La plupart des cinéastes ont des fans qui pour leur écrasante majorité ne savent pas grand-chose d’eux, ne comprennent pas leur philosophie, ne sont pas familiers de leur Cinéma (si jamais ils en n’ont). Samba lui a des disciples qui mettent en pratique ce qu’ils ont appris de lui, près de lui.
Lorsque vers les années 2000 j’ai regardé « Lettre à Senghor », il ne m’en restait que des bribes. De temps en temps je me souvenais çà et là de bouts de conversations, d’une phrase d’un intervenant, de la brève apparition de Samba comme à son habitude dans ses films vers la fin, etc. J’avais du mal saisir le film dans son entièreté. Mais je me souvenais toujours, sans cesse, (comme une sangsue agrippée à mon cerveau), d’un des tous premiers plans du film. C’est un homme de haute taille, les yeux brillants, le sourire aux lèvres, de longs bras qui dessinent des arabesques dans l’espace qui accompagnent un propos tenu avec un lent débit.
Cet homme (Djibril Diop Mambety) disait en substance, « ka dëkk Yàlla, ka ko daan, mbër la, bu nu la waxee kaay wax ci mbër, da ngay wax la nga xam rekk yam ca – celui qui terrassé celui qui avait défié Dieu, devient un mystère. Si on est amené à faire un témoignage sur un mystère, il faut juste se limiter à ce dont on est sûr et certain. »
Quelques années après, j’ai connu Samba. Avec le temps nous sommes devenus des proches. Avant de connaitre Samba, j’ai lu des choses sur lui notamment des interviews. En lisant ses interviews je remarquais que Samba revenait toujours sur les comment du pourquoi. Samba se posait beaucoup de questions. A la limite on pouvait être amené à se dire qu’il n’avait aucune réponse, qu’il n’avait que des questions. Un jour il m’a dit « toutes les réponses sont dans les questions. »
Quand je suis devenu un proche de Samba, je côtoyais un homme doux, réfléchis. Samba n’aimait pas l’approximatif, il n’aimait pas la médiocrité. Il devenait alors clair à mes yeux que cet homme qui tenait à voir clair avant de poser le moindre acte devait probablement dire quelque chose derrière les propos somme toute énigmatique de Djibril.
Je lui demandais ce qu’il voulait dire par là ? « Djibril attirait mon attention sur la dimension de Senghor. Il savait que j’étais contre sa politique et son amour inconsidéré de la culture française et gréco-latine, mais cela ne devait pas m’empêchait de reconnaitre que Senghor n’était pas n’importe qui.
La négritude a largement influencé les gens du surréalisme, et aucun d’entre nous n’a le toupet de penser influencer les surréalistes. Donc je ne devais pas me laisser emporter par la passion. Je devrais apporter à Senghor une critique à la hauteur de sa dimension. »
Samba était un homme moralement et intellectuellement honnête. Le tonitruant cinéaste camerounais Jean Marie Téno, dit « chaque fois je rencontrais Samba, il me disait, surveille ta droite. » Une manière pour Samba de lui dire, mets plus de subtilité et moins de passion et de confrontation dans ta manière d’aborder les sujets de tes films. Samba était intellectuellement raffiné, et moralement juste, mais surtout humble. Trop humble même peut être, au point qu’à l’annonce de sa mort Manthia Diawara réalisateur et professeur de cinéma et de littérature à la Columbia Univercity dira : « Samba était anormalement silencieux. »
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