CAF : Patrice Motsepe, vive la « Fifafrique » !

Wahany Johnson Sambou • La photo a fait le tour du monde. Gianni Infantino au milieu, à sa droite Augustin Senghor et Jacques Anouma. A gauche, Patrice Motsepe et Ahmed Yahya. Tous s’étaient donné rendez-vous à Nouakchott, en Mauritanie, pour valider le protocole signé quelques jours plus tôt à Rabat au Maroc. Et pour la circonstance, il fallait bien jouer le jeu. Tels des ducs réitérant leur allégeance au tout puissant empereur du foot mondial, les quatre candidats à la présidence de la CAF s’y prêtent donc volontiers. Bon gré mal gré, tous se plient à la volonté du chef suprême pour la signature du pacte d’union.  (Avec sportnewsafrica.com)

 

CAF : Patrice Motsepe, vive la « Fifafrique » !, Information Afrique Kirinapost

De gauche à droite: Jacques Anouma, Senghor, Infantino,  Motsepe, Yahya  ©Cafonline

 

Le deal est officialisé le 12 mars 2021, toujours à Rabat. Il porte ainsi à la tête de la CAF Patrice Motsepe dont la candidature a surpris plus d’un. Une élection qui marque le point final d’un coup savamment orchestré par Gianni Infantino et ses sbires. Comme un doigt d’honneur aux théoriciens du complot, le président de la FIFA réussit à imposer ses choix à l’Afrique du foot. Le dirigeant suisse a beau se défendre d’une quelconque immixtion dans cette élection, son rôle dans le processus prouve le contraire. Eh oui, il faut bien être dupe ou de mauvaise fois pour ne pas voir l’évidence.

« Tuer » Ahmad pour « engraisser » Motsepe

Tout commence par la mise à l’écart d’Ahmad Ahmad. Candidat à sa propre succession, le désormais ex-président de la CAF est disqualifié en novembre dernier par la FIFA. Le dirigeant malgache est suspendu cinq ans par le comité d’éthique pour abus de pouvoir et détournement de fonds. Une sanction réduite finalement à deux ans, début mars, par le Tribunal arbitral du sport (TAS). Ahmad a beau clamer son innocence, il se plie aux règles du jeu de la démocratie du sport. Une autre victoire pour Gianni Infantino sur son ancien protégé. Car avant la chute du Malgache, les difficiles rapports entre les deux hommes n’étaient plus un secret. L’arroseur arrosé.

Fort de ce succès, le patron du foot mondial pouvait alors s’attaquer à la seconde phase de son plan : imposer son homme pour une CAF taillée à sa mesure. De simple soupçon, le deal se confirme donc avec le pacte de Rabat. Une souillure, à la limite, pour le foot continental. Dès lors, Patrice Motsepe et son mentor pouvaient porter un toast après ce coup de génie que d’aucuns qualifieraient de diabolique. Impuissants, Augustin Senghor, Ahmed Yahya et Jacques Anouma n’avaient d’autre choix que d’obéir aux vœux de l’empereur. Le Sénégalais et le Mauritanien se contentent finalement des seconds rôles. Or, ce n’est pas pour ça qu’ils avaient commencé à battre campagne.

Mais, au nom de la cohésion et de l’unité de la famille du foot africain, il fallait des sacrifices. Les deux dirigeants s’offrent ainsi volontiers en agneaux pour sauver les apparences. Et bénir la décision de sa majesté Infantino. Jacques Anouma ne pouvait donc que rejoindre la coalition pour la paix et l’union sacrée. En récompense, Augustin Senghor et Ahmed Yahya récupèrent les deux premiers fauteuils de vice-présidents. Quant à l’Ivoirien, il se voit promettre une planque de conseiller du président. De gros bonbons pour étouffer toute tentative de rébellion bien que vouée à l’échec. Au nom de l’Afrique qui gagne. Ou plutôt de ce qui est désormais appelé la « Fifafrique »

Le deal ou le bâton

Mais avaient-ils vraiment le choix devant la toute puissance de la FIFA ? Il faut être dupe pour le croire. Et ce n’est pas la sortie de Jacques Anouma dans France Football, quatre jours avant l’élection, qui prouvera le contraire. «Lorsque la tenue de cette réunion (de Rabat, ndlr) a fuité, je n’ai pas senti un grand courant d’indignation chez les votants. J’ai donc donné mon accord à ce schéma après avoir longuement hésité et sondé mes équipes de campagne… Je ne voulais pas d’une guerre de succession qui aurait pu faire exploser la CAF. J’ai privilégié l’unité africaine car je ne souhaitais pas jouer seul les D’Artagnan», déclarait l’Ivoirien.

Des propos qui en disent long sur le caractère contraignant du deal. L’ancien président de la Fédé ivoirienne de foot sait, comme les autres, que c’est un sacrilège de s’opposer à la FIFA. S’y aventurer, c’est d’abord s’exposer à des sanctions au portefeuille. L’instance mondiale pourrait, par exemple, se servir de l’arme des subventions pour liquider un dirigeant. Car ces mêmes subventions cachent souvent de petites magouilles. Dès lors, l’appareil judiciaire pourrait être actionné pour fouiller dans la gestion des ressources destinées aux Fédés. Et Dieu sait que le monde du foot n’est pas ce qu’il y a de plus clean !

Une énorme tartuferie

Face à ce rouleau compresseur, le mieux donc, pour ces dirigeants, était de se taire et se ranger derrière l’élu, Patrice Motsepe. Et quand l’homme d’affaires sud-africain se défend d’être le candidat de la FIFA, il y a lieu de se demander à qui croit-il vraiment s’adresser. Car, quoi que ses soutiens puissent dire, sa victoire est avant tout celle de la FIFA. Comme celle d’Ahmad l’a été en 2017 devant le puissant Issa Hayatou… avant de tomber en disgrâce. Cette élection prouve, s’il en est encore besoin, que l’ère des béni-oui-oui à la tête de la CAF est loin d’être révolue. Que la FIFA pouvait imposer son diktat sans une once de révolution. L’auteur de la phrase «qui détient l’argent détient le pouvoir» ne croyait pas si bien dire.

L’Afrique du foot attend maintenant de voir quelle sera la marge de manœuvre de son nouveau boss. Parviendra-t-il à se défaire des cordes de marionnette qui l’enlacent ? Son statut de milliardaire suffira-t-il comme bouclier ? Après avoir tendu la joue, on doute fort que la gifle de la FIFA dévie de sa trajectoire. Tel un doigt d’honneur aux Africains, le sarcasme cynique de Gianni Infantino avec cette élection interpelle. Il suffit d’échanger la CAF avec l’UEFA pour comprendre toute tartuferie de la démarche. Et le malheur, c’est qu’aucun dirigeant du continent n’ose élever la voix. Comme si la contestation en murmure pouvait freiner l’installation de la « Fifafrique ».

Source: sportnewsafrica.com

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