LE MENSONGE PEUT COURIR UN AN, LA VÉRITÉ LE RATTRAPE EN UN JOUR, SAGESSE HAOUSSA . Source: Ze Belinga pour Afrikara 16/01/2005.
Ployant sous le fait du vécu, de l’expérience et de la connaissance des choses anciennes, lointaines et cachées, le sage haoussa a vu dans le mensonge et ses dérivés sociétaux, corruptions, révisionnismes, négationnismes, mensonges d’Etat ou propagandes politiques, fraudes diverses, une nature périssable essentiellement qui inévitablement rendra à la vérité son règne. Le juge arbitre, répartiteur et réparateur étant le temps, sa majesté, imperturbable de discernement et d’impartialité.
L’optimisme mesuré du proverbe africain puise aux sources du passé et de l’expérience pour établir une relation inviolable entre une chose et son apparent contraire, le mensonge et la vérité. A ceci près que la nature intrinsèque du mensonge comme chose fugitive et périssable en fait une espèce de non-réalité, une espèce d’apparence vivante, un quelque chose en sursis, comme une position politique, économique, sociale, civilisationnelle appelée à être balayée par une nécessité immanente…
Pour autant l’optimisme qui s’extrait de ce proverbe garde sa force sans perdre de sa relativité. La question n’est pas de l’impossibilité du mensonge, de faux en écritures saintes et laïques comme de l’endettement factice et comptable de ces Tiers-Mondes en réalité créanciers de l’Occident, l’optimisme philosophique haoussa établit jusqu’au règne du mensonge. Ephémère mais effectif et par conséquent performatif, suivi d’effets.
Le réparateur, répartiteur, juge-arbitre, déité temps se chargera, se charge déjà mais pour un terme non advenu, simultanément avec le règne des propagandes, mensonges d’Etat, calomnies religieuses, malsaines saintes écritures, de l’aridité sociale de la remise en ordre. Aridité toute relative, ouverte à euphorie, celle des retours en grâce humaine et sociale, comme des prisonniers injustement condamnés et aujourd’hui libérés par la foudre que le monarque n’a su corrompre…
Et l’histoire antique ou contemporaine des peuples du monde de proposer des applications et illustrations innombrables de la sagesse haoussa. Car c’est ce même haoussa, que la furie exterminatrice de l’oppression coloniale a fait répéter et ânonner « nos ancêtres les gaulois », qui a appris à l’école et dans les différentes étapes de l’initiation à la civilité blanche, en Afrique et dans le monde dominé par elle, qu’il était au mieux esprit pré-logique, pré-newtonien, primitif ou sauvage. Pensant sauvagement aurait dit une institution. Difficile est la retombée, de devoir déduire par les méthodes universelles de bon sens et d’historiographie que ces descendants maudits de gaulois, hier sauvages, fainéants, indifférenciés de l’animalité, sont les seuls responsables des merveilles de l’Egypte, du Soudan, de l’Ethiopie, du Zimbabwe-Monomotapa, de Tombouctou et Djenné.
Bien sûr la vérité en droit, en science et en connaissance qui aurait rattrapé et renversé puis éteint le feu du mensonge d’Etat, du négationnisme, du révisionnisme, de la suprématie raciale, en appelle à une autre qui elle aussi est médiatisée par le temps, la vérité dans les faits, réparations, actions correctrices. Ce n’est pas parce qu’une théorie est inattaquable, fondée incontestablement, qu’elle court les bibliothèques, qu’elle manifeste une sympathie avec les décideurs, les élites, souvent producteurs, conservateurs, ou bénéficiaires héritiers des mensonges anciens édifiés en administrations.
Il y a loin de la vérité en connaissance à la vérité en action, mais là encore la même sagesse ne nous précède-t-elle pas, à savoir que le retour inéluctable de la vérité positive, active et régénératrice est au bout du cycle du mensonge en action, positions sociales usurpées, ruptures et co-ruptures de la légitimité, de la légalité, captations de prestige, de notabilités et honorabilités cumulées avec des pillages en règle de ressources en vérité propriétés d’autres…
Les pères inféconds des nations imaginaires africaines, à la tête de grandes familles-états-ethnies résistent mal à la sanction du temps, une fois vomis les étouffoirs des partis uniques, les simulacres électoraux, les mascarades du développement, et là comme ailleurs la vérité n’en est encore qu’au début de sa geste irrésistible, celle dont le mensonge n’échappe pas. Rues, complexes sportifs et culturels, biens collectifs débaptisés, paragraphes évaporés des manuels scolaires, insultes publiques, dédains et risées populaires, les hiérarques des premiers temps des post-colonies voient d’ici ou d’ailleurs, s’effacer leurs noms de la nomenclature des bienheureuses figures. De nouveaux noms apparaissent ou réapparaissent, Lumumba, Sankara, Nkrumah, Sisulu, …qui propulsent les auto-proclamés auto-canonisés dans les colonnes du passif à retenir.
Il ne peut en avoir été autrement des Kennedy, De Gaulle, Mitterrand le socialiste tiers-mondiste, pareillement de leurs environnements d’éclosion en cours de liquidation, comptabilité et inventaires tenus, guerre froide, Coopération internationale, Aide, droits de l’homme etc.
Ce décalage ontologique entre temps du mensonge et avènement de la vérité déterminerait-il un temps du fléau, de la disette morale et intellectuelle, du chaos ?
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