LE DIVORCE FRANCO-ALLEMAND PRÉCIPITE LE DÉCLIN DE L’UNION EUROPÉENNE

Le conflit multiforme qui s’est installé entre la France et l’Allemagne en dit long sur la trajectoire actuelle de l’Union européenne. Source: elucid.media

C’est une situation inédite. Jamais depuis 1992 et la signature du traité de Maastricht, jamais même depuis celle du traité de Rome en 1957, les tensions n’ont été aussi vives qu’aujourd’hui entre la France et l’Allemagne. En lieu et place d’une « union toujours plus étroite » entre les États, la construction européenne, près de 70 après son commencement, se solde par une opposition frontale entre les deux pays qui s’en sont toujours perçus comme le moteur.

Cette opposition atteint une telle intensité, et sur des sujets si importants, qu’il n’est plus possible de la dissimuler : les habituelles accolades, les francs sourires arborés rituellement à la fin de chaque rencontre entre dirigeants français et allemands, outre qu’ils se raréfient, ne trompent plus personne. La grande presse elle-même, habituellement si complaisante avec cette communication politique, est contrainte d’évoquer ouvertement les nombreux sujets de désaccords, sur fond d’intérêts divergents, qui éloignent aujourd’hui la France et l’Allemagne, révélant au grand jour la fragilité des bases sur lesquelles repose l’édifice européen.

Oppositions à tous les étages

La liste est longue en effet de ces sujets essentiels sur lesquels Paris et Berlin ne parviennent plus à s’entendre. Beaucoup d’entre eux concernent l’énergie.

Quand Berlin a choisi, dès 2011, au lendemain de l’accident de Fukushima, d’abandonner la production d’électricité nucléaire en investissant massivement dans les éoliennes, Paris, après avoir tergiversé, a fait le choix en 2022 de relancer sa filière électro-nucléaire. Le sujet est d’une importance capitale sur tous les plans : technique, financier, économique, géopolitique et environnemental. D’où le conflit qui a opposé, en 2021, la France et l’Allemagne au sujet de la taxonomie européenne en matière d’énergie.

Le gouvernement français a obtenu une victoire lorsque la Commission a proposé, en février 2022, que ce type d’énergie soit, à titre transitoire, déclaré compatible avec le développement durable et susceptible, de ce fait, de bénéficier de financements « verts » à l’échelle européenne. Ulcérées, les autorités allemandes ont rejeté cette idée, mais elles ne sont pas parvenues à rassembler une majorité qualifiée d’États qui aurait obligé la Commission à reculer.

Le sujet a ensuite rebondi à propos du développement de la filière hydrogène. Si les deux pays entendent procéder à d’importants investissements pour développer cette filière sur leur sol, ils disposent chacun d’une stratégie spécifique : l’Allemagne, de son côté, affirme tout miser sur l’hydrogène dit « vert » – produit avec l’électricité des éoliennes – mais il se trouve qu’elle n’écarte pas la possibilité de recourir également à de l’électricité issue du charbon ou du gaz, comme l’autorise une loi adoptée il y a quelques mois par le Parlement européen.

Face à elle, la France promeut une stratégie d’hydrogène bas-carbone issu de l’électricité nucléaire. Toute la question est de savoir quelles options seront considérées comme recevables à l’échelle européenne, dans le cadre du projet visant à atteindre 45 % d’énergies renouvelables dans le bouquet énergétique des 27 à l’horizon de 2030. Derrière les questions proprement environnementales, il en va du maintien et du développement de secteurs économiques clés, facteurs de prospérité, de puissance et d’influence pour les États concernés.

Aux dernières nouvelles, le chancelier allemand a fait savoir, par l’intermédiaire de l’un de ses conseillers, que son pays cesserait de s’opposer à la reconnaissance de la contribution de l’hydrogène nucléaire à la stratégie de décarbonation de l’UE. Reste à savoir s’il parviendra à faire accepter cette concession à ses alliés écologistes dans la coalition qu’il dirige.

Pour importants qu’ils soient, ces débats ne revêtent pas le caractère essentiel qui caractérise par ailleurs le débat en cours sur la réforme du marché européen de l’énergie. Le statut de l’électricité nucléaire à Bruxelles ne serait pas de nature à priver la France de toute autonomie s’il était défavorable. Il en va autrement du marché européen de l’énergie, dont le fonctionnement, à l’usage, s’est révélé gravement attentatoire à l’intérêt et même à la viabilité d’EDF, le géant français de la production électrique, dont l’avenir dépend en partie de la réforme de ce marché.

C’est la raison pour laquelle le gouvernement français en a fait une priorité. Or, sur ce point, l’Allemagne n’entend céder en rien aux demandes françaises : « L’Europe possède l’un des marchés de l’électricité les plus performants au monde », a ainsi affirmé récemment, pour couper court à tout débat de fond, le ministre allemand de l’Économie. La France souhaite pourtant en remettre en cause un pilier, le mécanisme de formation des prix, dont beaucoup, de ce côté-ci du Rhin, dénoncent le caractère aberrant. La Suite ICI: elucid.media/politique/le-divorce-franco-allemand-precipite-le-declin

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