• Dr Pascal Oudiane : L’université sénégalaise, une institution socialement responsable en fossilisation avancée Part II
L’échec de l’université est la cause de la déscolarisation massive au Sénégal
La démotivation pour les études s’explique par la difficulté d’insertion professionnelle du diplômé. Etre diplômé représente une capitalisation d’un long parcours d’études, allant du primaire en passant par le secondaire pour aboutir au supérieur pour ne citer que l’université. Dans nos sociétés, le diplôme est la matérialisation d’une opportunité de travail à la suite d’un acquis légitimé en savoir et savoir-faire. Détenir ce fameux sésame sans trouver une activité rémunérée reste le pire cauchemar pour tout individu qui a eu le courage en dehors des impositions parentales de faire ce sacrifice. Malheureusement pour le Sénégal de nos jours, les diplômés- chômeurs se comptent à partir de mille. Si l’esprit scientifique se borne à les compter en cherchant à produire des statistiques, le commun des Sénégalais en donne un avis lapidaire, notamment « il y en a beaucoup ».
Une recherche non performative et non compétitive
Aujourd’hui, qui peut attribuer à l’université sénégalaise des découvertes conséquentes ? A force de citer de manière cyclique les professeurs Cheikh Anta Diop et Souleymane Mboup, on finit par s’inquiéter.
Si nos facultés et UFR (unité de formation et de recherche) prennent la recherche comme second attribut, nos instituts, pour ne citer que l’IFAN créé en 1936, qui persiste dans la recherche fondamentale et qui est devenu plus un musée qu’autre chose, peinent dans cette prérogative.
Où sont les revues de nos universités ? Une timidité inquiétante caractérise la publication des chercheurs. Le standard est devenu les revues des universités internationales. Si d’aucuns bombent le torse d’avoir réussi à se faire publier, d’autres sont au bord de l’essoufflement à force de chercher une publication. Je n’ose pas dire ici que beaucoup d’universitaires s’en moquent et n’en cherchent plus. Le mal est que nous avons oublié de valoriser ce que nous faisons par la création de revues et d’associations scientifiques pour permettre à nos chercheurs de s’exprimer et d’initier des axes de recherches stratégiques et novateurs. Et encore, nous faudrait-il un budget pour opérationnaliser cet ensemble précité.
Où sont les fonds de recherche ? De quelle pertinence encore relève ce fond appelé (FIRST) (Fonds d’Impulsion pour la Recherche Scientifique et Technique) qui attribue dans son registre de sélection un à deux millions aux chercheurs ? L’eldorado privilégié est toujours l’occident qui est perçu comme un sauveur des individus chercheurs qui vivent « du chacun pour soi » et « du Dieu pour tous » à la suite d’une absence de management à ce propos. Beaucoup d’universitaires ont déserté cette austérité pour s’infiltrer dans les grâces nourricières des plus forts, notamment les gouvernements et autres institutions. Il ne faudrait surtout pas se tromper, car ni le CODESRIA, ni le FIRST ne régleront le problème.
Le non-respect des délais de paiement des intervenants
Il faudrait être docteur de l’université pour enseigner en faculté ou en UFR. Mais ce principe est expressément biaisé, par conséquent peu observé. Le peu des docteurs appelés sont surexploités et sous-payés. Encore qu’il faudra faire traîner leur dossier avant de leur faire parvenir de piètres honoraires, durement acquis par une volonté de servir au mieux le savoir du pays. A ce niveau, j’ose penser que nos universités ne respectent pas le savoir dans l’objectivité de sa production. Tout le monde sait que nos institutions universitaires ont besoin d’enseignants. Mais il n’y a que dans l’administration de nos facultés, UFR et ACP (agence comptable payeur) que l’on arrive à jouer de malhonnêteté pour admettre un enseignant ou payer un service d’enseignement. Rares sont les vacataires qui se font établir un contrat. Nos universités devraient apprendre des écoles privées présentes sur le territoire national comment gérer une entreprise du secteur de la formation. Il y a un véritable déficit de gouvernance et de GRC (gestion relation client) dans l’administration universitaire du pays. Nous sommes en présence d’un amateurisme bien dissimulé.
Credit-photo: Banque Mondiale
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