Cheikh Oumar Diagne n’est vraiment pas le problème …

La polémique autour de Cheikh Oumar Diagne et du rôle de l’administration coloniale dans la gestion des fêtes musulmanes est intéressante pour moi à plus d’un titre. Elle pose moult interrogations ! La « sainteté » empêche-t-elle de « subir », l’imposition d’un pouvoir impie ? Est-elle une garantie de ne pas subir des épreuves ? Ce qui est sûr c’est qu’elle ne garantit déjà pas l’immortalité ni même la mort violente. Kerbala suffit comme exemple.

Toute religion étant minoritaire à ses débuts a dû s’accommoder d’un pouvoir non acquis à sa cause dans un premier temps. Et ce n’est pas parce qu’une société est sous domination qu’elle ne produit pas des saints et êtres d’exceptions.

À l’avènement de Jésus fils de Marie, la puissance romaine imposait sa loi sur le pays. Mohamed (PSL) est né dans un environnement païen qui a persécuté les premiers croyants. Que Cheikh Ahmadou Bamba Qadim Rassoul (que Dieu l’agrée) ait été obligé de faire avec l’ordre colonial n’est pas un débat ! Pas pour un homme plusieurs fois déporté au cours de sa vie ! Et je ne pense pas que le colon aurait insisté avec des déportations multiples s’il avait réussi à le briser et le soumettre .

L’exemple de Qadim Rassoul est aussi intéressant pour montrer que la Résistance pouvait être spirituelle et intellectuelle. C’est cette dernière qui triomphera d’ailleurs. Que Silmaxa Diop ( Lat Dior ) roi du Cayor soit mort à Dékhlé prouve à souhait que la résistance armée n’était pas la bonne approche face à cet ennemi et dans ce rapport de force par trop déficitaire. Pour rappel : Lat Dior n’a pas connu le Sénégal qui est né après lui et le vénéré Cheikh ne l’a connu que vers sa fin de vie.

Toutefois, il est intéressant de savoir que l’autorité administrative pouvait aider la communauté nationale à prier le même jour. En effet, ce n’était pas imposé mais Il faut surtout dire que les Chefs religieux dans leur ensemble avaient fini d’installer des rapports d’intelligence avec le colon. Le colon n’était pas au Sénégal pour faire du tourisme, car combien de daaras furent brûlés, combien de marabouts tués, mais il avait parfois l’intelligence des situations et sur ce terrain, nos valeureux guides avaient plus que du répondant. Avec une extreme habilité, de façon solidaire, et engagé, ils ont réussi à bien « contourner » les stratégies du colon. Ces valeureux guides ont répondu aux questions de leur temps. Et nous, que faisons-nous ?

Lorsqu’un marabout demandait l’autorisation de construire une mosquée ou d’acheter des livres, (Oui c’est comme ça que cela se passait) une fois que l’autorité coloniale avait donné son aval, il n’arrivait que très rarement que cette dernière mit des bâtons dans les roues à ces entreprises. Une grande différence entre l’administration coloniale et celle d’aujourd’hui. Les gouvernements actuels peuvent donner leur parole et se renier sans sourciller.

Le fait est en qu’en réalité, sur biens des points, nos illustres guides avaient compris qu’il fallait davantage s’occuper à éduquer et à former les masses, à augmenter le nombre de « sachants », à multiplier le nombre des mosquées et à décentraliser aux maximum leurs Cheikhs ou Moukhadams, afin de sauver la foi et la culture du pays, que d’affronter l’autorité coloniale. Sauver la foi des gens voilà ce qu’ils leur semblaient être le vrai combat. Tant est si bien que lorsqu’à Saint-Louis, l’autorité coloniale instaura l’école française et le rendit obligatoire, les érudits et imams de l’époque n’ont pas rechigné et ont accepté sans opposition que leurs enfants y aillent. C’était la fin de l’école coranique ? Ho que non, les imams avaient leurs stratégies et les enfants ont commencé à aller au Daara à la prière de fadjr jusqu’à 8h, heure de l’école française. Entre midi et deux heures : rebelote : école coranique.  C’est grâce à cette stratégie, qu’on a eu dans la vieille cité des ingénieurs, médecins, professeurs tous hafiz al quran…. Sauver la foi et la culture étaient la chose la plus importante. Collaborer sans se soumettre. À l’heure du bilan, il apparait clair que nos vaillants guides religieux et imams ont vaincu le pouvoir impie. Ces valeureux guides ont répondu aux questions de leur temps. Et nous, que faisons-nous ?

C’est aussi en partie, grâce ce travail minutieux de ces pères fondateurs que le Sénégal est un des rares pays d’Afrique Subsaharienne à avoir une langue nationale de ralliement pour l’échange inter-ethnique. Ailleurs en Afrique de l’Ouest, il se fait essentiellement en français. C’est toujours grâce à ce travail qu’aujourd’hui, le pays compte un nombre impressionnant de mosquées et de daaras. Pour nos érudits de l’époque encore une fois, il fallait sauver la foi, le « pass-pass ». Le développement et l’émancipation économique ça sera pour les générations à venir se sont-ils sans doute dits. Ce défi est le nôtre ! Nos guides avaient bien vu. Aujourd’hui, le wolof envahi les médias, les enfants remportent des prix de récitals de Coran à l’international, l’habit traditionnel est de plus en plus présent, lors de la première vague de Covid quand la France peinait à trouver des masques, les tailleurs sénégalais en fabriquaient à la pelle. Ce défi de l’affirmation de soi est le nôtre. Cheikh Anta Diop avait raison de nous inviter à nous « armer de sciences jusqu’aux dents ». Là est le salut !

Je refuse quant à moi de considérer Cheikh Oumar Diagne comme un ennemi de la Mouridiyya et de l’islam. Au contraire !  Un intellectuel, un vrai entre en complexité. Et on débat avec lui non pas par des insultes mais par la connaissance si on veut le réduire à sa plus simple expression pour parler comme quelqu’un. En attendant, Cheikh Oumar Diagne a été l’une des voix à se féliciter des positions du khalife Serigne Mountakha Mbacké (que Dieu le bénisse) durant la première phase de la pandémie. Comme il s’est félicité de l’appel de ce dernier à adapter la constitution à son constituant sociologique légitime. Et s’il était mal intentionné, il ne militerait pas pour une communauté religieuse sous la direction du Khalife Général des Mourides. Cheikh Oumar Diagne est un soldat de l’Islam, un allié de nos confréries et un panafricain authentique. Débattez avec lui si vous voulez mais sans passion, car les urgences sont vraiment ailleurs. Il ne faut aucunement attiser les divisions. L’unité des musulmans est plus que jamais nécessaire face à ce monde qui vient…

Les urgences sont vraiment ailleurs. Au vu de l’impact de la pandémie et de l’arrivée de Biden, pour l’agenda LGBTQ …Au vu de l’action de l’UNESCO via son module pro LGBTQ …Au vu de l’engagement de Charlie Sall pour le NOM et via la campagne He For She dont il arbore l’insigne depuis sa sortie après les émeutes…Au vu de la campagne de lobbies homosexuels pour expurger du corpus juridique toutes les lois qui leurs sont défavorables … Au vu des menaces de représailles américaines … Et de l’acceptation du Sénégal d’aller vers un gouvernement ouvert et vers l’égalité …Au vu qu’on essaye de diviser les foyers religieux sur la signature de la pétition demandant la criminalisation de l’homosexualité…

Au vu de l’intégration des droits nouveaux dans la loi fondamentale, avec ministère du genre et bureau du genre dans les autres ministères en sus de la mention sur les documents officiels …

Nous ferions mieux de prendre au sérieux ce combat pour la criminalisation de l’homosexualité et réfléchir à la meilleure façon de soutenir les palestiniens qui subissent un génocide en règle en plus de tous les musulmans qui assistent impuissants à l ‘ annexion de la mosquée sainte de Masjid Al Aqsa. La voie menant au ciel ! Lieu même du départ du voyage d’ascension. Je crois que nous avons des sujets urgents et capitaux à régler. Le camp d’en face est méthodique et organisé. Devant nous, les menaces sont tenaces et hautement plus préoccupantes.

Affronter les défis du développement inclusif, faire face au monde extérieur, nos guides anciens, nous ont brillamment préparés à cela. Porter le message de tolérance, de respect qu’ils nous ont enseignés, Faire de notre modèle social et religieux un exemple pour le monde, tels sont les défis devant nous, pas autre chose.

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