Bangui (RCA) au temps des massacres

Rebecca Tickle • Tout le monde à Bangui a assisté une fois ou l’autre à des massacres et connaît ceux qui ont commis des crimes, où, quand et comment. Tous les habitants d’une rue savent ce qu’ils ont vu de leurs yeux devant leur portail ou juste un peu plus loin. Ceux qu’on a menacé parce qu’ils ont tenté de protester savent aussi ce qu’ils ont vu.

Des témoignages détaillés d’amis chrétiens, racontés tout bas, de ce qu’ils ont vu dans leur quartier ou devant leur porte, j’en ai plusieurs en tête. La peur au ventre rôde en RCA jusqu’à aujourd’hui, et les faits du terrain ne sont de loin pas tous publics. Le traumatisme collectif, invisible, est incommensurable.

Ceux qui réclament l’amnistie à chaque « forum national » depuis 3 ans ne s’intéressent pas à ce qu’ils ont fait. Tout ce qu’ils veulent c’est l’oubli de leurs crimes monstrueux, juste pour être tranquilles. « Le passé c’est le passé, les gens n’ont qu’à tout pardonner… » entend-on ici et là. La justice, on s’en moque.
En vérité, on a surtout oublié ce qu’était la justice.

En attendant, méditons sur cette pensée du romancier suisse Victor Cherbuliez : « La justice est la vertu humble, ingrate et amère, la vertu sans gloire comme sans volupté, et cependant, qu’elle vienne à manquer, tout manque. »

Crédits-Photo: RFI

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D’origine britannique, Rebecca Tickle est d’abord une passionnée de l’histoire et du destin de l’Afrique. Elle baigne dans l’esprit du continent dès sa petite enfance à travers son père journaliste, qui sillonne l'Afrique dans le contexte de la Guerre froide. A l'issue d'une carrière d'infirmière diplômée bien remplie et l’achèvement d’une licence en sciences sociale et politiques, Rebecca Tickle travaille dans le domaine de la résolution de conflit et de la gestion de projet de médiation humanitaire. Elle s’engage ensuite comme chargée de communication puis comme secrétaire générale dès 2009 à la Fondation Moumié basée à Genève, structure œuvrant pour la réhabilitation de la mémoire coloniale tardive et postcoloniale de la résistance nationaliste au Cameroun et au-delà. Elle s'intéresse particulièrement aux maux qui rongent l'Afrique centrale et alimente sa réflexion à travers les dénominateurs communs caractérisant le continent. Portant une attention particulière aux rapports de pouvoir et d'influence depuis les indépendances, à travers entre autre la société civile et les médias, Rebecca Tickle se plonge dès qu’elle en a l’occasion dans cet univers qui lui tient tant à coeur, à travers la littérature, le cinéma africain et la condition humaine sur le continent. Une curiosité insatiable et une veille assidue des actualités depuis près de trois décennies, complétées par un Master en études africaines terminé en 2024 à l’Université de Genève, lui permettent de faire des analyses fortes et de participer sous diverses formes aux débats autour des questions brûlantes qui animent l'Afrique. Rebecca Tickle collabore avec la rédaction de Kirinapost depuis son lancement en 2016.

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