Imam Alioune Badara Ndao n’est plus. C’est avec cette triste nouvelle que le Sénégal s’est réveillé ce matin. Le guide religieux admis aux urgences depuis une semaine a finalement perdu la vie dans la nuit du lundi 5 au mardi 6 septembre 2022. Il était, érudit, éducateur, imam, cultivateur, entrepreneur, soldat de la paix et un homme de son époque.
On le savait malade. Alors que la cagnotte lancée pour le soutenir dans sa maladie et l’évacuer dans les meilleurs hôpitaux atteignait les 15 milions de FCFA, Imam Alioune Badara Ndao est parti sans crier gare. Sa pudeur lui interdisait sans doute de se faire soigner par cet argent au demeurant noble licite puisque ce sont des citoyens libres qui l’ont initié.
On le savait malade depuis, qu’il avait été injustement accusé et incarcéré pour terrorisme avant d’être libéré. il était sorti de prison affaibli. Malgré tout, iman Ndao est retourné dans son école, dans sa mosquée et dans ses champs. Toujours au front pour défendre l’injustice et lutter pour l’indépendance du pays. Toute sa vie, il a enseigné. Son école coranique qui n’accueille pas moins de 500 élèves actuellement a formé des générations et des générations aux sciences islamiques.
Sans aides, sans subventions, loin de l’ État, des ONG et fondations, il a cultivé la terre pour vivre. Garder son autonomie, sauvegarder sa dignité, et protéger sa liberté étaient au coeur de sa démarche. En cela, il était sur la voie tracée par le prophète de l’Islam. On raconte qu’un roi, à l’annonce de l’apparition du prophète Mohamed (PSL), interpella un compagnon et lui demanda: » lorsque votre prophète a annoncé sa mission, qui a répondu à son appel en premier ? » Et le compagnon de répondre: » les indigents, Sire« . « Voilà un des signes d’un prophète, les rois ne sont jamais ses proches » conclua le roi.
Imam Alioune Badara Ndao est né le 06 mai 1960 à Ndalane Malick (arrondissement Gandiaye, département de Kaolack). Il est le fils de El hadji Ousmane Ndao (RTA) proche disciple de El Hadji Malick SY (RTAt).
À l’âge de 6 ans son père l’envoie avec ses frères à koki, chez Mouhamad Sakhir Lo où il mémorise le Saint Coran trois ans plus tard. Il parcourra le Saloum à la recherche de savoir et étudier les sciences islamiques. Dans cette quête, l’imam séjournera en Mauritanie et en Arabie Saoudite. Très au fait, des réalités de la géopolitique mondiale, des enjeux de développement et des défis civilisationnels devant nous, il était un homme du monde, un homme de son époque.
Ses sermons s’appuyaient sur le texte coranique et les hadiths pour dénoncer le libéralisme sauvage, l’absence d’équité dans les échanges internationaux, le tout bussiness qui fait perdre au monde ses valeurs, la disparition de l’éthique et de la sagesse dans les relations humaines. Iman Ndao a formé des milliers de Sénégalais au panafricanisme, à l’amour de la patrie et leur a inculqué surtout les valeurs de travail. Son arrestation et sa mise en détention du fait d’un Etat obsédé par le besoin de plaire à la fameuse communauté internationale, ont été injustes, abusifs et arbitraires. Poursuivi notamment pour « apologie du terrorisme » et « association de malfaiteurs », l’imam Alioune Badara Ndao est arrêté dans la nuit du 26 au 27 octobre 2015. iI sera torturé en détention avant d’être relaxé purement et simplement le 19 juillet 2018. À ses avocats qui lui suggéraient de porter plainte contre l’État du Sénégal, il dira: » notre prophète (PSL) nous enseigne le pardon ».
En vérité, Imam Ndao dérangeait les tenants de l’ancien monde. Ce monde qui veut que l’Afrique reste de façon définitive en situation d’esclavage et de dépendance. Tandis que lui éveille les consciences. Quand il a commencé par exemple à organiser les communautés, mettant en place des structures susceptibles de se transformer en institutions financières capables de concurrencer les banques, certains ont vu vite le danger. Ses prêches invitant les jeunes à prendre leur destin en main, n’ont pas été appréciés en haut-lieu. Les dirigeants du régime actuel qui cherchaient coûte que coûte à faire tomber un « terroriste » au Sénégal avait trouvé leur bonhomme. Avoir un terroriste, avec tous les financements internationaux, ça rapporte gros ! Imam Alioune Badara Ndao était vulnérable, l’agneau du sacrifice parfait. Une partie de la presse l’a vilipendé trainé dans la boue, la justice a été plus qu’impartiale, certaines élites religieuses trop frileuses à le soutenir à la hauteur des fausses accusations portées à son endroit.
Alioune Badara Ndao était un homme libre. Sa volonté de se construire hors des chapelles et looby l’ont quelque part un peu desservi. Construire son indépendance financière, lui a fermé les portes de l’argent venu d’ailleurs, contrairement à ce qu’on a essayé de faire croire à l’opinion au moment de son procès inique. Il a choisi de vivre dans la sobriété en se contenant du peu qu’il gagnait. Profondément sénégalais, respectueux de tous les foyers religieux, il avait une grande estime pour les grandes figures de l’Islam du pays et tentait autant que faire se peut à baliser son propre chemin et apporter des réponses aux questions de son temps. Raison pour laquelle, il pouvait sembler radical.. mais que nini..toute philosophie n’est que fille de son temps.
Imam Ndao a semé. Il a fini sa mission. Comme le prophète de l’Islam, comme les compagnons, il est parti rejoindre le Seigneur. Ce jour, il l’a attendu, il l’a préparé en bon croyant. Naturellement, comme « qui vit la mort, jouit d’une longue vie » selon Lao-Tseu, imam Ndao demeurera parmi nous. Il n’est plus là certes, mais son immense oeuvre restera et 1000 Imams Ndao naîtront !
Nous appartenons à Dieu et à Lui nous retournerons. La Oumma perd un homme de sciences, un homme de combat, un homme de sagesse, et un homme de vision. Le Sénégal et l’Afrique doivent d’abord compter sur leurs enfants pour se développer et profiter de ses richesses et potentiels. Quant au monde à venir, il devra s’ouvrir davantage aux valeurs humaines et religieuses, combattre l’injustice, s’il ne veut pas perdre son humanité. Que Dieu ait pitié de son âme let soit satisfait de Imam Alioune Badara Ndao avec la bénédiction du Noble Coran.
« Il est, parmi les croyants, des hommes qui ont été sincères dans leur engagement envers Allah. Certains d’entre eux ont atteint leur fin, et d’autres attendent encore; et ils n’ont varié aucunement (dans leur engagement) » Al-Ahzab Sourate 33 verset 23
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