Hommage à Samba Félix Ndiaye : « Je filme les gens que j’aime » (Part I)

Dix ans déjà, que Samba Félix Ndiaye nous a quitté à l’âge de 63 ans

« Je filme les gens que j’aime » avait-il l’habitude de dire. Il avait une manière particulière de filmer les gens qu’il aime. Il a même « inventé » une manière de filmer les gens qu’il aime. Il les filmait toujours en contre plongée, la caméra posée au milieu du cadre. Cette manière de filmer fait des personnages de Samba des gens attachants. Samba nous les ‘’impose’’ par la sublimation. Il nous met nous spectateurs au-dessous de leur niveau, il leurs donne une position privilégiée qui facilite la réception de leur message. Samba procédait ainsi parce qu’il le tenait de sa grand-mère qu’il appelait sa philosophe préférée et qui disait-il, affirmait « on ne peut pas s’assoir sur la tête de celui qui vous parle. »

Alors Samba en toute humilité se mettait à un niveau en dessous de ceux qu’il filme, comme celui qui recueille. Cette manière de filmer a atteint son apothéose sans doute avec « Kemtiyu – Seex Anta joob » de Ousmane William Mbaye qui semble l’avoir définitivement adopté. Cette manière de filmer qu’on peut légitiment nommée maintenant « Plan Samba », a atteint son acmé avec Randy Weston dans le film de William Mbaye. Imaginez ce géant (au figuré comme au propre) au milieu du plan, qui surplombe l’écran, qui parle d’une voix grave, avec un lent débit, et qui joue des notes qui ne cesseront jamais tout au long du film de réjouir le public. Pendant que la musique de Randy suinte, on voit d’autres personnalités moins grandes par la taille, mais tout aussi gigantesques par l’esprit défiler à l’écran pour parler d’un des plus grands géants de l’Histoire africaine moderne Cheikh Anta Diop. Là git le suc et le succès du film Kemtiyu. A titre de comparaison et de raison, regardons : « Ngor l’esprit des lieux » de Samba Félix, l’imam interviewé est filmé exactement de la même manière que le jazzman dans Kemtiyu. Sinon il faut ajouter que l’autre pilier de la réussite du film tient de son montage qui n’a rien cédé au superflu, ni à la fioriture.

Un autre film qui a eu beaucoup de succès au Sénégal et ailleurs « Poissons africains, poissons d’or », de Thomas Grand et Moussa Diop a beaucoup fonctionné avec une autre manière de filmer propre à Samba. La caméra se pose sur un endroit, ou sur un objet pendant un laps de temps plus au moins court; comme si Samba voulait amener le public au calme intérieur qui était le sien, comme s’il voulait l’amener à s’apaiser avant que ne démarre un panoramique qui va l’amener vers ce qu’il veut réellement lui montrer.

Dans « Yoole » de Moussa Sene Absa on voit l’auteur partir tout au long du film à la traque du Président Abdoulaye Wade qu’il tient comme seul et unique responsable de la tragédie que vit le peuple sénégalais à travers l’immigration des jeunes qui meurent par centaines dans l’océan. Moussa fait presque exactement comme Samba dans « Questions à la terre natale »…

 

 

Crédit-Photo: Damel Dieng (sur negrosgeniais.blogspot.com)

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