Rwanda, le seul génocide que la France aurait pu empêcher, et ce n’est pas ce qui a été fait…

La France « aurait pu arrêter le génocide » de 1994 au Rwanda « avec ses alliés occidentaux et africains », mais « n’en a pas eu la volonté », déclare le président de la République, Emmanuel Macron, à l’occasion des 30emes commémorations du génocide contre les Tutsi au Rwanda ce 7 avril 2024. Source: Guillaume Ancel écrivain et ancien officier français…son blog NepasSubir

Après 27 ans de déni, une commission d’historiens réunie à la demande du président Macron et présidée par Vincent Duclert a permis d’établir le rôle joué par la France dans le génocide contre les Tutsi au Rwanda.

Cette commission a confirmé que la France n’avait pas participé au génocide mais qu’elle était intervenue au Rwanda avec un aveuglement criminel et qu’elle avait apporté – sur ordre de l’Elysée – un soutien substantiel au gouvernement qui commettait ce crime contre l’humanité.

Concrètement, en faisant établir une zone « humanitaire sûre » par l’armée française lors de l’opération Turquoise, l’Elysée a fait protéger la fuite des génocidaires vers le Zaïre (devenu le Congo). Mais plus encore, l’Elysée a continué à faire livrer des armes dans les camps où les génocidaires s’étaient « réfugiés », alors même qu’en France le président François Mitterrand commémorait les massacres d’Ouradour-sur-Glane en déclamant un formidable « plus jamais ça ».

Plus jamais ça ?

Au Rwanda, les alliés de la France – ou plutôt de L’Elysée – commettaient quinze Ouradour-sur-Glane par jour, pendant 100 jours. Et ces nazis de l´Afrique des Grands lacs ont même pu continuer à ensanglanter – jusqu’à nos jours – toute une partie du Kivu, l’Est du Congo.

La commission Duclert a conclu à un « désastre français » et à une « responsabilité accablante » de l’Elysee de 1994. Si bien qu’en mai 2021, le président français est allé le reconnaître très officiellement dans un discours à Kigali, tournant ainsi la page de la plus dramatique intervention extérieure de la France au cours de la V° République.

Le seul génocide que la France aurait pu empêcher

En 2024, à l’occasion des 30emes commémorations du génocide contre les Tutsi au Rwanda, le président français va plus loin : il ajoute à la reconnaissance de ce désastre que c’est probablement le seul génocide que la France aurait pu empêcher, et ce n’est pas ce qu’elle a fait…

Cette nouvelle déclaration du président français sur le génocide contre les Tutsi au Rwanda (on ne dit pas génocide rwandais, pas plus que génocide allemand pour parler de la Shoah…), est destinée aux Français bien plus qu’aux Rwandais. Ces derniers ont en effet longuement et largement jugé des responsabilités directes dans la commission de ce crime contre l’humanité et ils n’attendent rien de nous sur cette question de responsabilité.

Une « responsabilité accablante » de l’Elysée

Le sujet évoqué ici n’est pas le génocide en lui-même, mais le rôle de la France. La commission Duclert avait rappelé qu’il n’appartenait pas aux historiens de juger de la responsabilité pénale et de la complicité éventuelle de certains dirigeants français.

Mais en reconnaissant que la responsabilité de l’Elysée était accablante, il appartient bien à notre société de demander des explications à ceux qui étaient « en responsabilité » : Pourquoi ne sont-ils pas intervenus pour stopper ce génocide, alors que la préparation et sa commission s’étaient faites sous leurs yeux et que les services de renseignement les avaient dûment alertés ? Pourquoi ont-ils envoyé l’armée française pour protéger la fuite des génocidaires ?

Il sera toujours possible d’argumenter l’aveuglement, le « brouillard » de la guerre malgré l’importance et la pertinence des informations qui leur remontaient à l’époque. Il est vrai que les soldats gouvernementaux que nous protégions au Rwanda se vantaient de leurs massacres et qu’il fallait être sacrément myope pour ne pas voir ce qui se déroulait sous nos yeux, comme les massacres de Bisesero commis par l’armée gouvernementale et la gendarmerie rwandaise pendant que nous traversions ces collines en détournant notre regard.

Quels sont les responsables de ce désastre français ?

Mais en termes de responsabilité, l’événement le plus compromettant pour le pouvoir français est probablement d’avoir continué à livrer des armes, pendant le génocide et même après. Un fait objectif, constitutif de « complicité de crime de génocide » s’il était reconnu par la justice.

La commission Duclert a démontré que toute cette opération était étroitement pilotée par l’Elysée. Il serait donc légitime – comme le tribunal de Paris m’a invité à le faire – d’interroger à ce sujet Hubert Védrine puisqu’il était le secrétaire général de l’Élysée à cette époque.

Extrait de la décision du tribunal de Justice de Paris, Védrine contre Ancel (16 mai 2022) :

« Guillaume ANCEL est tout aussi légitime, dans ce débat, d’évoquer la personne d’Hubert VÉDRINE au regard du rôle de secrétaire général occupé par celui-ci à l’époque, rôle lui conférant une proximité avec le Président de la République et les membres du gouvernement dont les décisions sont questionnées à travers les recherches effectuées […] » La Suite ICI

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