Les socialistes, les progressistes et le parti démocrate doivent tous faire pression sur la Fed pour qu’elle change la trajectoire de ses hausses de taux risquées – si ce n’est pour empêcher une souffrance généralisée, du moins pour sauver leur propre peau politique. Source : Jacobin Mag, Branko Marcetic, Les-Crises
De l’avis général, les choses s’améliorent pour les démocrates. Les prix de l’essence baissent, la cote de popularité du président est en hausse, la Maison-Blanche a quelques succès législatifs, et les excès de la droite en matière de droit à l’avortement ainsi que la possible mise en accusation de Donald Trump semblent avoir généré un véritable mouvement de rejet du GOP par les électeurs, juste à temps pour les élections de mi-mandat. Avec ce vent favorable, il semble que rien ne pourra arrêter l’élan du parti.
Rien, sauf une récession provoquée par la Fed
Ces dernières semaines, plusieurs gros bonnets de la Réserve fédérale ont clairement indiqué que la banque centrale américaine allait poursuivre sa stratégie controversée de relèvement des taux d’intérêt pour juguler l’inflation, au mépris des risques d’effondrement économique.
« Je peux vous assurer que mes collègues et moi-même sommes fortement engagés dans ce projet et nous allons continuer jusqu’à ce que le travail soit fait », a déclaré jeudi le président de la Fed, Jerome Powell, au groupe de réflexion libertaire Cato Institute. « Sur la base de ce que je sais aujourd’hui, je suis favorable à une augmentation significative lors de notre prochaine réunion […] pour amener le taux directeur à un niveau qui limite clairement la demande », a déclaré vendredi dernier Christopher Waller, l’un des gouverneurs de la Réserve fédérale. Quelques jours plus tôt, la vice-présidente de la Fed, Lael Brainard, avait déclaré à une réunion du secteur financier que « la politique monétaire devra être restrictive pendant un certain temps et que nous sommes là pour le temps nécessaire à la réduction de l’inflation ».
La conclusion est claire : cramponnez vos chapeaux, car la Réserve fédérale va continuer à resserrer sa politique monétaire dans un avenir prévisible, ce qui rendra les emprunts plus coûteux, réduira le nombre d’emplois vacants et donnera aux travailleurs moins de pouvoir pour négocier ou pour démissionner et rechercher de meilleures conditions de travail.
Bien entendu, les gouverneurs de la Fed affirment qu’ils peuvent le faire sans provoquer de récession, alors que c’est exactement ce qui s’est produit neuf des douze dernières fois où ils ont resserré leur politique monétaire depuis 1950. Tout en appelant à une « augmentation significative » des taux d’intérêt, Waller a affirmé que « les craintes d’une récession se sont « estompées et que le solide marché du travail américain nous donne la flexibilité nécessaire pour être agressifs. » Powell lui-même a affirmé très tôt que, même si cela serait « assez difficile, la forme solide de l’économie américaine signifiait qu’un atterrissage en douceur » était possible avec cette stratégie.
Pourtant, la Fed ne semble pas croire à ses propres arguments. À la fin du mois dernier, Powell a reconnu que sa stratégie serait « douloureuse pour les ménages et les entreprises ». Depuis lors, les analystes ont lu certains de ses commentaires les plus récents – selon lesquels la lutte contre l’inflation implique « une période prolongée de croissance inférieure à la tendance et un assouplissement des conditions du marché du travail », c’est-à-dire une hausse du chômage – comme s’il ne visait plus cet « atterrissage en douceur », mais plutôt une « réduction de la croissance », dans laquelle l’économie continue de croître, mais à un rythme dérisoire, et avec une augmentation des pertes d’emplois.
Plus important encore, comme l’a découvert hier Ken Klippenstein de l’Intercept, la Réserve fédérale elle-même a publié en juillet une étude peu remarquée qui met en doute les propos de ses propres dirigeants. L’étude portait sur l’effet du resserrement de la politique monétaire de la Fed après la fin de la Première Guerre mondiale, lorsque le pays vivait une période d’inflation similaire et que la Fed s’est lancée dans une stratégie identique pour y faire face : augmenter les taux pour miner un marché du travail fort et ainsi réduire la demande des consommateurs (puisque mettre les gens au chômage et leur enlever la possibilité de négocier de meilleurs salaires a tendance à conduire les gens à dépenser moins d’argent).
« Avec le resserrement de la politique monétaire, la demande de travail a rapidement chuté et l’économie est entrée dans une profonde récession, prévient le document. Nos résultats démontrent que la demande de travail a réagi fortement et rapidement au resserrement de la politique monétaire, à une vitesse qui peut dépasser les capacités des décideurs à suivre les conditions économiques actuelles. »
En d’autres termes, pensant pouvoir gérer l’économie en toute sécurité et l’amener à la stabilité en augmentant les taux d’intérêt, les choses ont rapidement et de manière imprévisible échappé aux mains de la Fed – et le résultat a été une grave récession économique. Malgré cela, cent ans plus tard et dans des conditions économiques très similaires, la Fed va à nouveau tenter la même chose, certaine que cette fois-ci, elle sera capable de gérer l’économie en toute sécurité et de la ramener à l’équilibre.
Il convient de rappeler à ce stade que Powell a déjà admis publiquement que cette approche n’allait rien faire contre les principaux moteurs de l’inflation, à savoir les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, qui sont affectés par les chocs de la chaîne d’approvisionnement liés aux pandémies et par la guerre de la Russie en Ukraine. Elle ne fera rien non plus contre un autre facteur important : les profits des entreprises.
Bien que certaines voix irresponsables aient qualifié de « théorie du complot » l’idée que les prix abusifs pratiqués par les entreprises jouent un rôle dans l’inflation, il est de plus en plus difficile de l’écarter. Dans des appels de résultats et des documents financiers, des dirigeants d’entreprise ont carrément admis avoir utilisé ces crises mondiales pour masquer des hausses de prix indues qui leur ont permis de réaliser des bénéfices plus importants. Il est difficile d’affirmer que les hausses de prix sont simplement dues au fait que les entreprises répercutent la hausse des coûts sur les consommateurs, alors que le ministère américain du commerce a constaté que les entreprises américaines ont enregistré l’année dernière leurs meilleurs bénéfices depuis 1950. La Suite ICI: https://www.les-crises.fr/remontee-des-taux
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