Triomphe du conte musical Birima, sous fond de tension politique

Sous les notes retentissantes de son xiin ( tambour),  Mbaye Dieye Faye démarre la cérémonie. Le décor de la cour royale est planté et nous voici avec Youssou Ndour qui entonne Alakasira avant d’enchaîner avec Bess. Ceci pour annoncer l’arrivée du roi Birima Ngoné Latyr Fall. C’est ainsi que Assane thiam, griot du roi, annonce de façon plus cérémoniale, l’arrivée de ce dernier. Voici comment s’ouvre la première mondiale du conte musical Birima au théâtre du Châtelet. Du 20 au 23 septembre, Youssou Ndour a offert un spectacle de haute facture. Entre la grande performance de l’artiste et de ses acteurs et une partie du public qui a lancé des  » Liberez Sonko » tout le long, rappelant que Birima était hautement politique, les nombreux fans et mélomanes ont validé le conte musical de Youssou Ndour.

Le roi accompagné de sa cour s’installe au moment où Youssou le glorifie avec la fameuse chanson Birima. Un moment magique qu’il ne faut rater sous aucun prétexte. Youssou au summum de son art, en transe quand il chante ce tube mythique, donne ici tout le sens de ce spectacle inédit.

Obree Daman, ce jeune chanteur talentueux, qui rejoint Youssou dans Birima, est comme cette pépite d’un gâteau qui se fait tant désirer. Avec son micro baladeur, il  brillait de mille feux entre le chant et son jeu d’acteurs.Quel talent !

Dans la même chanson et dans le même tempo, l’emploi différent de ces deux voix donnait un supplément d’âme à cette chanson fétiche de Youssou Ndour. Puis arrive l’étape de la dispute entre le berger et le cultivateur.

Il faut dire que ces faits sont récurrents au Sénégal entre Peulhs et Wolof. Ce qui ne les empêche nullement de vivre en parfaite harmonie. Et pour illustrer l’histoire, Youssou entonne la chanson « Saam », « goufi guiss samay nakk, koufi guiss samay beuy…. ».

A la surprise de toute l’assistance , on entendit un bruit assourdissant. Un groupe de manifestants répétait à outrance : « Libérez Sonko, Libérez Sonko. » Sonko c’est ce leader de l’opposition sénégalaise, incarcéré depuis un certain temps et dont la participation aux prochaines élections semble compromise.

Ne pouvant plus continuer le spectacle puisqu’il y en avait deux finalement, Youssou décida de s’arrêter pour tendre le micro aux manifestants, le temps qu’ils déversent leur bile. Belle pirouette de l’artiste face à cette situation tant inattendue qu’incontrôlable.

Le dialogue aura certes calmé les manifestants mais ne les empêchera nullement de protester. Ceci durant toute la durée du spectacle. Youssou enchaîne alors avec « Kontaan naa », « maak yééna niro.. »En medley, il étale sa classe dans « Baykatt » ( le cultivateur).

La dispute entre le cultivateur et le berger peinant à se régler, il fallait l’intervention du roi Birima pour les réconcilier. Une invitation au dialogue. Tout conflit, quelque soit les oppositions, doit trouver sa solution dans le dialogue. C’est ce que nous apprend l’histoire du Sénégal. Quel clin d’oeil !

Alors le roi Birima insista sur la paix et la joie dans sa cour. C’est le règne de la paix et de la joie chez Birima. Pour magnifier la réconciliation, Youssou revient avec Sama Gamou, évoquant le cousinage à plaisanterie entre Peulhs et Sereres. Cette autre charme du Sénégal qui fait sa force. Malgré les cris des Libérez Sonko,  sur la scène, Birima le roi persiste pour dire à son peuple. « Bou kenn yaxal kenn » ! Que la paix et la joie règnent. Quelle coïncidence !

Comme il n y a pas de hasard,  Youssou enchaîne avec « Batay « Kou amoul  Fouleu ak fayda batay….. » Dans le spectacle, Youssou donne de place à ces jeunes artistes qui l’accompagnent. On peut bien parler de Obree mais Birame Dieng n’était pas en reste. Ce qu’il faut noter, c’est que Youssou revisite son répertoire intelligemment par des échanges avec Birame Dieng et parfois avec le jeune Obree.

Le passage entre Birame Dieng et ce duo de jeunes chanteurs ( membres de la troupe) fut exceptionnel. Youssou dira « Duñ ko way ku gnaaw » pour chanter « Daby » ,ceci pour magnifier la bravoure du roi Birima. Puis arrive « Demb » ou « Africa Remembers« ). Dans ce morceau, Obree Daman étale tout son talent comme si c’était son dernier spectacle. Il occupait alors la scène comme s’il y était seul.

Ce moment où il est en transe, dans l’inconscience, jusqu’à son retour à la raison grâce à la magie des percussions, fut juste magique. Une vraie séance de Ndëp. Ce moment n’a laissé personne indifférent. Le plus cocasse, c’est que les manifestants ne crient jamais quand Youssou entonne un morceau.

Ils prennent place entre les morceaux: « Libérez Sonko Libérez Sonko » ! Ce qui donnait finalement un charme au spectacle.Chacun y trouvait son compte.Un spectacle teinté de démocratie. Finalement ; le public a su faire la part des choses: Revendiquer et dénoncer des injustices tout en célébrant le patrimoine et la culture. Quelle meilleure occasion qu’un spectacle de la plus grande star sénégalaise pour se faire entendre ?

Le spectacle, durant toute sa durée était traduite tant en wolof qu’en français. Une coordination parfaite d’un spectacle illustrée par la voix  » Li waral xiroo…. » de Youssou Ndour. Ce conte musical Birima retrace une grande partie du Sénégal pré-colonial.Des vertus qui font le socle du Sénégal y sont valorisées et rappelées. Nous sommes un peuple de paix, de la parole donnée et de justice. Un retour à ces valeurs est impératif !

Cette société de tradition orale donnait une place prépondérante à la parole donnée. Ce que valorise le roi Birima Ngoné Latyr Fall dans le spectacle. En somme, il faut souligner que ce projet qui valorise la culture sénégalaise, relance la carrière de Youssou Ndour, tout en étant une opportunité pour les jeunes artistes qui y participent.

La comédie musicale Notre-Dame de Paris avait révélé Garou, Patrick Fiori et Hélène Ségara. Ils ont tous fait une belle carrière par la suite. Birima, sous la houlette de Youssou Ndour et la mise en scene magnifique de Majaw Ndiaye, révélera bien des artistes. Ceci pour le plus grand bien de la culture sénégalaise.Youssou Ndour, tel un phoenix qui renaît de ses cendres.

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