Jean-Luc Mélenchon ne serait plus admis en République tandis que Marine Le Pen y serait intronisée en grande pompe ? Inacceptable et incroyablement dangereux, dénonce Roger Martelli. Mais l’absurdité du concert qui écarte La France insoumise du prétendu « arc républicain » ne peut pas être la justification du repli sur soi, fût-ce au nom de l’unité populaire. Source: Regards
Jean-Luc Mélenchon vient de publier un billet de blog cinglant, dans lequel il dénonce les manœuvres autour de « l’arc républicain ». Il a mille fois raison de critiquer l’usage de cette notion, qui légitime la banalisation du Rassemblement national, efface la droitisation accélérée des Républicains et fait de l’ordre autoritaire choisi par le pouvoir une base d’unité nationale possible. On peut et on doit s’élever avec lui contre l’amalgame inacceptable qui est fait entre les « extrêmes », ce qui permet de porter les coups contre La France insoumise et de rester discret sur le Rassemblement national, que l’on range de moins en moins du côté de l’extrême droite !
Mais Jean-Luc Mélenchon a tort, au nom de cette exclusion intolérable, de retourner l’opprobre pour englober, dans la dénonciation de l’arc républicain, tout ce qui n’est pas La France insoumise, gauche et droite rassemblées. En fait, il saisit l’occasion pour reprendre la théorie, qualifiée par Chantal Mouffe de « populisme de gauche », qui explique que la scène politique ne relève plus du conflit de la droite et de la gauche, qu’elle se réduit au face-à-face du « eux » et du « nous », du « peuple » et de la « caste ». La France, nous dit-il, est d’ores et déjà du côté des pays qui ont fait le choix de l’extrême droite : la Hongrie, la Pologne, l’Italie. La caste, « gôche » incluse, est rassemblée dans la détestation de LFI ? Le peuple n’a donc plus d’autre pôle de rassemblement que La France insoumise…
Dans les années 1930, le mouvement communiste a été tenté par ce repli qui, au nom de la « fascisation » de la démocratie, en déduisait que la vie politique se réduisait au dilemme « communisme ou fascisme » et que tout ce qui n’était pas le communisme, à droite comme à gauche, n’était que l’expression d’un bloc bourgeois aux abois (les socialistes eux-mêmes étaient alors traités de « social-fascistes »). Heureusement, cette phase d’isolement a été abandonnée en 1934 et le PCF a eu l’intelligence de passer de la ligne désastreuse du « classe contre classe » à celle du « front populaire ».
Rassembler le peuple, rassembler la gauche, promouvoir une gauche bien à gauche ; opposer aux projets de la droite et de l’extrême droite un projet de gauche (pas seulement un programme) et rassembler autour de lui, sans esprit d’exclusion : telles sont les seules manières d’éviter le pire. Toute autre voie peut donner l’impression de la clarté et d’une radicalité salutaire : elle risque de n’être en fait que la légitimation d’un isolement politique redoutable. C’est un trop beau cadeau à Marine Le Pen et à celles et ceux qui ont l’oeil fixé sur elle.
Le texte qui suit est extrait d’un livre à paraître à la fin de l’été. Il évoque les années de la désastreuse stratégie communiste de « classe contre classe », qui faillit coûter cher au communisme et à la démocratie. L’Histoire ne repasse jamais les plats. Mais, si elle ne donne pas de leçons, elle oblige à réfléchir. Peut-être à éviter de refaire inlassablement les mêmes erreurs…La Suite ICI
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