Nous sommes en 1999, l’Afrique vit la fin des ajustements structurels. D’Abidjan à Dakar, la situation économique, disent les spécialistes, est au vert mais les ménagères ne le ressentent pas. Les jeunes sortent en masse du système éducatif, l’emploi se fait rare et l’horizon s’assombrit… Certains d’entre eux sont récupérés par le Hip-hop. Il va porter leur colère et leur redonner de l’espoir.
Ceci pourrait être le parfait synopsis de Zone Rap, film de Bouna Medoune Seye projeté jeudi dernier à la salle Samba Felix N’diaye de l’Institut Français de Dakar. Salle remplie, connaisseurs ou simplement cinéphiles se sont donnés rendez-vous afin de partager ce qui sera à la sortie un grand moment de cinéma.
Ils se nomment Rap’Adio, Pee Froiss, Kantioly, BMG44, Awadi, ou Daara-ji (Faada Freddy, un des membres du crew photo Une) mais aussi, D’Angelo, R.A.S, Sakhpata Boyz, Extaze, Adjamtula Fusion. Tous suivent la caméra de Bouna et parlent de leur histoire, de leur quotidien et de leur avenir. Le son est top, la lumière parfaite, les prises de vue et les plans magnifiques. Ces derniers font entrer le spectateur dans l’univers que le réalisateur a choisi. Voilà la prouesse que Bouna Medoune Seye a réussie.
La première des prouesses, c’est d’avoir cru en ce phénomène très tôt et de lui avoir donné la parole. En 1999, rares sont ceux qui voient en ces jeunes rappeurs de futurs activistes et leaders du combat citoyen. Rares sont ceux qui auraient parié à l’époque que ces mouvements étaient en train de semer les germes de ce qui deviendra »Y’en A Marre » ? Qui pouvait le présager ? C’est en cela que Bouna Médoune Seye est un visionnaire. Awadi ne l’a pas dit par hasard.
Xuman, présent dans la salle et acteur dans le film, l’a rappelé dans son propos. ‘’ Ce Film montre que le mouvement vient de loin et que son installation s’est faite progressivement. Zone Rap a le mérite de nous rappeler la voie’’ a dit le membre du défunt groupe Pee Froiss.
Tantôt pessimistes, parfois optimistes, mais toujours critiques, les groupes de rap interrogés incarnent une Afrique à la fois urbaine et moderne, rêveuse et lucide quant à ses possibilités, ses insuffisances et ses faiblesses. Une Afrique arc boutée à ses racines et complètement disponible pour s’ouvrir au monde.
À la fin de la projection, des applaudissements nourris ont salué le travail du réalisateur. Ce dernier a remercié le public pour son déplacement et a confié détenir encore « un rush d’une dizaine d’heures’’ sur des confidences de rappeurs africains sur l’évolution de leurs sociétés et de leur art. Un second film en perspective ? Le cinéaste n’est pas opposé à un tel projet et se dit disponible. En tout cas, l’ensemble des spectateurs, dont l’excellent critique de cinéma Baba Diop, ont tous appelé de leurs vœux ce deuxième volet.
En effet, entre 1999 et 2012, les revendications sociales ont évoluées. La Côte d’Ivoire sort avec difficulté de dix ans de troubles et le Sénégal a connu deux alternances démocratiques. Il y a de quoi faire… Doit-on lui ( Bouna) exiger sa réalisation ? Non, laissons agir son génie…
Credit-Photo: Vieilles charrues
Publié dans agendakar.com 02 octobre 2012
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