Pourquoi tout ce que les Israéliens pensent savoir sur l’Iran est faux

Pour Lior Sternfeld, historien de l’Iran moderne, les fantasmes israéliens de changement de régime ignorent les réalités de la République islamique et risquent de répéter des erreurs historiques. L’entretien a été réalisé le 20 juin 2025 par Orly Noy, du magazine Local Call (dont la version en anglais est +972), deux jours avant l’attaque des États-Unis contre l’Iran. Source: Article initialement publié le 20 juin 2025 sur +972 sous le titre « Why everything Israelis think they know about Iran is wrong ».Traduction de l’anglais par Alain Gresh Pour Orient XXI 

L’idée qu’une opposition iranienne va se saisir de l’attaque israélienne pour renverser le régime et libérer le pays de l’emprise des ayatollahs gagne du terrain dans le discours public israélien, comme on peut l’entendre dans presque tous les débats télévisés. Mais pour le professeur Lior Sternfeld, qui enseigne l’histoire moderne de l’Iran à l’université de Penn State, il s’agit là d’une véritable illusion fondée sur une perception israélienne erronée de l’importance politique de l’opposition iranienne en exil.

« En Israël, les voix amplifiées sont celles de Reza Pahlavi [le prince héritier iranien en exil] et de ses partisans — des personnes qui n’ont aucune crédibilité ou influence réelle en Iran », a-t-il déclaré lors d’une interview accordée au magazine Local Call. « Au cours des dix dernières années, beaucoup d’argent a été investi dans la construction de son image, et, soudain, on est passé de celle d’un fainéant d’une soixantaine d’années à celle d’un prince héritier ayant tout un royaume derrière lui. » « C’est une réalité qui n’existe que dans les “Tehrangeles” (surnom donné aux quartiers de Los Angeles où vit une importante communauté d’exilés iraniens) et dans les marges de l’administration américaine actuelle », a ajouté Sternfeld. « Et c’est le seul que les Israéliens entendent. »

Orly Noy.— La visite du prince héritier en Israël en avril 20231 — en tant qu’invité du ministère du renseignement, rien de moins — ne l’a pas vraiment fait paraître comme un patriote iranien.

Lior Sternfeld.— C’est tout à fait exact. J’ai tout de suite compris qu’il cherchait à obtenir le soutien d’Israël et des États-Unis, et non celui du peuple iranien. Dans ce contexte, il convient de mentionner la récente story publiée par sa femme sur le réseau social Instagram, où elle partageait des photographies de graffitis en anglais disant : « Frappe-les, Israël. Les Iraniens sont derrière toi ».

Le discours officiel israélien sur l’Iran a été résumé par [l’universitaire israélien de droite] Mordechai Kedar qui a affirmé que l’Iran était une fragile coalition de tribus prête à s’effondrer2 Mais toute personne ayant une connaissance même élémentaire de l’histoire iranienne sait que c’est un non-sens. Il existe des mouvements clandestins kurdes et baloutches, mais représentent-ils un sentiment plus large ? Absolument pas.

Ce type de vœux pieux est dominant au sein de la diaspora iranienne, qui est toujours hantée par la révolution de 1979. Tout comme l’idée que la révolution serait venue de l’extérieur sous la forme de Khomeiny [de retour d’exil], on imagine aujourd’hui que la contre-révolution arrivera de l’extérieur sous la forme de Pahlavi.

S’il y a sans aucun doute des gens en Iran qui sont heureux de voir les attaques israéliennes et les responsables du régime visé, en réalité, cette position n’a aucun ancrage dans la population. Il suffit de regarder les figures de l’opposition iranienne qui ont été torturées par le régime, qui ont été enfermées dans la prison d’Evin et qui s’expriment en disant : « Nous sommes contre cette agression, notre pays est sous attaque ». Ce sont des gens qui détestent les mollahs, mais pour l’instant, l’ennemi, c’est Israël.

Les gens disent : “Nous ne serons pas l’Irak”

En outre, il n’existe actuellement en Iran aucune opposition organisée capable de s’en prendre aux centres de pouvoir sans risquer de provoquer un chaos total — ce que les Iraniens souhaitent éviter à tout prix. Le régime dispose d’une base de soutien solide qui va bien au-delà de son appareil de sécurité.

L’attaque israélienne a réveillé les traumatismes politiques les plus profonds de l’Iran, à savoir les tentatives occidentales de renverser son régime. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu le nom de Mohamed Mossadegh3 mentionné dans les médias iraniens au cours des derniers jours. Il y a également eu des références régulières à l’invasion américaine de l’Irak en 2003. Les gens disent : « Nous ne serons pas l’Irak », un pays qui a sombré dans la guerre civile et qui a finalement donné naissance à l’Organisation de l’État islamique (OEI). Pour les Iraniens, il existe une sorte de hiérarchie des tragédies. Même s’ils pensent que la République islamique est mauvaise, c’est toujours mieux que l’OEI. La Suite ICI

 

 

 

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