Ce texte Cheikh Anta Diop, paru dans Taxaw le siècle dernier est d’une actualité criarde. Le grand penseur, visionnaire comme souvent, interpelle les cadres et intellectuels du continent et les met face à leurs responsabilités. ( Le titre est de kirrinapost)
La plus grande injustice peut être habillée d’une forme juridique parfaite […]. Tous les intellectuels, tous les patriotes doivent comprendre que le combat que nous menons en ce moment est le leur ; c’est le combat qu’il importe de mener avec ténacité pour que l’ère des menaces grotesques, de la crainte, de la peur sous ses formes variées, économique, physique, soit révolue. C’est le combat pour la vraie liberté individuelle, pour la dignité.
Si des Bokassa et des Idi Amin Dada ont pu exister en Afrique, c’est parce que des intellectuels et des cadres africains ont abdiqué leur responsabilité, ont préféré ronger des os, au lieu de s’occuper de l’essentiel, c’est-à-dire de la sauvegarde des droits imprescriptibles du citoyen, pensant que cela présentait moins de risques.
Les intellectuels, tous les citoyens lucides, doivent opposer une résistance morale à l’arbitraire. Ils doivent être disposés à payer de leur personne pour que les lois de circonstance cèdent la place à des lois justes.
Pour un régime impopulaire, il est trop tentant d’abuser de l’appareil répressif pour se protéger. On croit alors impressionner l’adversaire ; pure erreur. Seules, des lois justes qui imposent le respect moral par la sérénité de leur contenu pourraient nous impressionner.
Le régime nous combat par des lois sur mesure, ce qui est trop facile ; nous, nous voulons le vaincre d’abord dans les cœurs et les esprits ; nous voulons qu’il soit clair dans la conscience de chaque citoyen honnête que nous sommes dans notre bon droit, que nous avons raison contre le régime dans le débat qui nous oppose.
Un régime dont les assises morales sont pourries est un régime qui s’effondre.
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