Suisse: Mixité, racisme et perfectionnisme

La douzaine de gamins du quartier qui jouaient au foot ici il y a 15 minutes encore, comptait approximativement trois latino-descendants, un Srilankais, au moins six afro-descendants, deux ou trois européens (Albanais ou Portugais), et à première vue aucun suisse pur jus. Et pourtant le racisme, les préjugés au faciès et les discriminations en tout genre, ne relèvent pas de l’anodin en Suisse, bien loin de là.

Un problème systémique, cultivé ou négligé c’est selon, qui persiste malgré les efforts publics superficiels sans résultats avérés. Au nez et à la barbe de mécanismes supranationaux dont les révisions périodiques et expertises ne sont guère prises au sérieux.

Le paysage institutionnel, variable selon les régions et les cantons, implémente à vue des interprétations à deux vitesses. Pas de scoop à ce niveau, puisque les droits des uns ne valent pas les droits des autres. Sans oublier l’opportunisme politique qui se sert de boucs-émissaires de fortune pour exister. Avant c’était les Italiens et les Espagnols, maintenant c’est les Africains.

Entre mixité et xénophobie, quelle étrange mixture, tempérée par une société civile diversifiée et dynamique. Parallèlement, un usage du monopole de la force légitime dont les proportions se claquent sur la tête du client. Une culture de la diversion et de l’omerta enrobée d’une volonté politique souvent lacunaire.

Et enfin, un arrière-goût irrépressible traditionnel de suprématie malodorante vis à vis de l’Autre. Une attitude que cherchent à compenser des forces antagonistes dispersées, qui prônent tant bien que mal la diversité culturelle et ses richesses humaines.

Disons que de vouloir à tout prix la perfection dans un monde largement imparfait, relève ici d’une arrogance dysfonctionnelle sur le plan humain, qui s’autorise un brutalisme bestial sur plus faible que soi dans le seul but de se garantir une victoire permanente.

Malgré une apparence d’État de droit digne de la plus belle sainte-nitouche, on dira que la Suisse n’est pas parfaite puisque la perfection n’existe pas. C’est de pavoiser en portant bien haut le refus d’assumer la nature universellement imparfaite de l’être humain, qui dérange. En particulier en ces temps de vélocité médiatique exponentielle, qui révèlent au fur du temps l’ampleur entrepreneuriale helvétique, qui s’inspire encore et toujours, sans vergogne, du légendaire et maléfique projet colonial.

Bref, on aura compris. La Suisse en vérité est loin d’être parfaite. Pour preuve, la mixité multicolore dans les quartiers des villes et dans les campagnes. Effrayant pour les perfectionnistes endurcis, surtout dangereux pour ceux qui vivent dans le superlatif ethno-culturel et qui sont naïvement et irrémédiablement attachés à la conviction de son immortalité.

Et si cette mixité constituait la nouvelle norme de la perfection sociétale, malgré un héritage troublé par les imperfections?

Ah mais non, la perfection n’existe pas! Faut juste assumer cette réalité – toujours relative – au lieu de vouloir insister et risquer de finir noyé dans l’indécence.

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D’origine britannique, Rebecca Tickle est d’abord une passionnée de l’histoire et du destin de l’Afrique. Elle baigne dans l’esprit du continent dès sa petite enfance à travers son père journaliste, qui sillonne l'Afrique dans le contexte de la Guerre froide. A l'issue d'une carrière d'infirmière diplômée bien remplie et l’achèvement d’une licence en sciences sociale et politiques, Rebecca Tickle travaille dans le domaine de la résolution de conflit et de la gestion de projet de médiation humanitaire. Elle s’engage ensuite comme chargée de communication puis comme secrétaire générale dès 2009 à la Fondation Moumié basée à Genève, structure œuvrant pour la réhabilitation de la mémoire coloniale tardive et postcoloniale de la résistance nationaliste au Cameroun et au-delà. Elle s'intéresse particulièrement aux maux qui rongent l'Afrique centrale et alimente sa réflexion à travers les dénominateurs communs caractérisant le continent. Portant une attention particulière aux rapports de pouvoir et d'influence depuis les indépendances, à travers entre autre la société civile et les médias, Rebecca Tickle se plonge dès qu’elle en a l’occasion dans cet univers qui lui tient tant à coeur, à travers la littérature, le cinéma africain et la condition humaine sur le continent. Une curiosité insatiable et une veille assidue des actualités depuis près de trois décennies, complétées par un Master en études africaines terminé en 2024 à l’Université de Genève, lui permettent de faire des analyses fortes et de participer sous diverses formes aux débats autour des questions brûlantes qui animent l'Afrique. Rebecca Tickle collabore avec la rédaction de Kirinapost depuis son lancement en 2016.

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