Bara Diouf • En 2005, 2006, des amis et frères ont pris les pirogues pour aller en Espagne. L’année dernière, le jour du Magal, des amis et frères ont pris les pirogues pour aller en Espagne. Il y a 2 semaines, des amis et frères ont pris les pirogues pour aller en Espagne. Je vous parle de personnes que je connais, avec qui j’ai partagé le même quartier, les même terrains de jeu, les même écoles primaires.
Et demain, le mois prochain, l’année prochaine, dans les années à venir, des amis et frères surtout les plus jeunes prendront les pirogues pour aller en Espagne.
Temps que la mer restera la frontière, entre l’offre de notre société à cette jeunesse et l’horizon de l’Europe, les jeunes vont partir. Ces jeunes qui partent, sont maçons, menuisiers, pêcheurs et sont de gros travailleurs mais cette société ne leur offre aucune perspective d’un avenir meilleur. Être obligé de vivre chez les parents, s’entasser dans de petites chambres et être obligé d’y élever ses propres enfants est une torture au quotidien.
Être obligé, de vivre moins bien que ses parents et n’avoir que la maladie et la pauvreté comme héritage à léguer à ses enfants est une torture au quotidien. Ne pas pouvoir faire face au minimum vital, sanitaire, subir le regard d’une société inquisitrice est une torture au quotidien.
Entre se résigner, subir cette torture du quotidien et prendre le risque de la pirogue, certains jeunes sautent le gué et affrontent les vagues surtout celles entre le Maroc et l’Espagne que les pêcheurs appellent Mbeuk mii.
Ces jeunes ne sont pas suicidaires, ils ne sont pas lâches, ils espèrent juste une vie meilleure. Et comme le disait un refoulé d’Espagne de 2007 : « Europe nexoul mais mo tané Sénégal. » (Europe ce n’est pas si bien que cela mais c’est mieux qu’ici). Ceux partis en 2005 ou 2006, ont pour la plupart une meilleure vie que leurs amis restés au pays. C’est la perception que ces derniers ont : c’est une réalité !
Temps que nos pays n’offrent pas une utopie d’une vie meilleure, les jeunes continueront de prendre les même chemins que nos ressources naturelles, que nos élites politiques, que nos célébrités culturelles et religieuses. Dans ce pays, tous les nantis malades partent en Europe et vous voulez demander aux jeunes de rester dans ce pays. Le constat est malheureux mais il est ce qu’il est : nous refusons de travailler, notre force jeune ira chercher le travail même au fond de l’océan.
Si vous pensez que ce sont des financements de 500 mille la solution, ou des formations de 6 mois, la solution pour arrêter l’hémorragie, continuez de rêver.
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