le Sénégal a la chance de jouir d’une culture musicale plurielle, diverse et très riche. Il suffit de réaliser les chansons mbalax avec une conception et une structuration au feeling universel. Il faut aussi de bonnes structures de formation musicale, des structures de diffusion et des labels…

Dans les années 80, 90, voire jusqu’au début des années 2000, la musique sénégalaise était en bonne voie pour réussir son expansion, avec des groupes tels que Touré Kunda (musique sénégalaise aux flaveurs reggae, funk et pop), le Xalam (afrobeat sénégalais), Youssou N’Dour (mbalax-pop jazzy), Super Diamono (mbalax-rock aux accents jazz), Baaba Maal (Yéla, qui sonne comme le reggae), Ismaël Lô (mbalax-soukouss, afro-folk) et Cheikh Lô (mbalax-folk)…On était toujours représenté, au quatre coins du globe, par les groupes ou les chanteurs cités ci-haut dans les plus prestigieux festivals de la planète…La plupart d’entre-eux avaient signé chez les majors de l’industrie du disque.

On avait droit à une musique raffinée, épurée et très aérée qui n’a rien à voir avec ce qu’on entend aujourd’hui. On savait à cette période qu’il y avait un coup à jouer pour le rayonnement de notre musique et Ismaël Lô chanta: « suñu mbalax mi buñ ko puus’e mu dem »; Youssou N’Dour rajouta: « « Sound is the same for all the world – Everybody has a heart – Everybody gets a feeling – Let’s play ! – Sound box ! »; Baaba Maal compléta: « partout, on danse le Yéla ».

Stagnation totale, régression et aucune innovation !

Hélas ! Depuis plus d’une dizaine d’années rien ne bouge – ou s’il y a quelque chose qui a bougé, ç’a mal bougé – il n’y a plus d’évolution, mais plutôt une stagnation totale. Je dirais même une certaine régression. Aucune innovation ! Ce sont toujours les mêmes rengaines, les mêmes mélodies, rythmes et harmonies qui sonnent à nos oreilles comme de cacophoniques inepties.

Quelques chanteurs – de la jeune génération  des artistes sénégalais – qui sont en vue n’arrivent pas musicalement à emboîter le pas à la génération de Youssou N’Dour et d’Omar Pène afin de préserver les acquis et de viser encore plus loin. Au lieu d’en prendre de la graine, ils préfèrent plutôt faire du « bruit assourdissant » que de la musique bien réfléchie et bien travaillée.  Et pourtant, Dieu sait que parmi les artistes de la jeune génération, il y a quelques-uns qui font de la bonne musique (sénégalaise et exportable) bien structurée mais faute de moyens, de visibilité, de diffusion et de structures nécessaires pour faire connaître leur musique, ils n’arrivent pas à voir le bout du tunnel. Tout change mal dans la musique sénégalaise,  c’est pourquoi rien ne bouge !

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Mamadou Sekk est un passionné de culture et de musique africaine. Il est l'initiateur du Berger Des Arts (Gaynaako Ñeeñal) The Shepherd Of Arts et Festival Blues D'Afrique / Assoc. Le Berger Des Arts est dédié à la collecte, la conservation, la mise en valeur et l'interprétation des musiques du monde, sous-estimées ou en péril, qui ont contribué à la naissance du Blues afin d'éviter leur disparition.

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