Lorsqu’on aime les mots, il faut toujours avoir l’oreille aux aguets. Là, en faisant le tour de l’actualité politique et en surfant sur les réseaux sociaux, toute la journée, les idées fusent certes, mais aussi les formules… et les mots… Pour les soupeser, analyser et parfois s’en gausser quand ils tournent au cliché, là, le second degré est de mise, même si sa mort semble se profiler à un proche horizon (nous en reparlerons bientôt…).Et ce qui caractérise le plus notre environnement social est le mot clivant…
Dans le jargon du marketing et de la communication où j’évolue, clivant, c’est le contraire de consensuel. Il indique ce qui coupe, ce qui divise. En politique, un clivage se caractérise par une division durable, parfois caricaturale, des attitudes, des opinions ou des comportements politiques établis sur un système d’intérêt, de valeurs ou d’idéaux propres à chaque sous-groupe. Sans être nécessairement valables empiriquement ou pertinents, les clivages politiques peuvent s’avérer utiles comme cadres de références théoriques.
Comme souvent quand un mot passe du sens propre au figuré, au fil du temps, « clivant » a élargi ses contours. Et ce qui le rend encore plus kafkaïen (un autre mot en bonne place pour décrire le contexte sociopolitique du moment), c’est sa capacité à rassembler des acteurs autour de clivages, oxymore fortement moqué par les mauvais esprits de mon genre…
L’incapacité à se décentrer par rapport à soi-même pour se placer au point de vue d’autrui est un obstacle majeur aux relations symétriques et réciproques. L’objectif n’est pas tant de prôner un déracinement par rapport à des valeurs et à des engagements personnels, individuels ou collectifs, que d’apprendre à objectiver son propre système de références afin de pouvoir admettre d’autres perspectives. Cette capacité à la décentration est une des conditions de la rencontre d’autrui et du gommage progressif des clivages par l’instauration d’un dialogue serein qui prône l’intérêt général. Plus difficile, contrairement à ce que l’on croit, n’est pas d’apprendre à voir l’autre mais d’apprendre à jeter sur soi ou sur son groupe un regard extérieur et distancié.
L’élargissement des nouveaux clivages en camps qui se font face…
Le fameux clivage pouvoiriste, neutre et patriotique qui définit tout la vie politique sénégalaise se résume-t-elle à cette faille originelle ?
Pourtant, c’est cela la politique : la recherche et l’élargissement de nouveaux clivages qui paraîtraient naturels. Ainsi, la thématique de l’immigration est-elle devenue de plus en plus clivante tout comme le maintien de l’ordre… quand on ne sait plus dans ce pays, qui en sont les préposés…
En résumé, c’est une atmosphère clivante et manichéenne qui a pris droit de cité dans le pays de Kocc et qui plombe tout débat serein dans ce pays.
Je vois au moins trois camps qui se font face… dans un dialogue de sourds autour d’idées clivantes menées par des personnages clivants…
C’est marteler que tous les interlocuteurs, non plus, n’ont pas la même attitude interprétative, et c’est peu dire qu’elle n’est pas la même, elle est le plus souvent conflictuelle.
Le prix du beurre ou de l’huile, etc., les uns en parlent de haut, ils ont les moyens. D’autres, même pauvres, possèdent le moyen cultivé d’en parler analytiquement, abstraitement, luxueusement ; ils recèlent ou dispensent une sorte de richesse. D’autres, enfin, parlent au ras de leurs petits moyens ; ils sont conduits à confondre dans le signe du prix les qualités ustensiles du beurre.
Des solidarités virtuelles se dessinent entre interlocuteurs mis en situation sociale d’énonciation, mais elles signalent dès leur annonce un conflit latent avec d’autres solidarités, avec des solidarités opposées, avec aussi des solidarités intermédiaires déchirées entre une allégeance à un pouvoir chancelant, l’opposition qui a des allures d’armée mexicaine et le partage…
L’alternative se situe entre partager ou s’opposer
Pour cliver, il faut quand même un minimum de tranchant. N’est pas clivant qui veut. Le vrai savoir-faire en politique est d’opérer de nouveaux clivages tout en recollant des morceaux clivés par les autres.
Avec un prince déchu qui se débat pour ne pas être conjugué au passé, l’alternative se situe entre partager ou s’opposer. Or, sous nos cieux, il n’y a aucune éthique dans le partage ! Et c’est seulement par le partage du pouvoir que le partage de la richesse pourra s’opérer.
La première tâche de l’éthique doit être d’organiser le partage du pouvoir au même échelon que l’économie. Point de posture revancharde qui débouche sur une dictature des exclus comme on prônait autrefois une dictature du prolétariat. Simplement, tout pouvoir doit être contrôlé par un autre pouvoir qui lui fait face.
La nouvelle éthique est une éthique de l’équilibre. Qu’elle débouche sur un projet politique n’est pas une dérive, mais une preuve de réalisme.
Solidariser oui, mais c’est une attitude chronophage !
Parler, oui mais utilement: dès que l’on franchit le seuil de sa demeure on tombe sur une question de politique publique, c’est-à-dire un problème de l’élu.
Bourrons-les de problèmes de politique publique jusqu’à ce qu’ils rendent gorge, car ce sont eux qui nous lient. Rien d’autre !
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