El Hadj Malick Touré: Leçons de vie

La mort ne fait pas de différence entre le grand, le petit, le riche, le pauvre, l’érudit ou l’inculte. La nouvelle du rappel à Dieu de El Hadj Maodo Malick Touré a remis devant les êtres cette assertion que l’homme a souvent le don d’oublier.

 

Jambes fragiles, gorges serrées, pensées étourdies ont assailli, en apprenant le rappel à Allah, tous ceux qui ont connu cet homme d’une dimension multiple et qui forcément l’ont aimé infiniment.

 

Soudainement, les images de l’illustre disparu repassent dans votre esprit. Ses inestimables enseignements vous reviennent. Ils vous invitent à accepter la volonté divine. « De Dieu nous venons et à lui nous retournons ». Lui, aurait sans doute ajouté ces beaux mots qu’on attribue à Imam Ali (qu’Allah l’agrée) : «  Souris même si ton cœur saigne ». 

 

Au-delà de l’homme de sciences et du soufi accompli que lui reconnaissent les plus grands savants du Sénégal et d’ailleurs et sur lesquels le profane n’épiloguera pas,  El Hadj Malick Touré dit Maodo était tout simplement un homme de bien et un bon musulman.

Père de famille exemplaire, oncle aimant, grand-père d’une tendresse infinie, il a, à ce titre, été fidèle aux enseignements du prophète de l’Islam (Paix & Salut sur Lui). Sa demeure était l’école de l’apprenant, mais pas que. Elle était aussi l’asile du pauvre, le refuge de l’orphelin, le gîte de l’homme en détresse, l’abri de l’enfant perdu et l’université de tous. Dans ce sens également, sa vie a été en droite ligne avec les enseignements du prophète.

 

On raconte que lorsque le prophète de l’Islam est apparu à la Mecque, un émir fit venir un compagnon et lui demanda : «Qui a suivi en premier l’appel de Mohamed quand il a annoncé sa mission ? » « Les pauvres et les petites gens Sire », répondit le compagnon. « Voilà un des signes d’un vrai prophète » conclut l’Emir.

 

El Hadj Malick Touré s’est inscrit, sa vie durant dans cette voie : « Etre au service de Dieu en aimant les humains quelles que soient leurs origines ou leur rang social ». En langage trivial, cela s’appelle de l’empathie. Beaucoup d’autorités et de nantis ont passé des journées devant sa porte faisant des pieds et des mains pour être reçu et voyant passer devant eux des gens simples, démunis, ressortir comblés : qui, plein de cadeaux et de livres sur les bras, qui plein d’argent dans les poches, qui pleines de connaissances dans la tête, tous heureux d’avoir passé un moment d’une extrême intensité avec un homme d’une gentillesse et d’une douceur sans bornes.

 

Serigne Maodo Touré a mené une vie marquée par l’humilité et la piété. Bon nombre de ses visiteurs étaient surpris de le voir prier derrière l’imam de la mosquée qui se trouvait dans son domicile. Il effectuait les 5 prières quotidiennes, à la mosquée. Parfois, afin de s’acquitter de la recommandation divine en bon musulman, il attendait que les rangs se forment, que l’imam entame la Fatiha, pour sortir de ses appartements et en toute discrétion rejoindre, au dernier rang, la prière.

 

Parlant du défunt Serigne Habib Sy ibn Dabakh dira : « Quand tu cherches l’érudition et que tu rencontres Maodo Touré, tu ne la cherches plus. Tu t’arrêtes. Je ne dis pas que c’est le plus grand savant au monde, mais j’ai beaucoup voyagé, j’en ai rencontré des hommes de sciences, ici et ailleurs, je ne connais pas quelqu’un au-dessus de lui en termes de savoir. »

 

Son amour des livres est connu de tous. Connaissance profonde du Coran, maitrise de la vie du prophète (PSL) et des saints de l’Islam, philosophie, sociologie, psychanalyse, mathématiques, géopolitique, histoire, arts et culture, autant de domaine dans lesquels celui qui avait la chance de le rencontrer ressortait groggy par ses analyses. Un banquier ou un auditeur ressortait en se demandant : comment fait-il pour avoir autant de connaissances? Connaissances basées sur une approche purement religieuse, spirituelle et ésotérique ? Le médecin qui venait le voir également s’étonnait de la science de l’homme en la matière. À force de le côtoyer disait un proche, on se rendait compte que très souvent, quand un visiteur évoquait un ouvrage devant Serigne Maodo, ce dernier lui parlait de l’auteur, de son courant de pensée et de sa bibliographie. C’est à ce titre d’ailleurs que le brillant Oustaz Hady Niasse dit de Maodo Touré que le nombre de titres de livres qu’il connait suffit pour faire d’une personne un homme de savoir. Ce qui frappait aussi c’était sa grande maitrise des grands courants de pensées occidentales sans que cela n’influe en rien sur sa philosophie et ses principes de vie. Au contraire, il s’en est même servi pour aider plusieurs personnes perdues à se réapproprier les valeurs sénégalaises et islamiques. Autrement dit, il a permis à beaucoup de redevenir soi.

 

Tout ce qui monte converge dit-on. Cette dimension a permis à El Hadj Maodo Touré de sortir des clivages confrériques et claniques, tant toute personne en quête de savoir quelle que soit son origine, finissait par le citer comme étant « LA» référence.

 

L’ancien étudiant de Fass Touré et de l’Université Al Hazar en Egypte, après avoir été chercheur à l’IFAN a embrassé une longue carrière de diplomate qui le conduisit au Caire puis à Téhéran. Jusqu’à sa retraite, il montra qu’un marabout est aussi un citoyen qui apporte sa contribution à l’effort de développement de son pays.

 

Fils de Serigne Hady Touré (maitre coranique et spirituel de mame Abdoul Aziz Dabakh) et de Sokhna Aïda Sy (Fille de El Hadj Malick Sy et Sokhna Yacine Dieng), petit-fils de Khaly Madiakhaté Kala et de Mor Massamba Diery Dieng, deux illustres savants du Sénégal, El Hadj Maodo Touré est bien né. Son environnement était naturellement propice à la connaissance. Seulement, combien de personnes ont obtenu un tel environnement et ne l’ont pas saisi de la même façon? En effet, si les habitants de Fass Touré (son village natal) désignaient plus Maodo Touré dans son enfance comme étant le fils du vénéré Serigne Hady, il est tout aussi sûr que si ce dernier, était en vie, il entendrait aussi : « Voici le père de El Hadj Maodo Touré » tant le fils a su également, de la plus belle des manières,travailler    ardemment sur La Voie d’Allah Le Tout Puissant, comme l’avait fait son homonyme et grand-père Seydi Hadj Malick Sy (RTA).

 

Une route qui s’est achevée vendredi dernier (03 mars 2017) vers les coups de midi au moment où la plupart des musulmans étaient à la mosquée. Une des rares prières de vendredi qu’il ait raté sa vie durant.

 

Depuis vendredi donc, El Hadj Malick Touré, après la prière de Maghreb, a été enterré à Fass Touré. Il repose désormais auprès de son vénéré père et de sa pieuse mère.

 

Les érudits et les hommes de sciences parleront de sa vie de mystique et de soufi. Nous avons juste voulu témoigner sur l’homme de bien que l’humanité vient de perdre.

 

Imam Al- Ghazali qui parlant du prophète de l’Islam l’appelait « celui dont l’intérieur et l’extérieur étaient modelés par les Enseignements du Livre saint » qui mieux que ce magnifique savant pour nous parler de ce que nous ressentons en écrivant ces mots ?

« Les lumières des pensées intimes illuminent le comportement extérieur, l’ornent, l’embellissent et remplacent les qualités détestables et mauvaises par celles qui sont excellentes. Celui dont le cœur n’est pas humble, ses membres ne le seront pas. La beauté de l’éthique prophétique ne se répand pas sur celui dont la poitrine n’est pas un tabernacle pour les lumières divines. » Ainsi était Hadj Maodo Touré!

 

Qu’Allah l’accueille ! Lui  fasse miséricorde et le récompense pour son service à la Oumma.

 

Ps: Ecrit il y a trois ans, publié le 3 mars 2020.

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