L’université de Strasbourg va former un conseil scientifique pour étudier ces « restes humains » ramenés d’Afrique lors de la période impériale allemande. Cela fait suite à la demande d’une province de Tanzanie et d’une fondation de Namibie.
Lorsque l’Alsace était intégrée au Reich wilhelmien, plusieurs dizaines de « restes humains » ont été ramenés d’Afrique lors de la période impériale allemande (1871-1918). Conservés à l’université de Strasbourg, ces restes vont l’objet de demandes « d’inventaire » et de « restitution ». Une requête a été formulée par la province de Moshi, en Tanzanie, et concerne les tribus Wachagga tandis que l’autre a été adressée par la fondation namibienne « Ovambanderu Genocide Foundation » sur de possibles restes humains du génocide perpétré par les troupes impériales allemandes contre les Ovaherero et les Ovambanderu en 1904, a indiqué lors d’une conférence de presse Mathieu Schneider, vice-président de l’Unistra.
Les Allemands comptaient alors plusieurs colonies africaines, notamment au Cameroun, au Togo, en Tanzanie ou en Namibie, où ils furent notamment responsables du massacre d’au moins 60.000 Hereros entre 1904 et 1908, ce qui est considéré par de nombreux historiens comme le premier génocide du XXe siècle. « L’université de Strasbourg estime que, politiquement, il est de son devoir d’engager ce processus de restitution », « en toute transparence et avec l’information scientifique » nécessaire, a insisté Mathieu Schneider.
« Potentiellement une trentaine » de restes humains
La tâche du conseil scientifique, composé d’une dizaine de spécialistes de différentes disciplines (histoire, sociologie, droit, ethnologie, anatomie, etc.), sera notamment de fournir des éléments « tangibles et scientifiquement informés » ainsi que de déterminer « les conditions matérielles, réglementaires et diplomatiques dans lesquelles la restitution » pourra avoir lieu.
La première étape consistera à effectuer « un récolement » afin de « nous assurer que les pièces qui ont été identifiées » jusqu’à présent proviennent bien de Namibie et de Tanzanie, a expliqué Mathieu Schneider, selon lequel il est pour l’heure « difficile » de prévoir quand il sera achevé. Selon Aggée Célestin Lomo Myazhiom, sociologue à l’Unistra et membre du comité, « potentiellement une trentaine » de restes humains (crânes, fémurs…) pourraient correspondre aux demandes.
Une fois ce récolement achevé, il faudra également lever une difficulté d’ordre « réglementaire », a précisé Mathieu Schneider, puisque dans la loi française actuelle, le patrimoine universitaire, dont font partie ces restes, est « inaliénable et imprescriptible » et ne peut être cédé, à moins d’une loi ad hoc.
Toutefois, un texte adopté le 13 juin par le Sénat devrait à l’avenir faciliter la « restitution de restes humains appartenant aux collections publiques », sous certaines conditions : il faudra par exemple que les requêtes soient formulées par des Etats, a expliqué Mathieu Schneider. Or, ce n’est pas le cas pour les deux demandes, adressées par une province et une fondation, et qui devront donc être de nouveau formulées, cette fois par les gouvernements. « Nous cherchons une forme d’exemplarité. A voir ensuite si nous sommes suivis par d’autres universités », a insisté Mathieu Schneider.
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