La sortie nauséabonde du spin doctor, communicant étoilé du PR doit alerter plus d’un. Les postures de psychose paranoïaque et de manichéisme exacerbée fortement assumées par la communication politique qui nous sont servies du haut de la station présidentielle sont aujourd’hui inaptes à accompagner l’exercice du pouvoir.
La communication du palais, depuis plus 3 ans s’est avérée incapable, jusqu’à présent et notamment dans des situations de crise profonde, d’aider les gouvernants à maintenir ou rétablir une relation avec les citoyens. Pour expliquer le présent et envisager l’avenir avec eux. Comment est-on arrivé à cette situation dramatique ? La communication politique sur le plan national est beaucoup trop événementielle, polémique et à courte vue.
C’est d’abord par la confusion regrettable entre la facilité d’une séduction immédiate, qui conduit à abuser de la personnalisation, et l’engagement durable d’une conviction. Ce registre-ci implique à la fois des relations de confiance, des explications permanentes, des discussions approfondies, qui sont souvent difficiles devant l’impatience des médias.
Une indépendance instrumentale de la communication vis-à-vis de la politique.
Cette communication est devenue un monde en soi. Elle a pris une autonomie à l’égard de la politique et lui impose des règles exogènes. Elle en vient à proclamer une aptitude à traiter de tout… et à sa manière.
Elle s’avère inopérante dans la réalité de la société. Terminé le rôle modeste, d’être un soutien, proche et loyal, nécessaire aux relations interpersonnelles, comme aux relations publiques. Un exercice toxique qui régurgite, dans des sucs mitonnés à l’avance, les intentions et les propos des émetteurs responsables. Elle use de la fausse raison d’État… Est oubliée la vocation de la communication, d’être la contrepartie de la réflexion et de l’action. À l’instar de la monnaie, qui cherche la confiance pour être la contrepartie de l’économie, hormis – certes ! – les tentations et les dérapages de la spéculation…
La communication a en effet pris une indépendance instrumentale vis-à-vis des domaines du savoir, de toute activité humaine et bien sûr de la politique.
Son efficacité, méthodique et technique, s’est imposée par l’utilisation des supports d’information, par la simplicité de la formulation des messages, par la captation et l’élaboration des images, par l’analyse des opinions, par les formes abrégées de pseudo-débats publics. Elle n’hésite pas à privilégier la forme sur le fond. Elle fait de ses moyens une fin en soi. Une forme peu patiente, ni de la résolution des contradictions de la société, ni de la subtile construction des intérêts collectifs.
Situation des plus délétères cauteleusement nourrie par des va-t-en -guerre du pouvoir qui se retrouvent soudain dans une situation nouvelle qui remet donc en question leurs individualités, leurs compétences, leurs rôles et leurs systèmes de valeurs. Cette rupture dans leurs certitudes arrogantes, reçue comme une menace, provoque l’apparition de forces contraires au changement, usant de l’invective et de l’opprobre quand le temps est à la cohésion retrouvée.
La résistance au changement est une réaction normale, légitime d’un système qui tente de se maintenir à tout prix. Les acteurs luttent pour rester et les pratiques demeurent. De même, les systèmes de pouvoir en place sécrètent assez d’anticorps pour atténuer, voire anéantir, toute tentative de remise à plat. Hélas, le vent du changement s’est inexorablement levé et tous les réfractaires au renouveau démocratique devront se contraindre à la réalité et redescendre de leur nuage de condescendance.
Une communication institutionnelle qui prône l’intérêt général
Le spectre du chaos plane toujours sur nos têtes. Il nous faut donc retrouver le sens de la politique et du vivre ensemble… Ce à quoi devrait travailler une communication institutionnelle vertueuse qui prône l’intérêt général.
L’intérêt général ne se décrète pas, il se recherche. Il surgit au détour d’un long travail de délibération et de représentation, qui permet au plus grand nombre de comprendre de quoi et comment il se compose.
Travail de composition et non d’imposition. L’intérêt général n’est jamais un donné, il est un fruit qu’on cueille au terme d’une longue germination que de nombreux jardiniers ont su accompagner. Dans une telle acception, la démocratie retrouve son sens originel que traduit le vieil adage : « «Ce qui concerne tout le monde doit être discuté par tout le monde. » C’est d’autant plus vrai que nous vivons dans des sociétés où le niveau d’éducation connaît des avancées, où les sources d’information sont riches et multiples, où la capacité technique à travailler en réseau avec les nouveaux systèmes d’information est à proprement parler révolutionnaire.
L’heure est au soft power
Une communication d’État devra choisir entre les postures de surf émotionnel et de labour de conviction. Pour que le discours politique du pouvoir retrouve une légitimité, il doit abandonner les travers mortifères de la com’ et réintégrer la complexité du réel.
L’intelligence suppose une certaine capacité à faire du sens avec du désordre, ou de l’ordre avec de l’incertitude. Elle inclut de savoir s’adapter, de tirer le meilleur du ˝hasard˝, de discerner, de voir des similitudes (ou au contraire des différences) là où elles ne sautent pas aux yeux, d’inventer des relations entre des éléments, de faire du nouveau avec de l’ancien et de toujours prendre en compte l’intérêt de la nation.
L’heure est donc au travail d’influence, au soft power (comme le disent les stratèges américains) plutôt qu’au commandement souverain : « «Le pouvoir naît quand les hommes travaillent ensemble et s’évanouit quand ils se dispersent. » Ce jugement de Hannah Arendt est plus vrai que jamais.
En suscitant le débat avec les citoyens, cette démarche participera du changement indispensable du statut du politique. C’est cet appel nécessaire à la raison des citoyens qui devrait toujours être au centre de la communication politique. Tel est le sens de la démocratie.
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