Notre pays est dans l’impasse, la démocratie est bloquée. Si à cette situation s’ajoute la violence, diffuse, sélective et multiforme, nous avons là tous les ingrédients d’une implosion politique et sociale. Et les conséquences seront irréparables.
Ce qui est frappant avec la tempête que nous traversons actuellement, c’est que le navire prend l’eau tel une barque percée dans un lac, ou d’un navire à la coque fendue dans l’océan.
Le pavillon battant Sunugal n’apparaît plus alors que comme un frêle esquif qui, jusque-là, flottait sur le monde, sur le réel, sur la matérialité du monde, et qui subitement se trouve submergé par lui ou par la possibilité même de sa submersion.
Gouverner l’ingouvernable : telle est l’eau qui s’infiltre dans une cale, tel est le virus qui ne connaît ni autorité ni frontière. Le système politique de nos gouvernants ne semble pas être en crise parce qu’il aurait perdu une nature qu’il pourrait réussir à récupérer, mais parce qu’il a subi une profonde mutation, dans laquelle la production théâtralisée et permanente de sa crise se dresse comme un élément fondamental qui lui permet de se reproduire et de remplir l’une de ses fonctions fondamentales : générer de la désaffection qui profite à l’opposition politique la plus radicale, en l’occurrence le PASTEF.
Le PASTEF, catalyseur des émotions de la jeunesse
Parler de PASTEF, seul contre tous, c’est reconnaître dans ce mouvement un rôle catalyseur des émotions. Ce qu’on pourrait nommer la coalescence des subjectivités dans un mouvement de bascule qui fonde l’événement révolutionnaire.
Cette jeunesse survoltée qui s’identifie à Ousmane Sonko est inquiète des lacérations du lien social; son rapport à la globalisation est ambigu. Frappés par les crises globales, divisés par des fractures nouvelles, les jeunes ne se reconnaissent plus totalement dans les valeurs de notre société tout en devant y trouver leur place.
Notre relève se montre désireuse d’inscriptions électives fortes et semble plus que jamais en quête d’un récit qui pourrait rendre les Sénégalais solidaires, par-delà leurs divisions. C’est à l’exploration de ces tiraillements que notre projet démocratique s’interroge dans ce contexte, exigeant une réinvention de leur participation par une tentative de réenchanter la citoyenneté en faveur d’une démocratie plus directe, plus juste et plus efficace.
Cet engouement soudain des masses, ce « soudain » rend compte non d’un désir improbable d’émancipation qui n’aurait pas eu le temps de mûrir, mais de l’impossibilité de prévoir à quelles conditions la contrainte d’assujettissement et la peur de mourir pourraient céder face à la nécessité subjective et neuve en effet, de vivre enfin libre.
La jeunesse révolutionnaire semble ainsi se radicaliser, la contre-révolution étatique s’étendre et s’organiser.
La haine devenue levier puissant se généralise. Personne ne songe à la définir. Elle existe et cela suffit. Elle est mise au rang des passions qui exaltent les têtes. Se mettent en place des légendes servant de réservoir aux haines présentes et futures, comme des sortes de citernes ou de jarres géantes qui se remplissent régulièrement d’eau de pluie et conservent ainsi une quantité inépuisable.
Massacres, intrigues, conspirations et complots nourrissent les soupçons et la volonté de purifier la société.
L’ensemble de ces changements négatifs se rassemble dans un terreau fertile d’où grandissent soit l’apathie face au fardeau trop lourd à porter que représentent ces déséquilibres, soit le repli vers les solutions d’où émergeront de nouvelles violences entre les hommes. Le vivre-ensemble est remis en question tandis que la crainte de l’avenir – voire de son avenir – s’enracine au sein d’une jeunesse sur laquelle devraient pourtant reposer tous les espoirs.
Faire du sens avec du désordre
L’individu qui résiste à l’oppression des idéologies cyniques, ou oublieuses du droit ou simplement peu lucides dans l’analyse des situations, est un individu qui sait prendre le risque de se séparer, de s’isoler pour revenir éclairer la collectivité faite d’individus manipulables en jouant sur leurs meilleurs sentiments. On constate ainsi que le sujet libre peut certes prendre appui sur les droits déclarés comme nouvelle image, mais doit surtout prendre le risque de cette solitude quand la cité est en danger du fait d’un conformisme idéologique ou d’un règne de l’arbitraire néfaste.
L’intelligence suppose une certaine capacité à faire du sens avec du désordre, ou de l’ordre avec de l’incertitude. Elle inclut de savoir s’adapter, de tirer le meilleur du ˝hasard˝, de discerner, de voir des similitudes (ou au contraire des différences) là où elles ne sautent pas aux yeux, d’inventer des relations entre des éléments, de faire du nouveau tout en passant l’ancien au tamis…
Le piège de l’impasse est une menace tout comme on ne peut plus se satisfaire aujourd’hui de ranimer pieusement la flamme du souvenir. Nous avons à poursuivre la lutte au présent, ce qui est la meilleure façon de rester fidèles à l’idéal révolutionnaire. De ce point de vue, force est de constater que notre vieille garde et ses groupuscules, se prenant eux-mêmes pour leur propre fin, ne sont plus en état d’impulser la lutte, ni théoriquement, ni pratiquement. Ils ne font plus que marquer en creux la place occupée par la gauche anticapitaliste, dans un état antérieur du champ politique, avant le reniement socialiste, le désastre de la « gauche plurielle » et la recomposition des forces de droite qu’elle a favorisée.
Redonner du souffle à la politique
L’agitation, l’effervescence, les intrigues qui entourent maintenant le landerneau politique offre une image édifiante d’une course au pouvoir sans merci. Les candidats sont nombreux à se présenter sur la ligne de départ, à vouloir être calife à la place du calife. Deux personnages les coiffent tout de même au poteau:
Macky Sall bien campé dans un hyper présidentialisme à la limite de l’autocratie et le très esseulé Ousmane Sonko, chouchou des pestiférés confronté par une bonne partie de l’intelligentsia sénégalaise, persona non grata de toute l’oligarchie politico-médiatico-affairiste du pays et devenu sans crier gare orphelin de ses précieux soutiens de Taxawu, au moment où il a le plus besoin de l’apport énergique de ses alliés circonstanciels de Yewwi Askanwi.
Mais à y regarder de plus près, nous sommes tous autant largués que Sonko qui ne sait plus où donner de la tête et Macky qui se cherche et hésite à se trouver…
Tous les grands pays dit démocratiques, dit-on traversent une ère de déclin de la démocratisation de leur société, soumises au Capitalisme-Néolibéral. Que dire de nous autres sénégalais, vantards devant l’Éternel de notre supposée vitrine démocratique… Hélas, nous voilà en pleine déréliction…
On peut y relever au moins l’existence d’une triple déception :
– notre démocratie libérale souffre d’une terrible crise de la représentation, d’une grave impuissance publique et d’un profond déficit de sens. Cette « démocratie-répression » y aurait perdu, en cours de route, à la fois le peuple qui la fonde, la gouvernance qui la maintient et l’horizon qui la guide… Quoi pour nous sauver du déluge?
Un Sénégal qui émerge nécessite une voie singulière, une nouvelle écologie politique…
Il s’agit de renverser le rapport de force, par une mobilisation démocratique afin de se réapproprier les leviers du pouvoir. Il s’agit enfin de redonner du souffle à la politique et d’instaurer une communauté qui s’invente. L’essor des mouvements citoyens autour des forces vives de la nation témoigne de la volonté de réinventer l’action politique. Le lien politique doit donc s’instaurer en relation avec les autres acteurs, dans une communauté transversale, autour d’un espace de visibilité, et se renforcer par un dialogue continu, à l’œuvre aussi bien dans la réflexion politique que dans la mise en pratique quotidienne des normes.
Où sont donc nos Sages ?
Dans le chaos annoncé, où trouver les autorités auxquelles les populations pourraient s’identifier, les processus auxquels elles pourraient adhérer pour que le Sénégal reparte du bon pied ?
Où sont donc nos Sages qui ont un rôle majeur à jouer dans cette mise en perspective?
Le Sage est celui qui s’affranchit du pouvoir, du besoin de dominer. Il est donc le seul à pouvoir maîtriser les instruments du pouvoir. Il est le seul qui a du pouvoir sur le pouvoir.
Le conflit politique requiert une solution politique. Par solution politique, on entend communément une solution obtenue par la discussion par opposition à l’usage de la violence. Cette solution peut être ou non trouvée. Par conséquent, l’alternative entre violence et discussion est au cœur des conflits politiques.
Péripéties et rebondissements en perspective…cette année 2023, d’ici aux élections de février 2024 sera épique à tout point de vue. Si élections, il y a… Qui vivra, verra!
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