Sénégal : Une Majorité Électorale n’Absout pas le Citoyen de ses Devoirs

Les récentes victoires électorales du PASTEF, avec l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence en mars 2024 et l’obtention de 130 sièges sur 165 lors des législatives de novembre, ont suscité des analyses simplistes affirmant que « le peuple a tout donné au pouvoir » ou que « le peuple n’est plus redevable au pouvoir ». Une élection ne suffit pas pour assoir une démocratie et une majorité ne donne pas un blanc seing.

Les citoyens ont donné à PASTEF une majorité: à lui de travailler maintenant et rendez-vous dans cinq ans. Ces interprétations, bien que répandues parmi certains journalistes et leaders d’opinion, manquent de profondeur et négligent la complexité de la dynamique démocratique.

Les Élections : Un Baromètre de l’Efficacité Démocratique

Les élections sont indéniablement un indicateur clé de la santé démocratique, reflétant la volonté populaire et l’efficacité opérationnelle du système politique. Cependant, se limiter à cette lecture quantitative revient à ignorer l’importance de l’efficience informationnelle, concept emprunté à l’économie, qui souligne la nécessité d’une circulation transparente et complète de l’information pour le bon fonctionnement des marchés, et par analogie, de la démocratie.

Le Rôle Indispensable du Citoyen Informé et Actif

Une démocratie ne peut prospérer sans la participation active et éclairée de ses citoyens. La confiance accordée au projet du PASTEF ne dispense pas les Sénégalais de leurs responsabilités civiques. Au contraire, elle les engage davantage à incarner un nouveau type de citoyen, acteur central de la rupture politique annoncée. Parmi ces responsabilités :

• Redevabilité fiscale : Chaque Sénégalais, qu’il évolue dans le secteur formel ou informel, doit contribuer aux recettes fiscales en s’acquittant de ses impôts.

• Rejet de la corruption : Il est impératif de refuser la corruption comme mode de fonctionnement et de promouvoir l’intégrité à tous les niveaux de la société.

• Respect des lois : Le respect des règles en vigueur et l’acceptation des conséquences en cas de contravention sont fondamentaux pour la cohésion sociale.

• Culte du travail : Adopter une éthique du travail rigoureuse, en s’éloignant de la mentalité du « took muy dox», conformément aux enseignements de nos guides religieux, est essentiel pour le développement national.

La Presse et les Leaders d’Opinion : Gardiens de la Démocratie

La presse, les leaders d’opinion, la société civile et les experts ont un rôle crucial de modération et d’éducation dans notre démocratie. Ils doivent orienter le débat public vers des sujets essentiels, basés sur des indicateurs mesurables, afin de guider le pays vers le redressement. Malheureusement, la prolifération de débats superficiels et la multiplication d’« experts » autoproclamés sur les plateaux médiatiques contribuent à la confusion des citoyens quant à leur rôle dans la construction nationale.

Construire Ensemble un Sénégal Prospère

Le Sénégal fait face à des défis économiques majeurs, notamment une dette publique préoccupante. Attendre tout de l’État sans une participation active et responsable des citoyens est une illusion dangereuse. Il est impératif que chaque Sénégalais prenne conscience de son rôle dans le développement du pays, en s’engageant pleinement dans ses devoirs civiques et en contribuant, à son échelle, à la prospérité nationale. Le parti au pouvoir doit lui aussi impérativement impulser les débats partout où c’est nécessaire. Dans les quartiers, les campagnes…et ne pas dans le secret de leurs bureaux penser pour le peuple. De grâce ne faites pas la révolution pour le peuple, faites-la avec le peuple.

En somme, la majorité électorale du PASTEF ne doit pas être perçue comme un chèque en blanc, mais comme une opportunité pour chaque citoyen de s’impliquer davantage dans la vie publique, en adoptant des comportements responsables et en exigeant une gouvernance transparente et efficace. C’est à ce prix que le Sénégal pourra véritablement amorcer la rupture tant attendue et se hisser au rang des nations démocratiques et prospères.

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Longtemps professeur de littérature africaine aux États-Unis, Docteur Moussa Sow est depuis quelques années enseignant chercheur aussi à l'université Gaston Berger de Saint-Louis. Panafricaniste, féru de questions géostrategiques, Moussa Sow chronique sur Kirinapost.

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