Pape Seck Serigne Dagana, vie et œuvre d’une légende

« Vie et œuvre d’une légende » est une série que propose El Mo pour rendre hommage aux grandes figures de la culture. Premier épisode :Pape Serigne Seck Dagana. Compositeur, interprète instrumentiste, il a marqué la scène musicale de façon extraordinaire. Le merveilleux chanteur qu’il était laisse un souvenir indélébile. 

Pape Seck naquit le Samedi 20 Juillet 1946 à Dagana (bourgade située à quelques dizaines de kms de Saint-Louis du Sénégal). Il passa son enfance à Saint-Louis où il fréquenta les lycées Faidherbe et Charles de Gaulle. Durant ce même passage, il fut initié à divers instruments de musique comme la flûte et le saxophone auprès de l’illustre Pape Samba Diop alias M’Ba. Il fera un passage chez Bamba Seck Walo et Adja Mbana Diop (l’interprète originale de Ndiadiane Ndiaye repris par le grand Youssou N’Dour) qui mettra en exergue ses origines « Walo-Walo ».

À l’âge de 18 ans, il déserta les bancs au profit de la musique après avoir obtenu son BFEM (Brevet de Fin d’Études Moyennes). En 1963, il intégra le Star Jazz de Saint-Louis où il retrouva son maître Pape Samba Diop « M’Ba » et cotôya de grands noms de la Chanson Sénégalaise comme Aminata Fall, Abou Sy, Ady Diop, Talla Diané, Dioury et Oumar Diop dit Barreaud.

À cette époque, les formations avaient tendance à fredonner les standards Blues, Salsa et Soul en Anglais et en Espagnol. À l’instar de feu Kounta Mame Cheikh de Thiès, Pape Seck décida de chanter en Wolof. Ainsi, il composa le morceau « Laax Bi » à la fin de l’année 1963 qui le propulsa au devant de la scène Sénégalaise.

En 1964, il monta sur Dakar où il intégra le mythique orchestre Star Band de Dakar de feu Ibra Kassé et cotôya Laba Sosseh, Dexter Johnson, Amara Touré, Sidath Ly et tant d’autres. De son passage au Star Band de Dakar, il sortit le morceau « Mathiaky » qu’il reprendra en 1976 au sein du Number One.

Après le départ de Laba Sosseh, Pape Seck s’imposa naturellement au sein du groupe. Aux côtés de José Ramos, Saliou Dièye « Pacheco », Lynx Tall, Maguette Ndiaye, Pape Djiby Bâ, Moustapha Ndiaye et Malick Ann, ils sortirent sur vinyle en 1971 le Volume 1 du Star Band de Dakar considéré comme étant le meilleur album du groupe.

Sur ce volume, on y retrouva les célèbres morceaux comme « Caramelo » et Thiély sans oublier « Chérie Coco » du jeune Pape Djiby Bâ (il n’avait que 14 ans à l’époque), « Ba’Mos Al Pa Monte », « Malaguena » et « Sene-Gambia » de Maguette Ndiaye.

Peu après le succès du Volume 1, Pape Seck quitta le Star Band pour entreprendre des recherches musicales qui le mèneront dans divers pays Africains comme la Côte d’Ivoire où il avait eu à y séjourner durant les années 60. Suite à ce départ, Kassé recrutera d’autres musiciens comme Yakhya Fall, Doudou Sow, Mar Seck aux côtés des Maguette Ndiaye et consorts. De ce recrutement, naîtra le Volume 2 qui contient de formidables morceaux comme « Malobe Samba », M’Bassa’, Gozando, « Thioro Baye Samba », « Khaleye Teye » (chanté par Balla Sidibé) et Simbonbon.

Le succés fut éphémère car ces mêmes musiciens, récemment recrutés par Kassé, le quittèrent et retrouvèrent Pape Seck. C’est ainsi que naquit en 1975 le Star Band Number One histoire d’affirmer leur suprématie sur la scène musicale Sénégalaise de l’époque. Il a fallu l’intervention du Président Léopold Sèdar Senghor pour que cette appellation soit simplement remplacée par le Star Number One.

Pape Seck demeura naturellement le chef d’orchestre du groupe et à ses côtés, on y retrouve: Maguette Ndiaye (voix), Doudou Sow (voix), Pape Djiby Bâ (voix), Lynx Tall (tumbas), Badara Diallo (timbales), Mansour Diagne, Thierno Kouyaté (sax), Aly Penda Ndoye (trombone) et Mamané Fall (tama).

Le Star Number One sortit deux excellents vinyles peu après sa formation: Maam Bamba et Jangaane (au lieu de Jangaake). Étant un expert de l’Afro-Cubain, Pape Seck s’initia au Mbalax avec la complicité de Doudou Sow et Yakhya Fall.

De cet essai, de majestueux morceaux virent le jour: « Liti-Liti » ou « Wadada Obligé », « Mathiaky » où il lanca ces mémorables piques à l’encontre d’Ibra Kassé: « Tal bou yalla taal sani sa mate geune fayko » et « Rew mi tolou na founga khamni kounou dieulleul yow perte ngua ».

La réplique viendra du jeune Youssou N’Dour qui chantera dans Thiély en 1977 lors de son passage au Star Band de Dakar : »Kou fi lapi lapi fignua diarr » et aussi « Sama thielly fegnena » la où Pape Seck disait « Sama thielly demmna ».

D’autres chefs d’oeuvres de Pape Seck au temps du Number One méritent aussi d’être mentionnés: « Yaye Boye », « Faran Tamba » (ces 2 mythiques chansons furent enregistrées au Studio Barclay de Paris faisant du Number One l’un des premiers orchestres Sénégalais à avoir enregistré les Voulmes 78 1 et 2 dans un studio de haut niveau) , « Yoro », « Kumba », « Ngomar » ou « Salla Nder », « Suma Dom Ji » etc.

Suite au départ de Pape Djiby Bâ pour le N’Gewel International de Dakar où il trouve le défunt Pape M’Boup, Mar Seck intégra le groupe et contribua à sa façon au phénoménal succès du Number One (« Diongoma », « Mory », « Kontar »).

Malheureusement, avec la percée du Mbalax de Youssou N’Dour et le recrutement de jeunes musiciens comme Mbaye Dièye Faye, Nicolas Menheim, Magatte « Boy Gris » Dieng (ces 3 rejoindront le Super Etoile de Dakar de Youssou N’Dour entre 1981 et 1982) Ismaela Ndiaye, le Number One ne résista pas longtemps à la concurrence imposée par le Super Diamono et le Super Etoile de Dakar et disparut de la scène peu après la sortie du Volume 4 Yeli Bana en 1983.

Entre temps, Pape Seck fut nommé Directeur de l’Orchestre National en 1983, ce qui entraîna son départ du Number One. Son rêve de faire le tour de l’Europe et des USA formulé en 1978 se réalisera au début des années 90 avec le concept Africando (Afrique et Andando qui signifie Unité en Français).

Initialement, Ibrahima Sylla avait prévu de faire 3 albums (Médoune Diallo, Nicolas Menheim et Pape Seck eurent chacun droit à 1 album) mais il finit par les regrouper en 1 seul CD. C’est ainsi qu’Africando (Volume 1) et Sabador (Volume 2) virent le jour. D’autres artistes comme feu Ronnie Baro furent ajoutés au line-up initial d’Africando.

Peu après la sortie de Sabador, Pape Seck tomba malade. Étant réputé bon vivant, il décéda le Jeudi 02 Fevrier 1995 des suites d’un cancer du foie. Il laissa derrière lui une veuve Isseu Niang (décédée en Février 2000) et 2 garçons et un public orphelin de sa voix de rossignol.

Youssou N’Dour salua sa mémoire et avoua être subjugué par sa technique vocale malgré sa voix rauque. Il mentionna aussi que Pape Serigne Seck Dagana fut une de ses influences musicales majeures.

Ce témoignage, à lui seul, est un digne hommage à un grand artiste qui a écrit sa partition dans l’histoire de la Musique Sénégalaise Moderne avant de partir prématurément dans la discrétion la plus totale.

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