Les Sénégalais, dans leur immense majorité, souffrent. Ils souffrent de conditions sociales et économiques extrêmement difficiles. Cette souffrance se traduit pour le plus grand nombre par des humeurs changeantes avec en toile de fond une irascibilité à fleur de peau. Quelqu’un l’a dit et à juste raison : certains déterminants sociaux (Ambiance familiale, atmosphère au bureau, travail, santé etc.) jouent un rôle important voire fondamental dans la vie mentale de l’individu.
Seulement, drapés dans leur dignité et leur légendaire « sutura » (discrétion ou pudeur), beaucoup de nos compatriotes ne laissent rien apparaître de leurs souffrances. Mais leurs faits et gestes de tous les jours trahissent leur désarroi. Et pour se convaincre de leur mal- vivre, il faut savoir les observer, les écouter au-delà des mots et savoir lire entre les lignes. Qui n’a pas entendu cette rengaine « Sikkim mo laka ndo », autrement dit tout le monde est logé à la même enseigne, côté difficultés matérielles et financières. Quelle belle antienne pour camper la réalité sociale de chez nous actuellement !
Certains esprits, prompts à la critique facile, peuvent objecter : « il exagère celui-là ! ». A ceux-là, je réponds : laissons parler les faits ! Car les chiffres brandis par certaines institutions, présentant un tableau assez idyllique de la situation économique nationale, cachent des situations fort embarrassantes. Les chiffrent ne disent pas tout. Le taux de violence, qui va crescendo, constitue l’indicateur le plus pertinent et le plus révélateur des dysfonctionnements qui existent dans la société.
Au fait, le Sénégalais ne rit plus ! Il ne rit plus parce qu’il ploie sous le poids de difficultés de tous ordres ; lesquelles finissent par embrumer son âme. Quand on est à la recherche de la dépense quotidienne, le cœur est-il à la fête pour se permettre une franche rigolade ? Quand on a du mal à se faire soigner et soigner ses enfants, est-on disposé à rire ? Quand, dans une société, la respectabilité à laquelle tout homme normal doit s’attendre, est fonction du portefeuille, y a-t-il alors de quoi faire la fête, de quoi rire ?
Autant de questions qui donnent une idée du mal-vivre qui prévaut dans notre société. Pour autant, faut-il se laisser aller à la mélancolie ou abreuver notre esprit d’images négatives à même de le fragiliser ? Non ! Le bonheur ne se trouve pas toujours dans l’abondance des biens matériels.
C’est quoi le rire ?
Ecoutons à ce sujet Epictète, le célèbre philosophe stoïcien du 1er siècle, cité dans l’ouvrage de Seyyed Mojtaba Moussavi LÂRI, intitulé Problèmes moraux et psychologiques : « Il faut apprendre aux hommes qu’ils ne trouveront pas le bonheur et la bonne fortune là où ils les cherchent aveuglément et à tâtons.
Le vrai bonheur n’est pas dans la force et le pouvoir. Ni Nemrod ni Euclyos n’étaient heureux, en dépit de leur puissance exceptionnelle. La félicité n’est pas dans la richesse et les biens incalculables. Crésus ne fut pas un homme heureux malgré tous ses trésors et ses coffres innombrables. Le bonheur ne saurait se concevoir dans le pouvoir et les prérogatives politiques : les consuls romains n’en goûtèrent point du fait de leur vaste puissance…Il faut chercher le vrai bonheur en soi et dans sa conscience. »
Ces mots estampillés Epictète le stoïcien et qui défient le temps, résonnent comme un hymne consacrant la suprématie de la conscience de l’homme sur toute chose. Avoir une conscience équilibrée, en parfaite harmonie avec les pulsions du cœur, permet à l’homme de se détacher des contingences matérielles pour s’arrimer aux valeurs et autres sentiments qui rendent la vie belle et prometteuse..
Certains ont dit du rire qu’il est la condition indispensable à une personnalité équilibrée et « la drogue miracle contre la dépression ». Et l’Encyclopédie britannique de nous dire à propos du rire : « On pourrait l’appeler un réflexe de luxe. Sa seule fonction semble être de relâcher la tension (…). Les éclats bruyants du rire paraissent destinés à libérer l’excès de tension par une sorte de gymnastique respiratoire.”
Le rire est un exercice qui peut vous sauver la vie
Et ce n’est pas tout : l’humour peut rendre supportable une situation apparemment désespérée. La preuve par ces faits rapportés par Sélection du Reader’s Digest de Novembre 1973. Le magazine relate une anecdote concernant le psychiatre Victor Frankl, déporté dans un camp de concentration nazi pendant la seconde guerre mondiale : « Affamés, épuisés, malades, les détenus de cet enfer de la déshumanisation cédaient de plus en plus nombreux au suicide.
Or Frankl, de par sa profession, savait à quel point l’humour peut être générateur d’énergie car il distrait l’homme, ne fût- ce qu’un instant, de l’horreur environnante. Son ami et lui se donnèrent donc pour règle d’inventer et de raconter tous les jours une histoire drôle, ayant trait, de préférence, à la vie qu’ils mèneraient après leur libération.”
En faisant cela, ils aidèrent leurs compagnons à supporter l’horrible vie d’un camp de concentration. » Tout cela montre que le rire est un exercice qui peut vous sauver la vie dans certaines situations malencontreuses. Mais attention, il y a RIRE et rire. Certains rires, de par leur manque de profondeur, n’apportent pas les bienfaits attendus d’un rire véritablement franc et sincère.
Concernant les différentes formes de rire, voilà ce que nous en dit l’Encyclopédie Universal Ilustrada (Encyclopédie Espagnole), P803, Vol51 : « “Quelle que soit la connaissance que l’on ait du cœur humain, on peut parfaitement faire la différence entre un rire innocent et un rire malicieux, entre celui d’une personne candide et celui d’une personne fourbe ; entre la tendresse du rire d’une mère et celle du rire d’un ami; entre le rire protecteur d’un homme important et le rire révérant d’un inférieur ; le rire sarcastique et narquois d’un moqueur et le rire attirant et plein de bonté d’un compagnon bienveillant ; le rire perplexe de celui qui a des sentiments partagés et le rire sincère et franc ; le rire forcé et affecté et le rire spontané et nature ».
Rire de soi
Comme on vient de le voir, il y a différents visages du rire, mais celui qui nous intéresse dans le cadre de cet article est le rire spontané et naturel. Celui-ci participe à l’équilibre moral et social de l’individu et, par-delà ce dernier, contribue à raffermir la cohésion sociale. Cette vérité fondamentale est ignorée par certaines personnes qui prennent la vie trop au sérieux. « Toujours trop sérieux n’est pas très sérieux » disait Hampaté BA. Se croyant sorties des cuisses de Jupiter, elles ne se donnent pas la peine de rire d’elles-mêmes ; de rire des autres ; de rire des petites choses de la vie.
Ce qui est dommage et pour eux et pour leur entourage. Ce que confirment ces propos du psychiatre Smiley Blanton : “J’ai rarement dû soigner quelqu’un qui a le sens du ridicule et jamais quiconque est réellement capable de rire de lui- même.” Savez- vous voir le côté humoristique de votre vie ? Quel est l’effet de l’humour sur la santé physique ? Le Dr James Walsh, dans son livre Le rire et la santé (en anglais), explique que le mouvement qui secoue le diaphragme au cours du rire agit sur les organes à la manière d’un exercice.
Le rire constitue un massage léger pour le cœur et il améliore la circulation. Il a également une action sur le foie et les intestins et aide à la digestion et à l’élimination des déchets. Compte tenu de cette donne, validée et attestée par la Science, quelles actions mettre en œuvre pour faire revenir le rire au cœur des gens stressés et angoissés par un avenir incertain sous bien des rapports ? Certaines télévisions et radios de la place font des efforts pour introduire dans leur programmation des émissions dont l’objectif est de faire se marrer les gens à se taper le ventre. Et c’est très bien !
J’aurais suggéré aussi aux responsables des structures médiatiques d’explorer d’autres voies nouvelles en rapport avec nos contes, proverbes et autres sentences. Ceux ci, remis au goût du jour, pourraient beaucoup apporter aux populations en termes didactiques mais aussi en amusements utiles pouvant servir d’exutoires aux angoisses et au stress. Dans cette optique toujours, il y a lieu aussi d’inciter les autres supports médiatiques (réseaux sociaux, journaux ou presse en ligne) à proposer à leurs lecteurs des rubriques qui leur permettent de s’évader d’un quotidien difficile et souvent traumatisant. Faites rire vos lecteurs, il y va de leur santé mentale et physique !
Suivons, à cet effet, le point de vue défendu par Henri Rubinstein, médecin spécialiste de l’exploration du système nerveux : « Depuis l’Antiquité, nous connaissons les bienfaits du rire…Dans les années 1970, ce journaliste atteint d’une maladie rhumatologique très douloureuse souffrait de plus en plus. Il décide un jour de quitter l’hôpital avec l’accord de son médecin, de louer une chambre d’hôtel et de visionner durant trois semaines des films comiques. Il n’arrête pas de rire…Il guérit ! Ses livres sur le pouvoir de guérison de l’individu ont eu un incroyable retentissement. Il est devenu professeur de médecine dans une université alors qu’il n’était pas médecin ! » C’est dire l’importance capitale du rire ! « Tout le monde éclata de rire… » Wangrin fit de même tout en disant : « Riez et rions ensemble car le rire est le meilleur thermomètre de la santé et du bonheur » Amadou Hampaté BA. Alors rions, rions encore et toujours. Rions franchement afin de nous doter d’une armature interne à même de faire face efficacement aux multiples tracas de l’existence. Surtout en ces temps de déprime généralisée !
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