Halte au manichéisme !

Au Sénégal, il y a deux groupes. Ceux qui veulent que les mosquées ferment avec des raisons valables le temps de la crise tout en traitant les autres de radicaux. Il y a ceux qui veulent, à juste titre, implorer le Seigneur à la mosquée, surtout le temps de la crise, tout en traitant les autres de mécréants. Entre les deux, une troisième voie est à trouver. Le coronavirus est un formidable révélateur des fragilités de notre société. Au delà des questions liées à la faiblesse du plateau médical, la fracture qui semble se créer chaque jour un peu plus dans la société, le tout sous fond d’une déliquescence de l’Etat, est à interroger. 

Cela peut paraitre difficile et complexe, mais il faut oser cette complexité si on croit encore avoir un avenir commun et une certaine originalité dans notre identité. C’est là qu’est le chantier. Nulle part ailleurs. Cette originalité, qui a permis à un chrétien d’avoir été pendant 20 ans, Président de la République d’un pays constitué à 95% de musulmans. Et lorsque l’on demanda à un des grands chefs religieux de l’époque pourquoi était-il soutien de Senghor le chrétien à la députation et non Lamine Gueye le musulman, il eu cette formidable réplique: « On ne me demande pas d’élire un imam ». C’est à la fois plein de sagesse et plein d’intelligence. Bien des années plus tard, le monde se déchirait sur des questions religieuses… pendant ce temps, le musulman sénégalais n’avait qu’une seule hâte, que Pâques arrive…

Au regard de tout ceci, une 3eme voie est possible. Les sénégalais en sont capables. On voulait que Touba, Leona, Yoff, respecte l’interdiction des prières du vendredi ? Le Chef de l’Etat a t-il ce leadership ? Un leader le montre dans les périodes de crises. Feu Djibo Kâ (Qu’Allah le comble de ses grâces) en était un. Un vrai. Quand le President Abdoulaye Wade a octroyé au vénéré Serigne Saliou (Qu’Allah l’agrée), le ranch de Doli, Djibo Ka s’est rendu à Touba et a convaincu le guide religieux de ne pas accepter ce cadeau eu égard au fait que ces terres du Djoloff étaient importantes pour les éleveurs Peuls. Ce qui n’était pas évident au départ, Djibo Ka l’a rendu possible. Si le ranch porte son nom aujourd’hui, ce n’est que justice.

Si le Président actuel a ce leadership, il peut, accompagné des professeurs de Fann, de Serigne Mbaye Sy Mansour Khalife Général des Tidianes, de l’Archevêque de Dakar Benjamin Ndiaye et de Thierno Bachir Tall Khalife de la famille Omarienne, se rendre à Touba et harmoniser dans la cité sainte la stratégie de lutte. L’unité nationale en serait renforcée. Voilà un des exemples de cette 3eme voie. Et dans cette perspective, la suspension des prières du vendredi et même un confinement de la ville de Touba, gravement touchée par le virus, pourrait être envisagée. Un confinement, peut-être pas à l’italienne ou à la chinoise, mais un confinement qui prenne en compte les réalités socio-culturelles. Dans la même foulée, il est même interessant de se demander pourquoi les pays africains sont si frileux à examiner le passé et voir comment leurs aïeuls et leurs sociétés s’organisaient et faisaient face aux épidémies ? Tout ne serait pas jeté…au contraire ! Un pays de dialogue peut briser des montagnes. Surtout quand il cultive la sérénité en toute circonstance.

Malheureusement ce qu’on a aujourd’hui, c’est deux camps qui s’affrontent et qui s’accusent de tous les noms. Toutefois, rien n’est perdu, si la 3eme voie entre en jeu. Il passera par l’émergence d’hommes d’Etats ancrés dans leurs valeurs culturelles et qui pensent d’abord: bonheur des populations. « Pour faire de la politique, il faut aimer les gens » dit l’écrivain Almamy Wane.

Quand le 29 février 1960, un séisme de 15 secondes et d’une magnitude de 5,7 fait 15.000 morts à Agadir au Maroc, le roi Mohamed V aura des mots forts montrant que finalement les difficultés peuvent et doivent être des moments de sursaut.

« La parole est incapable de décrire cette calamité. L’heure n’est pas au discours, car ceux que Dieu a sauvés attendent de nous des actes de solidarité, mais non point des pleurs et des paroles. C’est la nation toute entière qui est en deuil et c’est elle qui reconstruira la ville.  Avec ce séisme et cette destruction de la cité, le Seigneur nous invite à en construire une plus belle. La reconstruction d’Agadir sera l’oeuvre de notre volonté et de notre foi » dira le Souverain. Aujourd’hui, Agadir est une des plus belles villes du royaume chérifien.

Les pays africains doivent tirer les leçons de cette pandémie mondiale. Il est temps pour eux d’arrêter les dépenses de prestige et penser à l’accès à la santé des populations. Construire un hôpital, un château d’eau, une école, ce n’est pas une dépense, c’est un investissement.

En attendant d’y arriver, soyons unis et solidaires pour bouter le coronavirus hors du pays et de l’humanité. Respectons les règles édictées par le ministère de la Santé et l’Organisation Mondiale de la Santé.

 

 

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