Prince du Djoloff, ancien Député-Maire de Louga, Mansour Bouna Ndiaye est un des plus illustres fils du Sénégal. Fondateur du Musée d’histoire du Djoloff, il nous raconte ici comment lui est venue l’idée de ce projet éminemment symbolique.
Mansour Bouna Ndiaye. Pourquoi j’ai restauré Yang Yang, pour en faire un musée ? Quand les songes nous guident.
Sous les magistères des présidents Senghor, Diouf et Wade, l’État du Sénégal a pris de nombreux décrets fixant la liste des sites historiques classé patrimoine national. Mais, hélas, rien n’a été entrepris pour les restaurer.
Cependant, il faut reconnaître qu’avec le Président Abdou Diouf tout a été mis en œuvre pour matérialiser Dékheulé où Lat Dior N’goné Latyr Diop fut tué par les français, le 27 octobre 1886 avec 78 de ses guerriers et deux de ses fils Sakhéwar et Thiendella.
Le centenaire de la mort du Damel fut célébré avec Faste sous la présidence effective du président Diouf avec la construction d’un mémorial, d’un mausolée à l’endroit où repose Mame Mor Anta Saly, père du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba M’backé, fondateur du mouridisme et de la ville sainte de Touba.
Ce fut une grande réussite et aujourd’hui, les Sénégalais peuvent visiter le site situé entre le village de Darou Marnane et Mékhé.
En Avril 2000, alors que je me trouvais aux États-Unis d’Amérique, à Springfield dans le Maryland, chez mon fils Bouna, je fis un rêve étrange. Je vois mon père s’apprêtant à monter vers le ciel par de grands escaliers en marbre blanc, accompagné de trois personnes parmi lesquels, je reconnus son neveu Cheikh Ahmadou M’backé dit Gaïndé Fatma et un cousin, feu Assane Diop Pathé, ancien membre du conseil général du Sénégal.
Ils s’arrêtèrent devant moi et mon père m’interrogea en ces termes : » Lu tax rajo yi di wax i mbaax ak lan mooy tabax bi nu ma jëmmalee ci kërug xayte gu xare bi ? «
« pourquoi la radio chante les louanges et c’est quoi ce mannequin qui me représente au musée de l’Armée ? »
» Njaay, rajo baa ngi wax say jëf yu baax ci kaw suuf, ni tabax ba la jëmmal aki ndamu ciwil ak yoy sóobare ya mu ràngoo «
« Père, répondis-je, la radio chante vos bienfaits sur terre et tout comme le mannequin avec ses médailles civiles et militaires ».
Il me fit alors cette remarque : Joxal yëre bi ma sol ci kërug xayte gi sa doomi nijaay, Gaynde Faatma te nga xaar at ngir taxawal kërug xayte gu Yang Yang »
« donne le boubou que je porte au musée à ton cousin Gaïndé Fatma et attends un an avant de créer le musée de Yang Yang. »
Après ces recommandations, son compagnon Assane Diop Pathé me dit :
» Bul ci amug jaaxle, Seex Mbàkke ak man mii dinanu ci waxtaan ak moom ngir mu nangul la nga taxawal kërug xayte gu Yang yang ” « T’en fais pas, Cheikh M’backé et moi allons lui parler afin qu’il t’autorise à créer le musée de Yang Yang ».
Puis mon père se sépare de moi en me disant qu’il montait voir le gouverneur général pour me trouver des semences d’arachides pour les champs du Djolof.
De retour au Sénégal, je me rendis à Yang Yang, ancienne capitale de l’empire du grand Djolof où Cayorien, Baol Baol, Sine Sine, Saloum Saloum, N’diambour N’diambour et Walo Walo apportaient leurs impôts deux fois par an, le jour du nouvel an musulman, « Achoura ou Tamkharit » et le jour de la naissance du prophète Mouhamed (PSL).
Yang Yang sera ensuite la capitale du cercle de Linguère jusqu’en 1935, date du retrait volontaire de mon père du trône du Djolof pour ne plus se consacrer qu’à Dieu et laisser librement aux nouvelles autorités nommées, avec six chefs de canton de son choix.
sa résidence, construit en 1899, entourée en ces temps de vergers et de jardins, avec un étage et des colonnes de style grecque inspiré par un négociant français du nom de d’Oldani, soutenues par des fers à l’intérieur, résistera à l’usure du temps et aux intempéries.
A sept cent mètres de là, se trouvent le tata d’Alboury et sa mosquée aujourd’hui en ruines.
Le tata, fortification médiévale, avait été construit en 1875 et achevé en 1877 par six milles ouvrier du pays. Haut de la taille de trois hommes superposés avec une largeur de trois mètres, il servait d’abri pour les populations en cas d’attaques des ennemis. De forme ovale, le tata abritait, au centre, la case du roi entourée de celles de la mère et des épouses du roi. Deux cases distinctes étaient réservées, l’une au trésor du roi et l’autre aux armes, poudres etc…
À la mosquée du tata sont venus prier de grands saints de l’Ouest africain comme Mame Mor Anta Saly et son fils Cheikh Ahmadou Bamba M’backé, en 1882.
Le D’Amel Lat Dior Diop s’y réfugia en 1883. Le Damel Samba Yaya Fall aussi en 1885.
Cheikh Sadibou de Nimzat en Mauritanie. El Hadji Malick Sy, gendre d’Alboury par son mariage avec la Linguère Safiétou Aram Bonkho Niang et Aguibou Tall, frère du sultan Ahmadou Cheikhou Tall de Ségou qui décidera Alboury à joindre ses forces à celles de son frère et de leurs alliés au Soudan français, actuel Mali : Thieéba de Sikasso et Samory Touré de Ouassadou 1888.
Rentré au Sénégal, je reçois d’un ami un don du ciel de deux millions de francs CFA pour acheter des semences.
Et, deux mois après mon rêve, je me rendis à Yang Yang voir l’état de la résidence royale ou deux colonnes commençaient à s’effriter.
Sans avoir les moyens de restaurer totalement ce patrimoine classé, je pris sur moi la responsabilité d’appeler un maçon pour restaurer le rez-de-chaussée. il fallait vraiment être d’une grande endurance pour s’établir à Yang Yang.
En quinze jours, les deux collines et l’encadrement furent restaurés. Puis avec l’aide d’amis, je pus, en deux ans, restaurer l’étage, rétablir la toiture et repeindre et installer un musée du Djolof avec l’assistant technique de Monsieur Amadou Sèye N’diaye du ministère de la culture. Aujourd’hui, toutes mes réalisations au tata, à l’emplacement de la bataille de Guîlé du 6 juin 1886, ainsi que le musée, ont été classées patrimoine historique du Sénégal.
Source: Page officielle de Mansour Bouna Ndiaye- Personnalité publique
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