Un petit Kebetu sur deux événements : un tragique et un pouvant prêter á sourire. Par un 22 mars au Sénégal.
Moustapha Lô & Patrice Lumumba
22 Mars 1967 : Attentat manqué contre le Président Léopold Sédar Senghor le jour de la Tabaski à la grande Mosquée de Dakar perpétré par le nommé Moustapha Lô.
(🇸🇳Les faits bruts sont connus, et le pays était sous le choc puisque, dans l’imaginaire populaire, Senghor était intouchable, mystiquement protégé, puissant. Tellement puissant que la communauté musulmane acceptait sa présence pour assister (mot plus juste que «présider», que j’avais employé il y a un an jour pour jour) aux prières de l’Aïd à la Grande Mosquée de Dakar!
Mais le Sénégal post-indépendance avait déjà connu un assassinat politique avec la mort du député-maire de Mbour, Demba Diop, assassiné le 3 février 1967 à Thiès. Son meurtrier fut exécuté le 11 avril 1967.
Jarbaat, ici je me focalise seulement sur le traitement iconographique de l’affaire Moustapha Lô, que je considère comme ayant été une puissante entreprise idéologique. Il y avait manifestement une volonté d’inscrire dans la conscience des Sénégalais et de l’opinion internationale que celui qui voulait tuer Senghor n’était qu’un vulgaire individu, un moins que rien.
La photo présentée de lui, avec ses cheveux hirsutes et ses yeux hagards, fera le tour du monde — exactement comme Patrice Lumumba, le nationaliste congolais, présenté dans la même posture par ses assassins (voir mon médiocre montage avec Lô en haut et Lumumba en bas).
La photo «officielle» sera diffusée dans @jeune_afrique avec cette légende avilissante, surtout quand on connaît le parcours de l’assassin du roi de France Henri IV : «Un Ravaillac raté». Et jusqu’en 2023 au moins, c’est encore cette photo que je voyais dans les médias sénégalais, en ligne ou pas !
En réalité, Senghor avait été très ébranlé. Même si, dans la voiture où il se trouvait avec son directeur de cabinet, pendant que ses gardes du corps maîtrisaient Moustapha Lô, il a simplement dit à Abdou Diouf : «Ce sont les risques du métier.» Il voulait sans doute imiter le général De Gaulle, qui avait calmement dit à sa femme « Ils tirent comme des cochons ! » alors que leur Citroën DS était criblée de balles lors de l’attentat de Petit-Clamart le 22 août 1962. (Tu es déjà monté dans une DS toi, jarbaat trentenaire ?)
En bon idéologue, Senghor voulait absolument écarter toute idée de désamour avec les Sénégalais, qui n’avaient certainement pas encore digéré la condamnation à vie de Mamadou Dia et de ses compagnons. Dans une lettre à un ami français citée par un de ses biographes, il minimisera même l’incident: «Mon agresseur est un fonctionnaire révoqué, donc aigri, donc facilement maniable entre les mains d’adversaires politiques. Je n’insisterai pas sur cet accident de parcours.»
Et pourtant ! Moustapha Lô était tout le contraire de cette description. Issu d’une famille d’érudits dont certains membres avaient fait le Jihad avec Mbaba Diakhou, il était lui-même un fin lettré en arabe, premier secrétaire à l’ambassade du Sénégal au Caire, cousin de Cheikh Tidiane Sy Al Maktoum, et époux d’une doomu Ndar de grande famille. Intelligent et équilibré. Tout le contraire de ce que Senghor, son parti et ses médias présentaient au monde dans ce qu’on appellerait aujourd’hui une campagne de désinformation.
Si les mobiles de sa tentative font encore débat, Moustapha Lô a plaidé «non coupable» au tribunal. Il affirmait ne pas avoir eu l’intention d’assassiner Senghor, tout en soulevant des problèmes liés à la politique du régime. Il sera condamné à mort le jeudi 15 juin 1967, après… deux jours de procès ! Plusieurs autres personnes seront également condamnées, car le tribunal spécial avait joint une autre affaire de complot remontant à 1965, découverte lors de l’enquête sur l’attentat. Ainsi, Moustapha Dramé, ancien chef de cabinet de Valdiodio Ndiaye (ancien ministre de l’Intérieur et détenu avec Mamadou Dia après les événements de décembre 1962), sera condamné aux travaux forcés à vie. La justice sénégalaise a toujours été très rapide quand il fallait satisfaire les désirs présidentiels. Cela a changé ?
Jarbaat nak, ce n’est pas parce que vous m’amenez de gros sukaaru koor (attention, ces mots datent de 2024!😂) que je vais continuer à fatiguer ma mémoire et mes doigts !
Regardez la vidéo de la tentative d’assassinat et écoutez aussi Serigne Cheikh, qui rapporte une conversation avec un proche de Senghor. Celui-ci aurait affirmé que Senghor ne voulait pas la mort de son cousin, mais qu’il aurait été poussé par d’autres — dont son interlocuteur — à ordonner son exécution.
Perso, je crois que Senghor voulait son exécution. Il a subi d’énormes pressions de ses amis et de tous les chefs religieux — musulmans et catholiques — pour le gracier, mais il refusera. Comme il refusera, à la même période, de libérer Mamadou Dia, dont il voyait (à tort) l’ombre derrière Moustapha Lô.
Sans doute voulait-il encore imiter De Gaulle, qui avait refusé de gracier le lieutenant-colonel Bastien-Thiry, chef du commando qui tenta de l’assassiner, bien qu’il ait gracié les autres. Bastien-Thiry fut le dernier fusillé en France le 11 mars 1963. Comme Moustapha Lô sera le dernier fusillé au Sénégal à l’aube du 29 juin 1967.
Qu’Allah renouvelle Son infinie Miséricorde et Son Pardon à Moustapha Lô et à toutes les personnes disparues qui, de près ou de loin, ont souffert des conséquences de cet épisode qui a failli changer brutalement le cours de l’histoire du Sénégal.
Évidemment, les jarbaat perspicaces auront remarqué que ce sont mes commentaires de 2024… légèrement revus.)
22 Mars 1455 : Départ de Saint-Vincent d’Alvise Cada Mosto, navigateur vénitien au service du Portugal, auteur du premier document européen dans lequel il est fait mention du mot SENEGAL
Alors apparemment, c’est lui — oui, LUI Alvise Cada Mosto — qui aurait posé la fameuse question qui a déterminé le nom de notre beau pays : «C’est où ça ?» ou, en version portugaise supposée : « Onde é que está? » Nos braves pêcheurs, sûrement les ancêtres de mes 4 Bargnoises préférées (Roxaya Njaay, Majigeen Seek, Ndeey Doom Cuuf, @mamendoye1 ), auraient compris de travers et répondu fièrement ou courroucés (j’y etais pas) : « Suñu gaal » (notre pirogue). Et bim, lui, avec ses portugaises (c’est le cas de le dire!) ensablées, il pense direct que le pays s’appelle « Sénégal ».
Franchement, la personne qui a pondu cette histoire mérite un prix pour l’imagination débordante. Un vrai scénariste de Netflix en manque de caféine (comme moi). Perso, je refuse catégoriquement cette version. « Dafay yomb torop » comme diraient mes jarbaat (c’est trop facile à avaler, quoi).
Cela dit… sérieusement, d’où vient vraiment le nom de notre pays? 🤔)
Note : A part mes commentaires très subjectifs entre deux parenthèses, vous pouvez accéder à toutes ces informations des milliers de site de l’Internet comme Sénégal Dates, Wikipedia, Senenews.
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