[L’HISTOIRE D’UNE CHANSON] – NOU PAS BOUGER

« Nou Pas Bouger  » de Salif Keita ou quand la musique défie la politique (18 oct. 1986 – 18 oct. 2019). Il y a trente-trois ans, un vol groupé à destination de Bamako quittait l’aéroport de Roissy et renvoyait 101 Maliens dans leur pays d’origine. Ce 18 octobre 1986 installa le charter dans le paysage migratoire français, sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua. C’est ce 18 octobre 1986 qui donna naissance à l’une des chansons les plus connues et la plus engagée de Salif Keita, le chef-d’œuvre « Nou Pas Bouger « .

Le chef-d’œuvre « Nou Pas Bouger  » est le deuxième titre de l’album « Ko-Yan » de Salif Keita. Ce disque est arrangé par François Bréant et produit par la maison de disques Island Records en 1989. « Nou Pas Bouger  » est une chanson protestataire et historique. Mais une chanson à elle seule ne peut pas changer une loi ou renverser un régime, mais elle peut avoir une influence importante, même indirectement, sur des changements concrets. C’est dans cet esprit que Salif Keita a écrit la chanson « Nou Pas Bouger « .

A ce propos Christophe Meyer déclara ceci: « tout est parti d’une discussion à travers laquelle  Salif Keita faisait part à son premier manager feu Mamadou Konté (Africa Fête) de sa rencontre, au retour d’un concert à Londres avec ses musiciens à l’aéroport Charles de Gaulle, avec des maliens qui ont été expulsés de la France sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua ». Lundi 20 octobre 1986, «Le Parisien» révèle qu’un charter DC-8 à destination de Bamako a décollé deux jours plus tôt, en début de soirée, de l’aéroport de Roissy. A l’intérieur, 101 immigrés maliens.

Salif, indigné du sort réservé aux 101 maliens expulsés, poussa un cri de colère qui donnera naissance au chef-d’œuvre intemporel « Nou Pas Bouger  » en guise de réponse mais surtout de protestation aux premières lois Pasqua. « Il décida de résister avec ses armes (musique et paroles) à la politique migratoire restrictive appliquée par le gouvernement français concernant l’expulsion par charter des 101 Maliens en 1986 (et aussi subtilement à l’indifférence du pouvoir militaire du président Traoré à Bamako) » dixit Armelle Gaulier et Daouda Gary-Tounkara dans Afrique Contemporaine.

L’artiste planétaire dira : » on peut toujours dire aux Africains vivant en France qu’on va les rapatrier en Afrique, mais nous n’y retournerons pas. Parce qu’on nous a appris les habitudes françaises et que nous les avons adoptées en vivant ici. Parce que plein de choses ici ne peuvent pas se faire sans nous. Bien sûr, je suis d’accord pour que l’on pousse les personnes en situation irrégulière à régulariser leur situation et à intégrer la société française. Mais je ne suis pas d’accord pour qu’on renvoie les immigrés comm ça. . . Nos grands-parents et nos pères ont beaucoup donné pour la libération et la reconstruction de la France. »

Il ajoutera par ailleurs, « je ne suis pas critique contre la France et je n’empêche pas les autres de l’être. Mais j’aime la France, j’en fais partie et elle fait partie de ma vie. Je n’accepte pas que des immigrés viennent perturber la France, mais je n’accepte pas non plus que la France prétende qu’elle va renvoyer tous les émigrés, parce que c’est impossible. »

Salif Keita avait pris également fait et cause pour ses compatriotes maliens voire émigrés dont il avait partagé la vie à Montreuil, et l’avait exprimé ouvertement, la chanson était devenue vite l’hymne des immigrés africains en France. Une ode à la dignité et à la résistance dans les combats difficiles menés par les immigrés africains pour s’insérer, socialement, économiquement et politiquement en France et en Occident, pouvait-on lire sur son site officiel.

Le titre original « Nou Pas Bouger «  avait été remixé pour le clip par Groucho (Paul Smycle) avec à la guitare bass le camerounais Ndoumbé Djengué en lieu et place d’Hilaire Penda qui avait assuré la bass sur le titre original aux côtés d’un autre camerounais, le talentueux Brice Wassy à la batterie.

Pour info, la magnifique vidéo promo du titre « Nou Pas Bouger  » a été réalisée par Michel Meyer dont le frère Christophe Meyer est un des menottés du clip et aussi danseur avec le « masque » de bandes …

En 2007, soit dix-huit ans après la sortie de la chanson originale, Salif Keita sort deux reprises de « Nou Pas Bouger  » réalisées respectivement avec les jeunes rappeurs afro-français du groupe L’Skadrille et les jeunes rappeurs sénégalais du groupe Daara -J.

Ainsi partout où des hommes et des femmes se réuniront pour protester, contester ou réclamer la justice, l’égalité et la liberté on se souviendra de « Nou Pas Bouger « . Une chanson toujours d’actualité, protestataire, indémodable, intemporelle qui résonnera à jamais dans nos oreilles et sera toujours gravée dans nos mémoires.

N’oublions jamais que les immigrés africains rapportent plus qu’ils ne coûtent à l’économie française voire occidentale.

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Mamadou Sekk est un passionné de culture et de musique africaine. Il est l'initiateur du Berger Des Arts (Gaynaako Ñeeñal) The Shepherd Of Arts et Festival Blues D'Afrique / Assoc. Le Berger Des Arts est dédié à la collecte, la conservation, la mise en valeur et l'interprétation des musiques du monde, sous-estimées ou en péril, qui ont contribué à la naissance du Blues afin d'éviter leur disparition.

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