Une affaire de mandat

La condamnation à deux ans de prison de l’opposant Ousmane Sonko a entrainé des manifestations d’une violence inouïe. Les manifestants révoltés par la décision de justice sont sortis dans la rue. Pour réprimer le mouvement, les forces de l’ordre ont déployé une puissance tout aussi inouïe. À leurs côtés, des hommes en civil ont ouvert le feu à plusieurs reprises. Pour les autorités, ce sont des manifestants violents. Seulement, des vidéos sont venues attester de l’inverse et contredire la thèse gouvernementale. Toute cette affaire Sonko c’est une affaire de mandat. Pas tout à fait comme le mandat d’Ousmane Sembène mais, le cinéaste dont on fête le centenaire, serait ravi d’en faire un film s’il était encore parmi nous.

La police nationale a accusé des « civils armés » de se battre aux côtés des manifestants lors des heurts qui ont suivi la condamnation farfelue de Sonko. Des accusations vite contredites par des vidéos.

« L’enquête de France 24 révèle que les vidéos projetées par la police sénégalaise pour justifier la présence de nervis et combattants armés parmi les manifestants ont été truquées pour la dédouaner. Quelle crédibilité va-t-il leur rester ? Des démissions doivent suivre » a twitté l’ancien premier ministre Abdoul Mbaye.

L’une des vidéos met en évidence un individu armé portant un Tee-shirt de couleur rouge floqué du numéro 9. Sur les images, l’individu court dans les rues arme au poing avant de monter dans un Pick-up aux côtés d’hommes de tenues clairement identifiés.

Déjà en mars 2021, une vidéo avait été particulièrement partagée alors que des manifestations violentes éclataient à Dakar, en réaction à l’arrestation d’Ousmane Sonko. « Ce sont des nervis de Macky Sall qui tirent sur la jeunesse » explique l’internaute qui publie la vidéo. Elle devient virale. Beaucoup d’autres s’en suivent. À l’époque, le gouvernement parla de forces occultes. Puis, plus rien ! La commission d’enquête que promettaient Macky Sall et Sidiki Kaba n’a jamais vu le

Deux ans plus tard, donc aujourd’hui, nous assistons au même phénomène. Les « forces occultes » ont bien eu le temps de s’installer dans le pays. Ils sont partout. « Lourdement armés » de surcroit et extrêmement « bien formés » comme avait tenté de nous faire peur un procureur à l’époque. En tout cas, une vidéo montre une foule en panique courir dans les rues, alors que des hommes armés et dépourvus d’uniformes, tirent sur elle. Qui sont-ils ? Qui leur a donné mandat de tirer ? Ce qui est sur, c’est qu’ils sont aux côtés des Forces de l’ordre.

S’il est vrai que tous les camps politiques, majorité comme opposition ont des gros bras, force est de constater que ceux proches du pouvoir semblent plus actifs. De plus, parmi les 23 morts qu’a dénombré Amnesty International, la grande majorité pour ne pas dire tous, viennent du côté des jeunes manifestants.

Cette affaire de mandat coûte cher au pays. Comme du reste, le mandat de 25000 Francs reçus par Ibrahima Dieng de la part de son neveu, immigré à Paris, et qui faute de posséder une carte d’identité, n’arrive pas à toucher l’argent, mais se mit aussitôt à s’endetter et mener la belle vie en attendant de régler le problème administratif.…

Sitôt, l’accalmie revenue en 2021 suite à la médiation des autorités religieuses, Serigne Mountakha au premier rang, Macky Sall annonça un retentissant « Je vous ai compris » à ses concitoyens.

Malheureusement s’il avait compris réellement, il aurait entendu l’invitation de Serigne Mountakha à enterrer le dossier Adji Sarr. Il aurait entendu l’invitation de Serigne Babacar Sy Mansour à prendre de la hauteur et à se remémorer qu’il est, en tant que Chef de l’Etat, responsable de toute détérioration persistante de la situation dans le pays. Naturellement, il aurait entendu, le peuple des manifestants, lui rappeler, en toile de fond des heurts, qu’il est farouchement opposé au troisième mandat.

Tout ça pour une affaire de mandat. Le troisième mandat ! Certes le président reste encore flou et ne s’est pas encore prononcé clairement sur son désir de briguer un troisième mandat, mais son camp et ses partisans posent chaque jour les jalons d’une possible candidature. Seulement, une candidature sans Ousmane Sonko serait beaucoup plus simple. Tout est affaire de mandat. Mandat d’arrêt, mandat de dépôt, mandat d’amener…pendant ce temps, personne ne parle du mandat agricole, pétrolier ou gazier. Le pays est à l’arrêt. L’emploi des jeunes, la santé, les accidents de la route, tous ces sujets sont en stand by.

Revenons aux gros bras, tout le monde se souvient des marrons du feu, garde rapprochée de l’Apr. Tout le monde se souvient de leurs présences, forts remarquées, lors de la tournée « économique » du président de la République dans le Nord.

On pensait révolu le temps des « Tontons Macoutes » du PS et des « Calots Bleus » du PDS, que sont arrivés les « marrons du feu » de l’APR. Sont-ils à l’origine des exactions perpétrées contre les manifestants. L’affirmer serait aller vite en besogne mais l’écarter tout bonnement aussi serait peut-être faire preuve de naïveté.

Le Chef de l’Etat a demandé l’ouverture d’une enquête. Rabâchage sommes-nous tentés de dire. Si enquête, il y a cette fois, elle devrait aller vite. Le numéro 9 donne des indices pour le moins probants. Certains commencent déjà à trembler. Ils ont bien raison, car la presse internationale commence à démonter la supercherie et Juan Branco, l’avocat français continue de rassembler des éléments que beaucoup d’observateurs qualifient d’accablants.

Des images analysées par Le Monde Afrique en partenariat avec La Maison Des Reporters et des conversations audio exclusives lèvent le voile sur l’organisation de ces hommes de main proches du pouvoir.

Tentant de se dédouaner, la majorité par la voix de son porte-parole Seydou Gueye a affirmé que ces gens lourdement armés et sous bonne escorte de la police, sont en réalité « des volontaires de l’APR » le parti présidentiel. Quid des vidéos de « nervis » ? Antoine Diome ministre de l’intérieur parle de « manipulation » et pour ce qui concerne l’accusation faite aux policiers de se servir de manifestant comme bouclier, le premier flic du pays invite l’opinion à s’interroger: et si les policiers protégeaient la jeune personne ?

Si on suit les différentes communications des autorités publiques depuis le début de cette affaire, on est passé de « policiers en civil », à « forces occultes » et maintenant aux « volontaires protecteurs de l’APR et de la République. » La famille d’El hadji Cissé, cet étudiant en géographie de 25 ans qui s’apprêtait à partir au Canada cet été pour ses études et qui a été abattu d’une balle dans le dos, appréciera.

Reed Brody, le célèbre juriste américain, spécialisé dans la défense des victimes des régimes dictatoriaux., pense que la justice doit faire son travail en toute légalité et impartialité.

« Il faudrait que les personnes soupçonnées d’avoir recouru illégalement à la force lors de la répression de manifestations ces derniers mois – ceux qui ont utilisé cette force et ceux qui ont donné des ordres – soient traduites en justice » a dit celui que l’on surnomme « le chasseur de dictateurs. »

En attendant, le Mandat 2 de Sembène, aurait montré, ces nervis ou ceddos dans le mauvais sens du terme, courir les féticheurs pour ne pas avoir à répondre de leurs actes odieux. Et les féticheurs, si menteurs et dépravés et corrompus, leur assurer une impunité totale. Ça ne serait pas un navet !

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