Dernière étape africaine pour une partie des migrants du continent souhaitant rejoindre l’Europe, Tanger abrite une importante communauté subsaharienne en transit. Une nationalité semble particulièrement présente : les Sénégalais. Il faut dire que cette route atlantique semble la plus évidente au départ du Sénégal.
L’ hypothèse est renforcée par l’actualité récente, largement documentée, qui a vu plusieurs pirogues sénégalaises s’échouer ou être interceptées le long des côtes marocaines, avant d’atteindre les Canaries, notamment à hauteur de Dakhla au cours de l’été 2023. S’ils sont moins visibles, sans doute pour des raisons démographiques, il est probable que les candidats mauritaniens à l’exil suivent le même itinéraire.
Dans les rues de la médina tangéroise, la majorité des subsahariens interrogés se disent sénégalais. Beaucoup se livrent à la mendicité, à la vente à la sauvette, ou à des activités douteuses. Il faut dire que la langue française peut servir de vecteur, lorsqu’elle est maîtrisée, entre des Sénégalais pour qui c’est une langue officielle et des Marocains pour qui c’est une langue seconde relativement répandue. Face aux échecs répétés pour atteindre l’Espagne, un certain nombre de migrants subsahariens sont d’ailleurs contraints de se sédentariser à Tanger, bien qu’il n’y ait « pas de travail ici », affirme l’un d’entre eux, et que les locaux ne soient pas particulièrement tendres, comme en témoigne un chauffeur de taxi se réjouissant de la politique marocaine répressive en matière d’immigration.
Pour se rapprocher d’un des points de départ clandestins régulièrement empruntés vers l’Espagne, il faut prendre la direction de la réserve du Cap Spartel, à quelques kilomètres à l’Ouest de Tanger, loin de la densité urbaine. Sur la route, aussi cossue soit-elle, apparaissent des silhouettes d’Africains subsahariens, « des Sénégalais » selon le chauffeur de taxi. À l’entrée de la réserve, une caserne militaire attire l’attention. L’un des gardes du parc rencontré plus tard confiera qu’il s’agit désormais d’une « zone militaire ». Quant à son rôle, il confirme que la lutte contre l’immigration clandestine constitue sa « mission principale », avant de demander une contrepartie financière à la poursuite de l’entretien. Cet épisode en dit long sur la façon dont peuvent se dérouler les opérations de ce côté de la Méditerranée.
Plus loin, un habitant rencontré indique des vêtements abandonnés sur le bas-côté, provenant une nouvelle fois des « Sénégalais », selon lui. Face au phénomène, les gardes et les militaires sont en contact permanent via talky-walkies et épaulés par de nombreux chiens. Sur le retour, une voiture officielle s’arrête brusquement à proximité, avant que trois hommes en descendent pour s’engager à toute vitesse dans le maquis. Cette intervention, dont nul ne connaîtra l’issue, sonne la fin de l’enquête. Contactée, l’Association des Ressortissants sénégalais Résidant au Maroc (ARSEREM) déclare qu’elle « ne connaît pas du tout les candidats à l’immigration clandestine venant du pays et ne cautionne nullement cette voie risquée et dangereuse. »
Par ailleurs,, l’association reconnaît porter « une assistance » et travailler « pour leur retour au pays », dès « qu’ils sont sur le terrain marocain, en collaboration avec le consulat général de Dakhla ». Éminemment politique, l’immigration clandestine par le détroit de Gibraltar a poursuivi sa baisse en 2022, année de normalisation des relations entre l’Espagne et le Maroc, après une crise diplomatique d’un an. Le pic des traversées illégales avait été atteint en 2018 avec 54 703 personnes secourues, selon les chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur.
En outre, au 15 octobre, le ministère notait une augmentation de 80% des arrivées aux îles Canaries par rapport à l’année précédente, principalement des Sénégalais et des Marocains selon Frontex, l’agence européenne de garde-côtes. En 2022, l’Union européenne a renégocié avec le Maroc un programme d’appui budgétaire en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, pour une dotation totale de 152 millions d’euros sur quatre ans. De son côté, le président sénégalais Macky Sall a ordonné mercredi 8 novembre à son gouvernement la mise en place de mesures d’urgence pour endiguer le flux croissant des départs.
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