Le chanteur Rudy Gomis s’est éteint dans la nuit du 26 au 27 avril à Ziguinchor, à l’âge de 76 ans. Il était l’un des derniers membres fondateurs du mythique Orchestra Baobab de Dakar, et sa dernière grande voix historique.
Rodolphe Clément Gomis aka Rudy Gomis nous a quittés cette nuit, libéré de la maladie qui l’affectait ces dernières années. Avec lui, c’est l’un des tous derniers membres fondateurs de l’Orchestra Boabab qui disparaît. Car de la formation originelle, fondée en 1970, il ne reste désormais plus que le bassiste Charlie Ndiaye. Mais avec ses camarades d’antan, aujourd’hui disparus (Ndouga Dieng, Balla Sidibé, Attisso, tous disparus) il avait pris soin de former la relève, sous la direction de Thierno Kouyaté. Interviewé un an avant sa disparition, Rudy Gomis en citait chacun des membres, non sans fierté.
Au fond, on peut dire qu’il fut le déclencheur de l’aventure Baobab. Car c’est Rudy Gomis que vint voir Adrien Senghor, cousin du poète-président, lorsqu’il s’apprêtait à ouvrir le club Baobab destiné à la haute société sénégalaise. C’est au chanteur casamançais, qui avait fait ses premières armes au club Palladium, qu’il confia la mission de réunir l’orchestre dont le club Baobab avait besoin pour briller. Rudy s’en acquitta en débauchant ses camarades qui jouaient au club Miami, que lui même avait quitté quelque temps plus tôt en très mauvais termes avec le patron, Ibra Kassé.
Le guitariste et chef d’orchestre Atisso, le chanteur et timbaliste Balla Sidibé, et enfin Moussa Kane -batteur- le suivirent. De quoi constituer l’ossature de la formation qui allait illuminer le ciel sénégalais plus d’une décennie durant. Car à l’orée des années 80, il allait être dépassé par la vague mbalax sur laquelle Youssou Ndour surfait avec maestria. Sur PAM, l’écrivain Sylvain Prudhomme nous avait parlé de ce tournant, et du dernier live à la télévision sénégalaise avant longtemps :
Extrait de son texte :
Les temps changent, à toute allure. Les musiciens du Baobab appartiennent déjà au passé, et le savent. Et voilà qu’ils font cette folie : jouer justement leur chanson la plus mélancolique, celle qui les rattache le plus délibérément au passé. « Utrus Horas »,
« Autrefois », en créole. Elle a pourtant un titre bien à elle, cette chanson : « Lua Ka Ta Kema », « La lune ne brûle pas ». C’est l’une des plus célèbres du poète et chanteur bissau-guinéen José Carlos Schwarz, révolutionnaire de la première heure, persécuté par les Portugais qui l’ont condamné au pénitencier de Dju di Galinha, au large de Bissau. C’est une chanson de la guérilla, en créole, qui exhorte au courage sans jamais nommer jamais le colonisateur autrement qu’à travers la métaphore du soleil, opposé à la lune, le maquis.
« Autrefois j’avais envie d’être près du soleil / Mais près du soleil personne ne me connaît /C’est la lune qui est à nous /C’est la lune qui est à nous. »
Chanson splendide de fierté, que Rudy Gomis reprend avec gravité, sans un sourire pendant longtemps, comme ému par tout ce qu’elle charrie d’histoire. Jusqu’à ce tournant, à 1’54 », où les paroles en sont d’un coup traduites en wolof. Les accents du texte changent, son visage s’illumine, devient tout sourire, comme s’il jubilait de donner pour de bon la chanson à son peuple, riait de son audace, « sénégaliser » pareil monument.
On doit aussi à Rudy Gomis des chansons aussi célèbres que “Coumba”, “Tante Marie”, “Yen Say” et donc “Gatax”, sa version du “Lua ka ta kema” de Ze Carlos Shchwarz que la Baobab magnifia sous le nom de “Utrus Horas”. C’est cette dernière qu’il interpréta encore une fois en 2021, à l’invitation de Didier Awadi dans son émission Sargal.
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