En Cisjordanie, les colons et les militaires israéliens terrorisent les bergers

La guerre que mène Israël contre les Palestiniens ne touche pas que Gaza. Près d’Hébron, la plus grande ville de Cisjordanie, des colons soutenus par l’armée mènent la vie dure aux bergers locaux. Source: Reporterre

C’est le premier jour du Ramadan à Masafer Yatta, au sud d’Hébron en Cisjordanie, et le premier jour de jeûne pour Ibrahim. Il fait beau en ce 10 mars pendant que le berger sort ses moutons de leur enclos, mais un vent frais souffle sur les collines verdoyantes. Le visage tanné par le soleil, orné d’une barbe blanche, Ibrahim scrute les alentours – un danger pèse sur sa vie et sur celle de son troupeau.

La veille, plusieurs colons israéliens, vêtus d’uniformes de l’armée, sont venus le contrôler alors qu’il rentrait le troupeau avec son fils, rejoints par sa femme et leur fille. « Ils ont braqué leurs fusils sur nous, nous ont fait nous allonger sur le ventre, par terre… avant de m’asséner des coups de crosse dans le dos », dit-il d’une voix qui cache mal sa peine.

Alors que le mois sacré de l’Islam est normalement une période de festivités et de réjouissances, le cœur d’Ibrahim est lourd. Il tente de calmer ses pensées en s’asseyant près des moutons, qui paissent paisiblement l’herbe tachetée de fleurs printanières. Symbole omniprésent de l’occupation israélienne de la Cisjordanie, une tour de guet militaire se dresse à une centaine de mètres du hameau de Wadi Jheish qu’il habite avec sa famille. « Avant la guerre, il y avait des problèmes, mais on pouvait accéder à la plupart de nos terres. Directement après le 7 octobre [jour de l’attaque par le Hamas qui a causé 1 160 morts][les colons] ont construit cette tour et nous attaquent dès qu’on sort nos bêtes, afin de nous confisquer nos pâturages », explique Ibrahim d’une voix éreintée.

Des activistes israéliens présents pour « dissuader les colons »

Alors que 700 000 colons vivent dans 300 colonies et avant-postes, disposent de routes neuves, de droits civils et de financements étatiques — illégalement selon le droit international mais avec le soutien de l’État israélien — les Palestiniens sont isolés les uns des autres par 700 checkpoints et blocages de routes. Depuis l’attaque du Hamas et la riposte meurtrière sur Gaza, les colons se déchaînent sur les paysans vivant en Cisjordanie occupée, avec l’aval voire la participation de l’armée.

Ibrahim ne peut plus faire brouter son troupeau vers l’Est, où s’étend une colonie, ni vers l’ouest, où la tour scrute leur moindre mouvement – il leur reste seulement un petit vallon près d’une route. Aujourd’hui, il est accompagné de ses deux fils ainsi que de deux activistes israéliens, venus lui prêter main forte.

« On est là pour documenter les violations, et pour dissuader les colons de l’attaquer », explique Miriam (le prénom est modifié), la quarantaine, qui s’entretient avec Ibrahim via un mélange d’arabe et d’hébreu. C’est que les colons rebroussent souvent chemin quand ils découvrent la présence de journalistes et d’observateurs – même si ces derniers ont déjà été la cible d’attaques, eux aussi.

Bergers colons

Tirs à belles réelles, coups, insultes, destructions : pour les 3 500 habitants palestiniens de Masafer Yatta, chaque jour amène un nouveau danger. Une cinquantaine d’activistes internationaux et israéliens, majoritairement juifs, se relayent pour protéger les éleveurs et Bédouins des incursions des colons, de l’armée et de la police israélienne. Ils dorment chez les habitants les plus à risque, accompagnent les bergers, et se rendent en urgence sur les lieux quand un incident éclate – plusieurs fois par jour.

En milieu d’après-midi, un éleveur de Sousya, hameau voisin, sonne l’alarme : des colons approchent. Trois activistes arrivent aussitôt en voiture et documentent les faits. « Les Palestiniens sont tous des terroristes, nous devons occuper leurs terres ! » hurle le plus jeune des colons, d’environ une dizaine d’années, quand il envahit la zone palestinienne avec son troupeau pendant que d’autres regardent de loin, armés et prêts à intervenir. « C’est la nouvelle tactique des colons depuis deux ans, c’est très intelligent : avec un seul troupeau, ils peuvent terroriser des Palestiniens sur des kilomètres, tout en prétextant être de simples éleveurs », explique Alma, une activiste israélienne. Lire la Suite ICI

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