Luc Martin, politologue béninois, vient de publier un livre sur les systèmes politiques et démocratiques en Afrique. Ce livre est intéressant à plus d’un titre. Pour lui, la démocratie, système politique par excellence, doit être adaptée au contexte des Etats. Si la démocratie est une chemise, dit-il, chaque pays doit la porter à la bonne taille. Il ne s’agit pas selon lui de copier un modèle et de faire fi des réalités socioculturelles.
Je suis tombé sur ce bouquin quelques jours avant le 26 février dernier. A partir de cet instant, l’idée d’une victoire de Macky Sall, auquel je n’accordais aucun crédit, m’a semblé possible.
En effet, le combat que des milliers de gens rassemblés à la Place de l’Indépendance croyaient fondamental, est apparu secondaire au vu des résultats du premier tour. D’ailleurs, la plupart des électeurs présents sur la Place de l’Indépendance ont vite déchanté après quelques jours d’affrontements infructueux avec les forces de l’ordre, et ont préféré attendre Wade dans l’isoloir. Les Sénégalais dans leur majorité ont eu la même attitude. En plus d’avoir compris très tôt que la candidature unique des assises puis de Benno était une utopie, il a eu le mérite également d’avoir compris très vite, en allant en campagne, que la place de l’Indépendance, ce n’est pas là que ça se passe ! C’est peut-être de la traîtrise par rapport au M23, mais les résultats montrent qu’il a eu la bonne lecture concernant l’électorat sénégalais.
Dans les démocraties modernes, ce combat contre l’invalidité d’un troisième mandat du président sortant Abdoulaye Wade aurait cristallisé toutes les énergies. Pas au Sénégal ! Le pays de Senghor a une tradition politique mais n’a pas encore cette maturité des démocraties majeures quant aux combats à mener. Même s’il faut souligner, en passant, que l’une des faiblesses du système démocratique réside dans le fait qu’il peut nous amener partout, en Afrique encore plus, des Bush, des Sarkozy ou des Berlusconi…
Le faible taux d’alphabétisation n’aide pas à décrypter les enjeux et à hiérarchiser les priorités. La lecture souvent tendancieuse et partisane de certains de nos observateurs et politologues encore plus. Cela est tellement vrai que beaucoup d’entre eux ont laissé tomber leur masque et ont rejoint des écuries politiques à la veille de l’élection. Ce n’est pas interdit, mais à devenir trop partisan, on floute ceux que vous êtes censés éveiller.
Tout ceci explique en partie pourquoi Macky Sall se retrouve au second tour de l’élection présidentielle. Il a gagné non pas sur un projet de société, mais grâce à l’argent judicieusement utilisé et une présence continue devant le peuple.
Toutes proportions gardées, ce qui arrive au Sénégal, c’est comme si en 2008 les Américains, pour sanctionner 8 ans de Bushisme, avaient choisi Sarah Palin au lieu de Barack Obama.
J’ai bien dit toutes proportions gardées, parce que finalement, les premiers actes posés par Macky Sall sont très éloignés de ceux qu’aurait posé en Amérique l’affolante républicaine.
En allant rendre visite à Amadou Mactar Mbow et en se rapprochant des acteurs des Assises nationales, Macky Sall semble prendre la mesure de la tâche qui l’attend. Etre président, c’est s’ouvrir à toutes les ressources humaines et ne regarder que l’intérêt de la Nation.
Les faucons de l’APR le laisseront-ils faire ? Toute la question est là. En tout cas aujourd’hui, il ne dépend que de lui pour être le meilleur président de la République que le Sénégal ait connu.
Credit-photo: presidence.sn
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