Puisque le peuple a compris les enjeux, il faut le dissoudre

Barthelemy Dias a le droit de répondre à l’invitation au dialogue du Chef de l’Etat. Comme tout autre homme politique a le droit de décliner l’offre. En démocratie c’est le minimum. Les choix des acteurs politiques, leurs positionnements sont un droit et une nécessité. Sans cela on ne peut pas réellement parler de démocratie. Dés lors, la prudence doit commander notre action. Plusieurs scénarios au final sont possibles. Certains d’entre eux sont mêmes loufoques et hollywoodiens. Quel que soit l’alibi de tout ce tremblement, que les acteurs politiques n’oublient pas qu’on ne peut dissoudre le peuple et les dealers politiques perdront. 4 ou 5 personnes dans un bureau ne peuvent lui imposer un avenir. « La liberté n’est pas l’absence d’engagement, mais la capacité de choisir ». Coelho nous a avertis.

Au delà du fait que pouvoir et opposition doivent se rencontrer régulièrement pour échanger par exemple sur le processus électoral, il est toujours souhaitable que la majorité, en l’occurrence le chef de l’Etat, reçoive les leaders de l’opposition lorsque la situation nationale ou internationale l’exige. Le dialogue participe de la respiration démocratique. Ils ne doivent pas se comporter en ennemi mais plutôt en adversaire. Le respect mutuel est fondamental. D’autant plus qu’un chef d’Etat avisé doit toujours avoir à l’esprit que l’opposant en face de lui, peut demain, être son successeur par le truchement d’une l’alternance.

Le jeudi 15 novembre 2012, Karim Wade  fut convoqué à la section de recherches de la gendarmerie. Devant les grilles du bâtiment, Ousmane Ngom et Cheikh Tidiane Sy font parties des membres du PDS venus accompagner le fils Wade. Ils sont malmenés par les forces de l’ordre qui leurs interdirent l’accès et les enjoignirent de se tenir loin. La scène est terrifiante. Quelques mois auparavant, ils étaient encore tous puissants ministre de l’intérieur et Ministre de la justice, Garde des Sceaux. Quelques mois auparavant, les gendarmes auraient tremblé en voyant débarquer le chef de la police et le chef de la justice. L’alternance politique était passée par là et ils furent brutalisés (ce qui n’était pas normal), c’est dire simplement comment la roue peut tourner très vite.

Rencontres nocturnes, trahison, deal, ce n’est pas de la politique, ni de la realpolitik ; c’est la mafia. Lorsque Éric Besson en France, rédacteur du programme économique de Ségolène Royal a trahi et changé de camp à quelques jours du scrutin, il fut éjecté de la scène politique. Ici on appelle ça  »génie  ». L’exemple français qu’on évoque ici n’est pas fortuit tant l’ancienne colonie est au cœur des soubresauts que traverse le pays. L’avocat Juan Branco a parlé des émissaires de l’Elysée. Personne ne serait surpris si demain, on apprenait que Solferino* aussi joua sa partition sur le Dealogue. « Xalé ya gui jooy, mac yé len titël » a chanté l’autre.

Nous sommes en Francafrique et le système est résistant. Hyper résistant. Ces politiciens du passé et du passif – cela n’a rien à voir avec l’âge -, PS, AFP, PDS, Benno en général – ne conçoivent la politique que sous le prisme du deal et de la jouissance. Ils sont dans l’ombre et détestent la lumière. Tandis qu’en politique, il ne doit y avoir que des propositions, que des débats d’idées, que de la séduction, que des lignes de fractures…et le résultat du vote. En Mafia, il y a de la tortuosité et de la fourberie. Au Sénégal on en est pas loin. Ici, le pouvoir choisit même ses adversaires en mettant rapports des corps de contrôle et dossiers judiciaires sur la table. Barack Obama en tant que président sortant, c’est de notoriété publique, n’aimait pas trop le candidat Trump. Il a manœuvré pour que ce dernier ne lui succède pas à la Maison Blanche, mais seulement dans les limites du jeu démocratique. Il y des limites à ne pas franchir. Pour faire de la politique, il faut être un gentleman. Dans un autre contexte, l’écrivain Almamy Wane dirait « pour faire de la politique, il faut aimer les gens ». Vaste chantier et vaste programme !

Le peuple qui, au fond, devait se pencher à décortiquer le meilleur programme pour la gestion de son pétrole et de son gaz, les propositions des candidats pour l’éducation, la culture, la santé, la pêche, l’eau, l’environnement, la sécurité routière, les impôts, l’avenir des villes, est méprisé par certains acteurs. Alors que les enjeux sont là ! Que va-t-on faire de cette jeunesse qui ne cesse de croitre ? Abdourahmane Diouf propose t-il un bon projet pour l’agriculture ? Sonko a-t-il raison sur la souveraineté et le panafricanisme ? Boubacar Camara a-t-il la solution en ce qui concerne l’emploi et l’industrialisation ? Aminata Touré peut-elle apporter des reformes à notre justice ? Mary Tew Niane est-il le président idéal pour faire face à ce monde qui vient avec l’intelligence artificielle ? Khalifa Sall peut-il être le président qui va amener un meilleur aménagement du territoire ? Que préconise Bougane Gueye Dani pour une presse de qualité ?

Voici pêle-mêle des questions essentielles de notre époque, qui intéressent les citoyens et interpellent les futurs candidats et dont personne ne débat. Ceux qui parlent de dialogue, ne parlent pas de ces questions cruciales. Ils parlent de « validation et d’invalidation » de candidature uniquement. À dessein, le pays est orienté vers le puéril, le séddo, le détestable et l’abject. Et le peuple dans tout ça ? Il faut l’ignorer.

Pour atteindre leur objectif, ils installent au sein de ce peuple vaillant, lucide et qui comprend très bien les enjeux, la peur. Et puisque le peuple a compris les enjeux, il faut le dissoudre pour paraphraser Bertolt Brecht. Si rien n’est fait, le pays va devenir une jungle et la recherche du profit, le seul objectif qui vaille. Il faut trouver des moyens de l’arrêter car « aucune société ne peut réussir, en tout cas à long terme, si elle fait du profit son but principal » disait Ricardo Semler.

Comme le fait savoir le professeur Didier Raoult dans son dernier ouvrage, il y a deux sortes de hiérarchies dans le monde : celle fondée sur la compétence et celle fondée sur l’obéissance. La première conduit à la liberté et au progrès et la seconde à l’avilissement car elle est suiveuse et n’a jamais produit une idée originale. « Le monde ne récompense pas l’honnêteté et l’indépendance, il récompense l’obéissance et la servilité » alerte Chomsky. Le défi est donc de ne faut pas laisser le nombre de gens qui sont dans la hiérarchie d’obéissance, grossir au détriment de celle fondée sur la liberté

Le dialogue ou le dealogue, c’est selon… est un excellent moment pour montrer que le peuple veut être libre et veut choisir librement. Que le candidat soit voleur, contrebandier, adepte de l’eau de feu, partisan de Trump, fan de Rocco Siffredi, ou talibé de kukandé, c’est au peuple de choisir son Chef d’État. En attendant, nous vivons un temps de déconnexion. La bonne graine va se séparer de l’ivraie. Pour qui sait lire, les gens fondés dans la hiérarchie d’obéissance vont se regrouper et s’entredéchirer et ceux de la hiérarchie de compétence vont s’unir et entrer en compétition sainement comme dans une société humaine normale.

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