Vers quel nouvel ordre mondial ? La fin de la domination étasunienne et ses conséquences, par Jacques Sapir

Il devient de plus en plus évident que nous sommes aujourd’hui à l’aube d’un nouvel ordre mondial. Les transformations qui ont affecté les rapports de force géostratégiques, mais aussi les rapports de forces économiques et les règles et pratiques du commerce international l’attestent. L’ordre mondial issu de la fin de la Guerre Froide en 1991, et qui était marqué par une domination sans partage de l’Hyper-Puissance américaine[1], s’est progressivement fragmenté. Mais, ce qui naitra de cette fragmentation n’est pas encore pleinement défini.

Cette fragmentation peut se solidifier en une nouvelle Guerre Froide tout comme pourrait apparaître d’ici quelques années nouvel ordre mondial q plus respectueux des droits des Nations, plus centré sur les problèmes communs de ces nations, problèmes qui vont de la sauvegarde de l’environnement au développement social et économique qui reste à accomplir dans de nombreux pays, et enfin mieux compatible avec l’émergence d’un contrat social de progrès au sein de chacun d’entre eux. Tel est sans doute le défi le plus important que nous aurons à affronter dans ces prochaines années.

plus, un ordre mondial polarisé par une grande puissance, la Grande-Bretagne avant 1914 et les États-Unis depuis 1945 et en particulier depuis 1991, pose le problème des relations entre pays dominants et pays dominés. Un tel ordre mondial n’a jamais été égalitaire entre les nations concernées, et c’est en particulier le cas pour l’ordre économique international incarné par l’OMC[23]. Il a défavorisé les pays anciennement colonisés (ou créés par la colonisation) et globalement les pays peu industrialisés[24]. De fait, cet ordre mondial a résulté de l’entente des pays riches et puissants[25].

Il n’est pas étonnant qu’il fût contesté. Il a connu de multiples incarnations. L’ordre international de 1944-45 n’est déjà plus celui qui prévaut de 1949 au début des années soixante, quand il se replie sur les pays alliés des États-Unis et exclu, de fait, l’URSS, la Chine, et l’ensemble des pays communistes. Il change encore au début des années 1970 quand les États-Unis imposent le principe des taux de change flottants[26]. De fait, avec la décomposition des accords de Bretton-Woods, la notion de système monétaire international puis d’ordre monétaire international fait son entrée, comme l’une des formes d’un ordre international plus général. Cela entraine une focalisation sur le rôle du dollar des États-Unis[27].

L’idée d’une émergence d’un « nouvel » ordre mondial, différent tant de celui issue de 1945 et de la guerre froide, que de la domination des États-Unis d’Amérique à la suite de l’effondrement de l’URSS, se fait jour depuis le début des années 2000[28]. Cet ordre mondial ne serait plus polarisé par un, ou un petit nombre, de pays. Il serait, dans le sens le plus complet du terme, multipolaire. Sans doute, le premier à en avoir parlé fut John Maersheimer[29]. L’idée s’est progressivement affirmée que l’ordre mondial, tel qu’il s’était reconstitué depuis la fin de l’URSS sous la domination des États-Unis, a été mis en cause par la montée en puissance des économies émergentes[30]. Avec cette idée est aussi apparue la notion qu’un conflit entre les États-Unis et la Chine était possible, puis à craindre, voire inévitable[31]. L’ordre mondial s’est enfin trouvé partagé entre trois pôles pour ceux qui espéraient que l’Europe puisse avoir un rôle[32]. La Suite de l’article ICI

 

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