Le génocide contre les Tutsis au Rwanda va bientôt avoir 30 ans. Selon l’ONU, les massacres ont fait près d’un million de morts entre avril et juillet 1994, essentiellement au sein de la minorité tutsi. Fruit d’un long processus de plusieurs années à travers plusieurs phases de massacres, le génocide contre les Tutsis connait son point culminant en 1994. Une des régions de cette tragédie était Bisesero.
En 2005 des rescapés de Bisesero, ont déposé plainte pour «complicité de génocide» contre l’armée française. Après dix-sept années d’instruction, les juges en charge de l’affaire ont rendu un non-lieu. En juin dernier, la cour d’appel de Paris a annulé le non-lieu.
Dans son blog, Ne pas subir l’officier Guillaume Ancel raconte Bisesero. « Bisesero, de vastes collines boisées dans l’ouest du Rwanda, où des milliers de Tutsi ont cru trouver refuge pour échapper au génocide conduit depuis le 7 avril 1994 par un gouvernement frappé de folie meurtrière, mais que la France avait continué à soutenir… jusqu’à la complicité ? C’est toute la question posée par ce drame qui se tient au premier acte de l’opération Turquoise, l’intervention militaire française pendant le génocide contre les Tutsi, fin juin 1994. »
Le 27 juin, sur ces collines de Bisesero, quelques militaires des forces spéciales en reconnaissance découvrent des rescapés tutsi. Ils ne sont en rien l’avant-garde de l’armée du FPR – celle de Paul Kagamé redoutée par la France –, mais les survivants de massacres ignobles, répétés chaque jour. Ce sont des morts-vivants, des zombies accablés de blessures et entourés de charniers.
Eric Nzabihimana, enseignant de formation, fait partie des rescapés de Bisesero. En 2005, avec d’autres rescapés, ils ont déposé plainte pour «complicité de génocide» contre l’armée française.
« Depuis notre cachette, nous avions aperçu des hélicoptères survoler la région », raconte-t-il à Jeune Afrique. « Lorsque nous avons vu ces jeeps monter vers nous, je me suis avancé à leur rencontre, sur la piste, avec quelques autres rescapés » rappelle Nzabihimana toujours au micro de Jeune-Afrique.
Dans son viseur, des militaires français de l’opération Turquoise soupçonnés d’avoir sciemment abandonné quelques centaines de survivants aux tueurs hutus, sur les collines de Bisesero, alors que leur ordre de mission consistait à « mettre fin aux massacres partout où cela sera[it] possible ».
La colonne passe, les soldats français sont interloqués, toute la représentation qui leur avait été soigneusement faite de l’ennemi tutsi qui s’attaquait à nos braves alliés hutus s’effondre dans cette scène d’apocalypse : les forces que nous soutenons depuis quatre années sont des massacreurs, ceux-là même que nous avons formés et armés aveuglément, sans jamais l’avoir dit publiquement aux Français. Pire encore, cette opération Turquoise, déclenchée au 75° jour du génocide qui en comptera 100, cette intervention qui s’abritait derrière un mandat humanitaire nous servait clairement à empêcher le FPR de Paul Kagamé de s’emparer du pouvoir mais surtout pas à s’en prendre aux génocidaires, que nous n’avons jamais inquiétés. Ainsi, explique Guillaume Ancel, toujours dans son blog, « nous étions de fait en train de soutenir, de protéger et d’appuyer ceux qui commettaient le génocide contre les Tutsi, sous nos regards effarés. »
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