Semeurs de désespoirs

Chronique publié le 21 novembre 2017 et que nous pensons être au coeur de l’actualité d’aujourd’hui…

Un homme plonge dans un brasier en poussant un « OUF !!! » de soulagement, cela signifie que ce qu’il fuit est plus grave que le feu. Avoir réussi la prouesse d’ôter tout espoir à toute une jeunesse de vivre sur son continent, c’est la faute à la limite du criminel qu’auront commise les dirigeants politiques africains avec la complicité silencieuse d’une grande partie de l’intelligentsia africaine, drapée et figée dans ses postures postcoloniales obsolètes et vaines.

Il y a dix années que le cinéaste sénégalais Moussa Touré a produit « La Pirogue », film dramatique sur les exils suicidaires de la jeunesse africaine, qui avait pris le risque de mourir pour vivre mieux ailleurs plutôt que de mourir à coup sûr sur ses terres. Depuis dix années l’équivalent de deux Joola a été englouti sous les océans voraces, le Ventre de l’Atlantique est repu selon Fatou Diome, et cela dans l’indifférence générale, surtout dans une totale impuissance de nos dirigeants politiques à enrayer les mécanismes de ce drame honteux.

Il aura fallu un post de Claudy Siar sur la toile pour que l’Afrique s’émeuve enfin. Des reportages de France 2 et de CNN montrant la honte et le calvaire que subissent nos compatriotes en Lybie, pour que subitement nos hommes politiques se dressent comme un seul homme, bombant le torse pour faire semblant de s’indigner des horreurs que subissent des jeunes garçons et des jeunes filles qui ont fui leurs politiques mortifères, harassés qu’ils sont de ne compter pour rien, et de n’être d’aucune façon dans leurs plans.

Les fortunes accumulées par ces chefs d’états qui aujourd’hui cachent leur honte sous des tombereaux de communiqués et de demandes d’enquêtes hypocrites, équivalent à la dette des pays africains. Ils font semblant de ne pas voir. Ils sont complices. Ils les ont sacrifiés. Et le souvenir d’une Assemblée Nationale Sénégalaise, dressée à l’unisson pour faire une standing ovation à François Hollande, juste parce qu’il avait déclaré que son pays allait dorénavant accorder plus de visas d’entrée aux jeunes sénégalais, démontrait à l’envi leur impuissance à faire rêver leur jeunesse désespérée.

Ce jour-là, ce sont nos représentant qui implicitement ont dit à Hollande « merci de nous en débarrasser, on ne sait pas quoi en faire, nous avons à gérer nos carrières et à assurer l’avenir de proches, les autres étant trop loin de nos divers discours vides de sens ». Où étaient-ils quand les plages de Yoff, Thiaroye servaient d’embarcadères pour une nouvelle traite négrière ? C’est grave de penser à ce retournement historique gravissime qui fait penser que si les bateaux qui avaient emporté les millions d’esclaves vers les Amériques revenaient à Gorée, ils couleraient vers le fond, emplis de passagers qui se battraient aux guichets leur proposant l’espoir, prêts à acheter leurs chaînes au prix fort. Et pendant ce temps-là on pérore encore sur les méfaits de la traite négrière ou de la colonisation !!! Vous nous faites honte.

Taisez-vous et faites profil bas. Vous êtes des passeurs et vos émoluments proviennent de vos aides au développement que vous quémandez sans cesse, pour pouvoir remplir vos comptes au Panama et en Suisse. Ce drame vous commande de faire preuve de pudeur et non d’aller faire les fiers-à- bras sous les lambris dorés des Nations-Unies qui  en chœur se marrent en douce. Je me souviens encore de l’image caricaturale d’un ancien ministre des affaires étrangères ivoirien, Usher Assouan pour ne pas le nommer, qui fort de ses 200 Kg avait tenté de sensibiliser l’occident aux Nations Unies sur la sécheresse en y déclarant :  » L’Afrique a faim. »

Un dessin du Canard enchaîné lui répondit en le caricaturant bagouzes aux doigts et boudiné dans son costard : « Bien sûr !!! T’as tout bouffé… » Coulé !!! Il demeure que la meilleure manière pour l’Union Européenne d’aider ces migrants est de ne plus être complice des chefs d’états qui du fait de leur corruption et de leur mal gouvernance, sont à l’origine de ce drame humain. Vous ne pouvez sauver ces migrants sans prendre vos responsabilités historiques en lâchant ces despotes, qui sont les véritables semeurs des désespoirs qui mènent nos jeunes au suicide.

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Journaliste de formation, J.P.C est une voix radiophonique unique mais aussi une plume corrosive. Ses analyses fines sur la vie politique, sociale et culturelle du Sénégal font références. Ses éditos sont sur Kirinapost.

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