Débattre sans se battre ni se débattre: un chantier à entreprendre

Khady Gadiaga • Débattre sans animosité, belle utopie sous nos cieux qui permet de croire que de manière civilisée, des représentants du pouvoir et de l’opposition pourront expliquer et démontrer la pertinence de leur action, nourrir la réflexion sur ce qui fait avancer durablement notre pays!

Mais qui décide qu’il y a débat ? Qui fixe les règles du débat national ?  C’est encore et toujours le président autour d’interminables dialogues politiques dont le modus operandi est souvent biaisé par des calculs politiciens et autres basses manœuvres indignes du jeu démocratique.  À l’assemblée du peuple, des lois opaques qui impactent fortement la vie des sénégalais sont votées de manière expéditive par une majorité mécanique renforcée par une certaine opposition aux ordres sans débat consistant. Ce qui explique peut-être que l’idée ne soulève pas tant d’enthousiasme que cela. Un débat est confié à la surveillance d’un modérateur, ou d’un médiateur ( ABC aurait été dans son rôle de prédilection,  paix à son âme).

Au Sénégal, fait révélateur, on parle de piloter, comme si le débat était une voiture de course engagée sur une route glissante. On choisit comme d’habitude des experts du dialogue ou des associations révélatrices du grand malaise pour dialoguer du déminage des esprits en surchauffe.

Le grand débat serait-il une matière explosive ? Craint-on que le débat cède le pas au grand déballage, à la grande braderie de la parole, ce qui serait normal, me dira-t-on, en période de solde…

Revenons à cette violence ambiante, qui, dit-on, aurait envahi le peu de débat citoyen. On la retrouve encore dans notre verbe pronominal « se débattre ». C’est un suspect qui se débat pour échapper à la police. C’est le nageur qui se débat pour échapper à la noyade.  Le bât blesse partout, dans ce pays, tout semble être une insulte aux valeurs de paix, de tolérance et d’humanité. Les sénégalais sont englués dans « une mare à boue » politicienne qui emprisonne leur énergie pour se débattre et au-delà, se battre contre la médiocratie devenue valeur refuge.

Nos personnels politiques ont fini de rendre tout le monde parano, voire schizo.

Le baragouin complaisant des secteurs médiatiques dispensateurs de contenus quasi théâtraux vient doper la confusion générale qui prend ses aises et règne en maître. Les médias infiltrés de toutes parts par des snipers et autres affairistes manquent à leur devoir d’information et d’éveil des consciences. Le journalisme de nos jours se réduit alors à une chasse au sensationnel. Ce faisant, les journalistes sapent eux-mêmes les fondements de leur statut de « quatrième pouvoir ».

C’est même la vocation des logorrhées à consonances faussement scientifiques ou rationnelles qui se déversent, se diffusent à flot dans la sphère médiatique, la médiasphère agressivement marchande qui vend des objets manufacturés et qui promeut des politiciens proposant à un peuple désemparé, en mal de sens et d’espoirs un messianisme politique naturellement  blasphématoire.

Un grand débat ou ndëpp national devient inévitable si on ne veut pas sombrer dans les abysses de l’horreur…   Mais on doit se poser la question : est-ce que le Sénégal, et son grand corps malade veulent se débattre pour tenter de s’en sortir tant ils semblent anesthésiés contre toute forme d’indignation?

Autre question : Peut-on débattre sereinement quand on ne sait pas débattre?

La rhétorique est une science et sa pratique est un art. Afin de renforcer ces compétences, il convient d’offrir aux aspirants politiciens des possibilités ou des plates-formes pour débattre, de manière appropriée, des questions délicates ou « brûlantes » qui divisent les communautés, qui pèsent sur elles et favorisent les visions simplistes du monde et d’autrui.

En créant des espaces sûrs de dialogue constructif, où les apprenants engagent des discussions non conflictuelles sur des sujets controversés, ces derniers seront plus à même de comprendre  les problèmes complexes et à remettre en question leurs propres hypothèses et celles des autres. Ils pourront ainsi améliorer leur aptitude au dialogue respectueux, anticiper les réponses, maîtriser leurs émotions et contester les préjugés.

Il va sans dire que l’ensemble du fonctionnement d’une démocratie ne se résume pas seulement à la dynamique du débat public. En collaboration avec des acteurs reconnus pour leur expertise, les représentants politiques (les élus) et les membres de l’administration publique doivent souvent œuvrer à développer et à implanter différentes mesures (plans d’action, cadres de référence, etc.), sans pouvoir être en relation continue avec le débat public.

Soulignons toutefois que le débat public vient éclairer les questions soulevées et les décisions à prendre, particulièrement en ce qui concerne les enjeux liés  aux secteurs clés de gouvernance,  comme le système de santé et de services sociaux. Les décisions prises en tenant compte des discours et des arguments échangés dans l’espace public ont plus de chance de reposer sur une vision globale et sur la concertation de plusieurs acteurs, et ainsi de susciter une mobilisation sociale large.

Le débat public est essentiel à tout projet de société car facteur de dialogue constructif

Plus les enjeux en cause sont complexes, plus l’intérêt et les avantages de favoriser le débat public et la participation citoyenne sont grands : cela permet de faire face adéquatement à la variété des problèmes, à leur complexité croissante et à l’ampleur des transformations qu’ils peuvent requérir.

Le débat public est essentiel à tout projet de société car facteur de dialogue constructif et de dynamisation du vivre-ensemble. Toutefois, les seuls à ne pas mériter de débattre, ce sont les casseurs de ressorts sociaux, les pilleurs de la république, les violeurs constitutionnels et les violents, ethnicistes et torpilleurs de la paix civile.

Et même si des ministres, députés et autres élus locaux et directeurs nationaux rapaces et faussaires sont invités au débat, ce doit être dans la sérénité. Sinon, qu’ils restent chez eux, ils n’ont pas droit à la parole. Rappelons le, la dictature de la rue est loin d’être préférable à un Etat aussi scélérat qu’il soit.

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Khady Gadiaga est une communicante de profession. Elle a capitalisé 25 ans d'expérience professionnelle dans différentes entreprises où elle a respectivement occupé les postes de Product Manager, Directrice Commerciale et Marketing, notamment dans les secteurs de l'industrie médicale et textile en Europe et en Afrique. Ancienne directrice du marketing du Festival Mondial des Arts Nègres (FESMAN) de 2005 à 2010, elle a coordonné et orchestré le volet communication et marketing de ce grand rendez-vous culturel. Khady est passionnée de culture, des grandes idées et des mots, elle met sa plume au service des causes justes, parmi lesquelles, la paix et la concorde et la liberté. À ce titre, elle a été directrice de la rédaction, à Debbo Sénégal. Cette ancienne étudiante en Langues étrangères Appliquées à l'économie et au droit à University of Nice Sophia Antipolis, est aujourd'hui Directrice générale à Osmose (Agence de communication Globale) et depuis 2011, met en pratique sa riche expérience en qualité de Consultant expert Sénior en accompagnant les organisations du secteur privé, public et institutionnel en terme de conseils, de coaching et de suivi-évaluation de projets et programmes. Les chroniques de cette dame de aux centres d'intérêts éclectiques, sont désormais sur Kirinapost.

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