Mort d’Alain Tourraine, sociologue de mouvements et du conflit

Alain Tourraine, le chercheur spécialiste de la condition ouvrière et des mobilisations est mort à Paris dans la nuit de jeudi 8 à vendredi 9 juin. Il avait 97 ans. Pendant plus de soixante ans, comme le rappelle le journal Libération, Il a tenté de décrypter les transformations d’un monde post-industriel où le «mouvement social» était selon lui le moteur de tout changement.

«Je dirais qu’il faut faire un choix, disait Alain Touraine au micro de France Culture, alors qu’il avait 93 ans. Ou vous voulez vivre votre vie, ou vous voulez comprendre la vie des autres, la vie d’une société. Il faut choisir, il faut se sacrifier.» Depuis les usines Renault, où il étudiait l’impact des évolutions techniques sur les conditions de travail des ouvriers à l’heure de la production de la 4 CV, au Chili où il a assisté à la chute d’Allende en 1973, en passant par la description de ce qu’il nommait les «nouveaux mouvements sociaux», Alain Touraine a tenté de décrypter l’évolution d’un monde et d’une société post-industriels dont il pressentait que ses contemporains ne les comprenaient plus.

Agrégé d’histoire, directeur d’études à l’EHESS, fondateur du Cadis (Centre d’analyse et d’intervention sociologique, 1981), où se sont formés François Dubet ou Michel Wieviorka, Touraine avait développé une méthode pour étudier les mouvements sociaux, «l’intervention sociologique», et publié plus d’une cinquantaine de livres parmi lesquels: « La Sociologie de l’action » ou le « Nouveau Siècle politique ».

Pour le sociologue Michel Wieviorka, Alain Touraine l’homme à «la pensée la plus juste», a au fil d’une riche carrière de chercheur, en France mais aussi très souvent à l’étranger, « aidé les gens à construire et à se construire ».

Alain Touraine, enfant de la débacle, s’est toujours penché sur le conflit.  « Moi, ce qui m’intéresse, ce que je tente de mettre au jour partout, c’est le conflit ». Touraine a d’abord travaillé sur la condition ouvrière, puis analysé ce qu’il appelait les «nouveaux mouvements sociaux» (étudiants, féministes ou encore anti-nucléaires). Il avait vu se profiler un nouveau monde, celui de la «société post-industrielle» comme il la nommait. Toutes ses recherches convergeaient vers un constat : la capacité des acteurs sociaux, des citoyens à agir et à porter la transformation sociale.

Né le 3 août 1925 à Hermanville-sur-mer (Calvados), dans une famille plutôt bourgeoise et conservatrice, Alain Touraine a grandi au milieu des livres. Son père, médecin et professeur de dermatologie, était abonné aux éditions originales de plusieurs grandes maisons, dont Gallimard et Grasset. « J’appartiens aux dernières générations élevées par la littérature, confiait-il. Mon éducation fut plus moraliste que politique. Pour moi, la politique, à l’époque, c’était L’Espoir, de Malraux [Gallimard, 1937]. »

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