10 ans après sa disparition, les hommages à la chanteuse se sont multipliés. Avec ceux qui l’ont connue, PAM se souvient de la diva et de l’empreinte que ses pieds nus ont laissée. Par Vladimir Cagnolari Pour Pan-african-music.
C’est sans aucun doute à cette petite dame qui en était une grande que le Cap-Vert doit d’être connu dans le monde entier, plus encore qu’à sa nombreuse diaspora. D’ailleurs, le pays ne s’y est pas trompé, qui a placardé son portrait sur les billets de 2000 escudos. Une magnifique revanche, non dénuée d’ironie, pour celle qui aura si souvent manqué d’argent, tout en le regardant de haut. Le jour de ses funérailles, 20 décembre 2011, le chanteur et ministre capverdien de la culture de l’époque, Mario Lucio, résumait : « le Cap-Vert a conquis le monde les pieds nus ». Et la victoire est encore plus belle quand on sait, comme son producteur José da Silva, ce que le symbole recouvrait :
« L’histoire de ne pas porter de chaussures vient de son enfance. Du temps des Portugais, on ne pouvait pas monter sur les trottoirs ou sur la place si on n’avait pas de chaussures, mais il fallait marcher sur la route. Du coup, elle a toujours tenu à marcher pieds nus, au point de se blesser… Au Gremio, le grand lieu de Mindelo où la haute société se retrouvait avec les Portugais lors de grandes fêtes, elle a un jour été invitée par des gens qui vouaient qu’elle mette des chaussures. Elle a dit OK, on lui en a acheté une paire : elle est entrée avec, et juste après l’entrée, elle les a enlevées et a chanté pieds nus. »
Une voix immense et oubliée
À la fin des années 80, José da Silva est loin de se douter qu’il deviendra celui qui fera connaître au monde cette « diva au pieds nus ». A l’époque, il est agent SNCF, passionné de musique et manageur du groupe Cabo Verde Show, et il est littéralement sidéré de l’entendre un jour de 1987 à Lisbonne, dans le restaurant du chanteur Bana. Il décide, sur un coup de tête, de l’inviter à Paris – avec le clarinettiste Luis Morais – pour organiser un concert : « Et là on est débordé, on a trop de monde, 800 personnes pour les 400 que la salle peut recevoir. Et je me rends compte qu’on a ramené quelqu’un que tout le monde adore et que tout le monde veut voir. Et c’est la même chose en Belgique, en Hollande… tout le monde veut la voir ! ». Oui, celui qui plaquera tout pour fonder son label – Lusafrica – et produire les disques de Cesária (et ceux de bien d’autres artistes par la suite) ne se rendait pas compte que la chanteuse hantait les mémoires, incarnait à ce point la douceur et la sodade de son archipel.
Un « oubli » qui n’a rien d’étonnant quand on sait que la diva s’était longtemps tue, cessant de chanter près de dix années durant, après que l’indépendance eut sonné. Elle le racontait dans le documentaire Morna Blues (réal Eric Mulet & Anaïs Prosaic) : « Les choses se sont dégradées avec l’indépendance en 75, j’ai arrêté de chanter, j’étais fatiguée de cette vie : trop de nuits blanches, je commençais à sentir le poids des années, il me semblait qu’l n’y avait pas d’avenir pour moi dans la chanson. J’ai donc arrêté. Ca a duré dix ans. Ma mère m’a emmenée au centre du rationalisme chrétien, mais je n’étais pas possédée, alors elle m’emmenait à l’église et je l’accompagnais pour lui faire plaisir ». La diva, abimée par la vie et déçue par les hommes, avait décidé de disparaître des radars. Elle s’était pourtant révélée, toute jeune, sur les ondes de radio Barlavento où elle enregistra, à 20 ans, ses toutes premières chansons (rééditées en 2008). La Suite ICI: PAM
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