De l’absurdité d’un dialogue de malentendants

Aujourd’hui, la crise au Sénégal est surtout dans les têtes, l’impasse étant d’abord mentale. La confiance est absente et la peur commande les actes.

En ayant abusé, les gens du pouvoir craignent que s’ils le quittent, ils risquent gros à tous les niveaux; aussi usent-ils d’une légitimité d’un troisième mandat du prince comme de la fameuse chemise usée du troisième calife de l’islam Othman Ibn Affen…

Tous les subterfuges et autres artifices sont mis en place pour faire rempiler notre hyper président dont ce dialogue national qui n’a de national que de nom car son but ultime est d’être l’instrument de validation d’un forfait constitutionnel sur le dos du peuple.

Les masses populaires dont les aspirations ne sont jamais prises en compte, n’ont que le loisir de railler, le cœur meurtri une ânerie de dialogue auquel elles n’ont jamais cru. L’évidence était qu’il ne servait à leurs yeux qu’à faire gagner du temps aux uns, les autorités en place en l’occurrence, et occulter l’échec de les en déloger sans trop d’encombres pour les autres, les partis de l’opposition.

Le dialogue pour légitimer la forfaiture

D’abord, se demander ce qu’on pourrait attendre du prétendu dialogue national actuel, dont les conclusions qui tombent semblent confirmer un véritable leurre, sceller un véritable « dealogue ». Adouber le prince, faire de ses opposants historiques des souteneurs de fait, acheter par l’octroi du statut florissant de chef de l’opposition, la complaisance du plus collabo des pseudo opposants et occulter la participation du plus consistant des opposants, dont le sort a peu pesé sur la balance des négociations et qui impactera irrémédiablement le leur… Tels sont les desseins d’un dialogue d’à qui plus rusés et de politiciens d’un autre temps soucieux de préserver leur part du gâteau national…

Et convenir que rien de bon ou de durable ne saurait en sortir, si ceux à qui nos destins sont confiés n’en sortent pas avec les résolutions de se muer en orfèvres d’un État ouvert et responsable. Responsable, d’abord, car vertueux dans sa production de normes et son utilisation des fonds publics. Responsable, ensuite, car conscient de sa place et, donc, recentré sur les compétences nécessaires à l’exercice de ses missions. Responsable, encore, car irrigué par un besoin de déontologie et, dans des limites raisonnables, de transparence. Responsable, enfin, dans son rôle de réduction des inégalités qui se sont accrues sous l’effet de la mondialisation. Responsable dans son engagement d’instaurer une justice équitable qui châtie les prévaricateurs et qui récompense les justes et les méritants.

Qu’attendre d’autre de ces conciliabules de larrons embusqués? Il ne sert à rien de vouloir faire boire un âne qui n’a pas soif.

Or, l’équipe au pouvoir n’a pas soif de démocratie du fait de l’appétit insatiable de sa partie la plus intransigeante de dominer et d’imposer ses propres vues au pays. Pareillement, l’opposition qui s’est associée à ce dialogue, dans sa quête du pouvoir est bien plus animée par l’esprit de prébendes qu’elle reproche justement à ses adversaires qu’à une réelle volonté de consensus. Et elle reste obnubilée par l’ordre et le prestige de l’État, quitte à revenir à un système autoritaire, ignorant que l’interlocuteur princier, jaloux et exclusiviste ne les as enrôlés que pour mieux anéantir leur expression… A beau chasser le naturel, il revient au galop.

Un vrai dialogue  ne peut survenir que s’il a d’abord  lieu à l’intérieur du parti au pouvoir et dans ceux qui sont le plus en vue sur la scène politique et sociale afin de les faire évoluer vers les exigences et l’imaginaire du peuple.

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Que pourrait-on faire donc pour sortir sans trop d’encombres des décombres d’un monde fini alors que le nouveau est encore en gestation ?

Renouveler la classe politique pour sortir de l’impasse démocratique dans laquelle le pays s’est enlisé par le fait d’un personnel politique obsolète et qui veut continuer à faire la pluie et le beau temps au grand désarroi des Sénégalais. Le renouvellement de la classe politique ne consiste pas à remplacer des vieux par des jeunes, mais à renverser l’ échelle des valeurs afin de remplacer l’immoralité par la moralité, la malhonnêteté par l’intégrité, la traitrise par le patriotisme. Voilà le vrai renouvellement…

Il urge de répondre à cette faim d’un monde nouveau, devenue irrépressible à la suite, à la fin de l’ancien, et satisfaire les attentes des masses plus que jamais conscientes de leur puissance et de la vertu fondatrice de leur violence. Et ne l’oublions pas, la postmodernité est par excellence l’âge des foules aux sens débridés, aux communions émotionnelles.

En attendant « cette belle utopie »,  le règne de l’absurdité n’aura plus lieu d’être quand le peuple aura décidé, par la maturité de ses choix, par la ferme défense des valeurs d’humanité et de démocratie qui faisaient notre fierté, qu’il n’en sera plus ainsi en changeant les dirigeants, en procédant au renouvellement des décideurs. En somme des hommes neufs et des institutions refondées. La démocratie le permet. Et c’est tant mieux. Mais ceci ne doit pas se confiner qu’à la classe politique. Cette pensée est tout aussi valable dans la vie de tous les jours, pour tout un chacun qui a décidé de ne pas accepter l’absurdité dans sa vie, dans ses choix, ses engagements. C’est au quotidien que se combat l’absurdité.

Notre peuple est loin d’être composé d’ignorants car même ses analphabètes disposent de par leur sagesse populaire d’une lucidité et d’une intelligence incomparables de leur situation et de celle de leur pays. S’il est un bonnet d’âne à utiliser au pays supposé de la Teranga, il ne pourrait servir qu’à coiffer ses dirigeants actuels qui loin de faire du pouvoir qu’on leur a confié l’instrument pour amener le pays à la modernité politique, nous enfonce dans une autocratie qui s’emballe…

Têtus comme des bourriques, ils n’arrivent pas à comprendre que le peuple ne veut pas de dictature, quelle que soit sa couleur, et que l’autoritarisme de papa ne réussira plus à se restaurer dans une société juvénile, réveillée qui plus est à sa puissance instituante.

Que nos élites dialogueuses se le tiennent pour dit! Que la sagesse populaire les inspire ! Rien ne va dans le pays et pourtant le peuple survit sans le secours de ses élites. Donnons-lui le pouvoir au niveau local pour qu’il arrive — et toujours tout seul, comptant sur son génie propre — à mieux vivre ! Réinventons donc la politique en la transfigurant. Ayons cette ambition pour notre pays!

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Khady Gadiaga est une communicante de profession. Elle a capitalisé 25 ans d'expérience professionnelle dans différentes entreprises où elle a respectivement occupé les postes de Product Manager, Directrice Commerciale et Marketing, notamment dans les secteurs de l'industrie médicale et textile en Europe et en Afrique. Ancienne directrice du marketing du Festival Mondial des Arts Nègres (FESMAN) de 2005 à 2010, elle a coordonné et orchestré le volet communication et marketing de ce grand rendez-vous culturel. Khady est passionnée de culture, des grandes idées et des mots, elle met sa plume au service des causes justes, parmi lesquelles, la paix et la concorde et la liberté. À ce titre, elle a été directrice de la rédaction, à Debbo Sénégal. Cette ancienne étudiante en Langues étrangères Appliquées à l'économie et au droit à University of Nice Sophia Antipolis, est aujourd'hui Directrice générale à Osmose (Agence de communication Globale) et depuis 2011, met en pratique sa riche expérience en qualité de Consultant expert Sénior en accompagnant les organisations du secteur privé, public et institutionnel en terme de conseils, de coaching et de suivi-évaluation de projets et programmes. Les chroniques de cette dame de aux centres d'intérêts éclectiques, sont désormais sur Kirinapost.

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